Géologie de la Campagne sous-vosgienne d'Alsace Bossue p 2/2

Publié le 13 Janvier 2019

Rahling

Rahling

Vue sur Rahling depuis les hauteurs à proximité du site gallo-romain du Gurtelbach (Dehlingen). La Plaine sous-vosgienne s'étend entre la Côte de Lorraine (talus au premier plan et à gauche) et le massif forestier des Basses Vosges gréseuses du nord (arrière-plan).

 

A quoi tient l'originalité de ce secteur ? Quel est le passé géologique de cette petite région ?

 

Des affleurements

L'observation du sous-sol de la Plaine sous-vosgienne d'Alsace Bossue est souvent rendue difficile à cause de l'absence d'exploitation notable (une carrière de glaise près de Butten) et de l'altération rapide suivie de revégétalisation des rares affleurements occasionnels (chantiers, talus routiers). Les grands travaux apportent quelques informations utiles. Tel a été le cas du chantier de la ligne LGV (2012/2013) qui passe au sud de la région. Quelques images effectuées depuis les intersections avec le réseau routier, accompagnées de données tirées en partie de la notice des cartes, permettent d'illustrer la géologie de ce secteur le long d'un axe est-ouest.

 

Secteur Phalsbourg-Vilsberg

Tranchée à Vilsberg

Tranchée à Vilsberg

Tranchée à Vilsberg. (t3a). Alternance de bancs gréseux beiges plus ou moins dolomitiques, de grès argileux jaunâtres et  de niveaux argileux bruns. Des moulages de coquillages  sont observables en surface des grès. La série appartient au Grès coquillier du Muschelkalk inférieur.

 

Secteur de Zilling-Mittelbronn

Tranchée près de Zilling

Tranchée près de Zilling

Tranchée près de Zilling. Détail.( t3c).  Alternance de bancs de dolomie compacte grise (cassure) séparés par des joints marneux dans la partie supérieure et de dolomie en plaquettes  minces à contour souvent ondulé, dans le bas. Rares fossiles. Zone supérieure dolomitique ou Dolomie à Myopohories (coquillage fossile)

 

Secteur de Hilbesheim-Réding

Tranchée près de Réding

Tranchée près de Réding

Tranchée près de Réding (t4b). Des couches de marnes dolomitiques, d'aspect crayeux, beiges à blanches, déssinent une ondulation « en creux ». A ce niveau, la couverture de terrains superficiels (anciennes alluvions brun-roux fortement altérées) présente une « poche » dont le contenu a été entrainé sur le talus par le ruissellement. Un tel dérangement est souvent causé par la dissolution en profondeur de lentilles d'évaporites (gypse , sel). Appartenance aux Couches blanches.



Quelques échantillons de roches caractéristiques

Géologie de la Campagne sous-vosgienne d'Alsace Bossue  p 2/2

1) marne dolomitique fossilifère (dolomie à Myophoria) - t3c / Rexingen
2) cargneule à dolomite recristallisée et marne cloisonnée - t4b / Hilbesheim
3) gypse fibreux et marne dolomitique grise - t4b / Rohrbach-les-Bitche
4) dolomie compacte - t3c / Zilling
5) dolomie vacuolaire - t3c / Zilling
6) grès beige argileux - t3a / Vilsberg
7) grès gris micacé - t3a / Vilsberg
Les informations fournies par les roches

Les informations fournies par les roches

Les informations fournies par les roches


La succession verticale des assises est celle observable sur le terrain d'ouest en est ou sur une carotte de forage. La lecture de la série, faite du bas vers le haut,  montre une dérive générale depuis les termes les plus anciens qui appartiennent à un pôle détritique (sables, argiles) en direction d'un pôle supérieur à dominante chimique (précipitation de sels). Cette tendance (gradient) traduit une évolution des conditions de dépôt à l'Anisien . Elle peut résulter de plusieurs interactions  qui mettent en jeu :
des facteurs d'ordre tectonique :  enfoncement progressif, du bassin, rehaussement des seuils interrompant la communication avec la mer ouverte,
d'ordre climatique : rareté des précipitations qui limitent les apports continentaux de matériel détritique et la re-dilution des eaux confinées, forte évaporation qui aboutit à la formation de solutions concentrées (saumures) peu propices à la vie,
 d'ordre physico-chimique : lorsque le seuil critique de concentration est atteint, les ions précipitent selon une succession bien établie (cf marais salants).
A ce moment-là, des portions de bassin peuvent être partiellement exondées, les premiers sédiments repris en partie par l'érosion. Les saumures peuvent migrer (densité) dans les parties les plus profondes où elles précipitent.


Paléogéographie

Géologie de la Campagne sous-vosgienne d'Alsace Bossue  p 2/2

Carte. Reconstitution paléogéographique simplifiée de l'Europe au Trias supérieur (Muschelkalk moyen). Le territoire se trouve sous des latitudes proches de 20°, en zone intertropicale (paléomagnétisme). Des reliefs résiduels de la chaine hercynienne (en jaune) encadrent un bassin marin dont le fond s'affaisse progressivement. Au Muschelkalk inférieur, le milieu est comparable à une vasière littorale en communication plus ou moins ouverte avec l'océan Téthys par la « porte des Carpathes » à l'est. Le seuil morvano-vosgien ou bourguignon ne deviendra actif que durant la période suivante. Au Muschelkalk moyen, le renouvellement des eaux se fait plus difficilement. Dans ce bassin qui prend l'allure d'un système de lagunes à faible tranche d'eau, l'évaporation intense va conduire au confinement  des eaux, à la formation de dolomies et à la précipitation de gypse et de sel. Les dépôts de sel (**) concernent principalement une zone centrale qui s'étend du Jura - avec un diverticule lorrain – jusqu'en Allemagne du nord.

 


Evolution tardive. Formation des reliefs actuels

Coupe géologique à travers la Campagne sous-vosgienne.

Coupe géologique à travers la Campagne sous-vosgienne.


La zone étudiée apparaît comme un sillon limité à l'ouest de Rahling par la Côte de Lorraine avec son chapeau protecteur de marnes et calcaires du Muschelkalk supérieur (en orange).

Elle forme le revers de la première des cuestas du bassin parisien, celui-ci étant limité à l'est par la marche/gradin des grès du Buntsandstein.
Après les dépôts du trias terminal, du Jurassique, le soulèvement de la bordure vosgienne au Tertiaire a favorisé la reprise de l'érosion. Celle-ci a dégagé (ici) les terrains appartenant aux marnes du Muschelkalk moyen. Les Couches grises (en gris) et rouges (en brun clair) sont d'autant plus faciles à éroder qu'elles renferment des lentilles de sel et de gypse solubles. Au fil du temps, le front de côte sapé par la base acquiert une pente raide et entame son recul. A l'est de Rahling, les marnes plus gréseuses (en marron, jaune et bleu) du Muschelkalk inférieur sont également entamées par un réseau de ruisseaux. Elles sont souvent occupées par la forêt. Les grandes vallées au NW et au SE  ( ruisseau d'Achen et Spielersbach constituent des exutoires à plus grande échelle. Dans ce dernier cours d'eau affleurent les grès du Buntsandstein qui forment le massif des Vosges du Nord. En plusieurs endroits, la disposition régulière des couches est interrompue par le passage de failles qui rehaussent les compartiments de la partie orientale et constituent des zones de fragilité propices au travail de l'érosion.

 

Textes, recherches, schémas, bibliographie et photos (sauf mention) Étienne Feuchter (Anab)

 

Eléments de bibliographie
- Lecture des paysages lorrains. Portail UOH
 - Marie-Noële DENIS. Maisons et frontières culturelles ; Une étude de l'habitat rural
sur les marches de l'Est. Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe. Srasbourg
- La maison Bonnert à Hellimer. L’architecture à colombage mosellane
- Notices des Cartes géologiques (Editions du BRGM) / Accès possible par Infoterre
- Aspects chimiques et physiques du marais salant. Garzettespeciale9chimiemaraissalant 2012 Association Patrimoine Marche de Bretagne Marais Breton des Moutiers en Retz
- Die Stratigraphische Tabelle von Deutschland 2016. DSK

Rédigé par ANAB

Publié dans #Paysages, géologie de notre région

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