Lichens et champignons en interaction épisode 11 des lichens et des bactéries (et Psilolechia lucida )
Publié le 26 Janvier 2019
Nom scientifique : Psilolechia lucida (Ach.) Choisy
Date de l’observation: 19 mars 2018 à Frauenberg
Classification :Division des Ascomycota, famille des Pilocarpaceae
Description : Un surprenant lichen, observé ici sur une pierre tombale, de morphologie lépreuse, jaune vif à jaune verdâtre vif. Il pousse sur les roches non calcaires, dans des sites humides et plutôt ombragés mais protégés des pluies et des écoulements d'eau.
Longtemps restée énigmatique pour les scientifiques, la nature des lichens s’est progressivement éclaircie à partir de 1866 et les travaux du mycologue et botaniste allemand Heinrich Anton de Bary (1831-1888) et du botaniste suisse Simon Schwendener (1829-1919). Ils postulent l’idée d’une double nature des lichens. L’histoire retiendra 1867 comme l’acte de naissance de la théorie schwendenerienne selon laquelle les lichens sont des êtres doubles, formés de l’union d’une algue et d’un champignon.
Cette théorie s’est heurtée à une vigoureuse résistance dans les cercles lichénologiques avant finalement de s’imposer et d’introduire en 1877 un nouveau concept dans les sciences de la vie : la symbiose. On découvrira plus tard que des bactéries photosynthétiques, des cyanobactéries, peuvent également réaliser cette association avec le champignon.
Pour autant, les lichens étaient loin d’avoir dévoilés tous leurs atouts. Des techniques de biologie moléculaire et microscopique plus performantes ont mises en évidence d’autres partenaires jusqu’alors insoupçonnés. Ainsi la présence de bactéries associées aux lichens, en fait tout un écosystème bactérien. Cette quantité bactérienne est considérable, allant jusqu’à 100 millions de bactéries par gramme pour le genre Cladonia. Les communautés microbiennes associées aux lichens comprennent divers groupes taxonomiques; la majorité des bactéries appartiennent aux alphaprotéobactéries. Les communautés microbiennes peuvent ainsi former des structures de type biofilm sur des parties spécifiques du thalle de lichen.
Mais un autre fait plus surprenant est la distribution différentielle de ces colonies bactériennes au sein des lichens. En d’autres termes, selon la localisation dans le lichen, on n’aura pas nécessairement les mêmes populations bactériennes. C’est ce qui se passe par exemple chez l’homme où le microbiote intestinal n’a pas la même constitution que le microbiote de la surface de la peau, etc.
Le rôle de cette composante bactérienne est encore largement inconnu, mais on peut supposer qu’ils jouent un rôle dans l’approvisionnement en nutriments, la dégradation des parties âgées des thalles, la biosynthèse de vitamines B12 et d’hormones, la détoxification de substances inorganiques, peut être la synthèse de métabolites assurant une protection contre le stress
Récemment, il est devenu clair que les bactéries associées au lichen contribuent à la fonction globale de la symbiose et peuvent en fait être des membres essentiels de la communauté des lichens. Les interactions chimiques entre les membres de cette communauté jouent probablement un rôle important dans la symbiose, mais beaucoup de détails restent inconnus.
On peut sans hésiter parler maintenant du microbiome d'un lichen. Il faut se rendre compte de l’incroyable complexité et ingéniosité du système lichen, non seulement d’être une association entre des organismes bien différents, mais aussi d’héberger un complexe microbiote.
Et nous ne sommes peut-être pas au bout d’autres découvertes. En 2016 a été mis en évidence un nouveau partenaire de l’association lichénique, un champignon unicellulaire de type levure, dont a démontré son implication directe dans la synthèse d’un constituant donnant entre autres sa couleur au thalle.
Les lichens posent des questions fondamentales sur le vivant : pouvons-nous encore utiliser les notions de genre et d’espèce pour ces communautés microbiennes, d’autant plus que le terme de lichen n’a pas de sens phylogénétique puisqu’ils n’ont pas d’ancêtres communs ? La forme lichen ne représente -t-il en fait qu’un mode de nutrition, une organisation spécifique permettant à des organismes bien différents de conquérir ensemble des milieux ? Ce mot « ensemble » à toute son importance ici et nous montre qu’ensemble, on va plus loin.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Sources :
- bulletin d’informations de l’association française de lichenologie, 2018 – volume 43- Fascicule1, pages 63 à 66
-https://www.afl-lichenologie.fr/Photos_AFL/Photos_AFL_P/Text_P/Psilolechia_lucida.htm
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