Lichens et champignons en interaction épisode 12 Des lichens et des escargots (et Physconia perisidiosa)
Publié le 2 Février 2019
Nom scientifique : Physconia perisidiosa (Erichsen) Moberg
Date de l’observation: 05 janvier 2019 à Zetting, tronc de frêne
Classification : division des Ascomycota, famille des Physciaceae
Un lichen assez commun qu’on trouve sur les écorces des vieux arbres des bords de route (Frêne, Peuplier, Tilleul), surtout à la base quand l’écorce est enrichie en nutriments. Elle se reconnaît à ses lobes très étroits et imbriqués, ses soralies en forme de lèvres.
La dispersion des graines est parmi les mécanismes les plus importants qui façonnent la biodiversité. Contrairement aux animaux, mobiles, les plantes, sessiles, dépendent de facteurs externes (le vent, les animaux, l’eau) pour la dispersion des semences. La zoochorie (terme savant qui désigne la dispersion par les animaux) joue un rôle prépondérant dans la dispersion des graines. Dans la zoochorie, on distingue l’exozoochorie (la dispersion se fait par l’animal, sans pénétrer à l’intérieur de ce dernier, par exemple les graines qui s’accrochent au pelage) et l’endozoochorie (la graine pénètre dans l’animal, souvent via le tractus digestif, c’est le cas chez les oiseaux).
Chez les champignons, on a vu un exemple d’exozoochorie dans l’épisode 7 avec un pic transportant des spores. On pourrait aussi citer le satyre puant (Phallus impudicus) dont l’odeur cadavérique attire les mouches qui dispersent ensuite les spores plus loin. L’endozoochorie existe aussi dans ce règne, chez les lichens et chez ces derniers, le challenge est plus difficile car il faut que l’association champignon/algue reste fonctionnelle durant ce transport.
Les lichens se reproduisent végétativement par des structures comme les soralies et isidies, des fragments de thalle, ou en produisant des spores fongiques, pouvant être dispersés par le vent, l'eau, ou par exozoochorie.
Des chercheurs ont nourri neuf espèces d'escargots communes en Europe de thalles de deux espèces de lichens foliacés (Lobaria pulmonata et Physcia adscendens) et ont démontrés la régénérescence de ces deux lichens à partir des excréments de ces escargots , montrant ainsi que les fragments de lichen ont survécu au passage intestinal de toutes les espèces d'escargots. De plus, les taux de régénération des lichens variaient parmi les espèces d'escargots avec des taux plus élevés après le passage intestinal des espèces d'escargots les plus grosses. Les gastéropodes qui broutent généralement les communautés de lichens sont importants, mais jusqu'à présent, ont été complètement négligés comme vecteurs de dispersion des lichens.
L’expérience a démontré que la dispersion par endozoochorie des fragments de lichen par les gastéropodes est possible. Elle implique que les thalles de lichen peuvent proliférer grâce aux gastéropodes en raison de la fragmentation en plusieurs morceaux. Ainsi, la dispersion endozoochore des lichens par les gastéropodes peut même augmenter la croissance de la population de lichen, et donc constitue un mutualisme gasteropode-champignon-algues assez singulier entre des organismes appartenant à trois « royaumes » (règnes) différents du vivant. Cela ouvre de nouvelles perspectives écologiques.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Sources:
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3076439/
www.afl-lichenologie.fr/Photos_AFL/Photos_AFL_P/Physconia_perisidiosa.htm
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