Sous la forêt, pour survivre, il faut des alliés. 2/2ch

Publié le 15 Avril 2019

Girolle jaune (Cantharellus cibarius)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Girolle jaune (Cantharellus cibarius)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

suite de la balade imaginaire de Gilles en forêt à la suite de sa lecture du livre « Sous la forêt, pour survivre, il faut des alliés », de Francis Martin.
Lire ou relire l'épisode 1/2  paru le 14 avril.



Je rencontre de belles chanterelles, des champignons qui sont souvent des espèces pionnières de forêt jeune car une forêt aussi ne reste pas immuable. Elle est en perpétuelle évolution. Elle est d’abord jeune puis prends de l’âge et à chaque stade correspond un cortège particulier de champignons. Ces champignons peuvent former des milliers de petites colonies éphémères, une stratégie complètement opposée de l’armillaire croisée auparavant.

Amanite phalloïde (Amanita phalloides)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Amanite phalloïde (Amanita phalloides)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Soudain une belle amanite phalloïde s’offre à mon regard. Crainte, elle ne me fait pourtant pas peur. Je sais qu’il ne faut pas la manger et c’est avec respect que je la regarde.

Cèpe de Bordeaux (Boletus edulis) - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cèpe de Bordeaux (Boletus edulis) - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Je revois l’évolution du vivant, il y a 200 millions d’années quand sont apparus les ectomycorhizes, ces associations entre des champignons et les racines des arbres, il y a 10 000 ans, à la fin de l’ère glaciaire, quand les forêts ont commencées à se développer chez nous. Ces arbres voyageurs  avaient déjà dans leur valise leur champignon indispensable.
J’ai aussi de l’admiration pour cette amanite, modeste représentante d’un règne fongique dont même pas 1 % des membres font ce beau sporophore qui agrémente le repas des gastronomes ou celui du bilan comptable des pompes funèbres. Ces champignons pourtant pas faciles à définir, qui ne sont ni des animaux ni des plantes et qui vivent directement sur leur nourriture qu’ils digèrent à l’extérieur d’eux. Quelle idée ont eu ces quelques champignons de fabriquer ce chapeau qui dépasse du sol mais pourtant très efficace pour disséminer les spores. Et quel travail fournit par ce magnifique cèpe à côté qui produit jusqu’à 10 milliards de spores en deux semaines.

 

Stereum insignitum - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Stereum insignitum - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Avec une très forte mortalité infantile, ce sacrifice est nécessaire avec la rude compétition dans le sol. Et on est loin d’imaginer toute cette biodiversité sous nos pieds. Les techniques modernes de séquençage de l’ADN nous montrent que ce sont plusieurs centaines d’espèces qu’on peut trouver dans un gramme de sol. Un arbre peut héberger dans ses racines plus de 100 espèces de champignons. Ces champignons et ces arbres communiquent par un subtil jeu de molécules qui pénètrent jusque dans l’intimité cellulaire des végétaux. Un dialogue invisible mais pas fortuit, un dialogue qui plonge ses racines dans plus de 50 millions d’années d’évolution. J’essaie de m’imaginer ce monde de communication, ces milliers de réseaux, ces protéines échangées mais mes pauvres 5 sens en sont incapables.

 

J’observe maintenant ce bois mort au sol et aussi ces champignons, des stérées, qui y poussent.

Polypore du bouleau (Fomitopsis betulina) - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Polypore du bouleau (Fomitopsis betulina) - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

25 % de la biodiversité d’une forêt se trouve dans le bois mort. Je regarde ces champignons décomposeurs en pensant que c’est grâce à eux que la matière organique se recycle et aussi avec un sourire ironique je pense aux exploitants des mines de charbon et des puits de pétrole qui seront bien embarrassés dans l’avenir à cause d’eux. Même le grand Napoléon n’a pas réussi à faire avec la marine britannique ce qu’un de ces champignons saprotrophes, venu du froid, des plateaux de l’Himalaya, a réalisé.

 

Viens ensuite ce beau polypore du bouleau. Sa vue me fait penser à un homme qui arpentait les Alpes il y a près de 5000 ans, dont la vie se termina tragiquement. Ce champignon fut son compagnon de route et ils finirent ensemble leur chemin.

Le livre de Francis Martin nous invite à approfondir tout ce que nous venons d’évoquer, de regarder autrement le vivant. Il nous montre que les plantes et les champignons représentent une autre voie évolutive que la nôtre, tout aussi bien adaptée à son environnement. En passant d’une forêt à une bouse, des orchidées aux termites, Francis Martin nous offre une vision nouvelle de ces écosystèmes et nous rappelle que, sans les champignons, l’homme n’aurait jamais existé. L’auteur nous raconte avec passion les dernières découvertes scientifiques sur cet incroyable univers, un voyage au-delà du visible. Bouclez votre valise pour ce voyage, sans oublier d’y glisser cet indispensable ouvrage.


Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)



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Sous la forêt, pour survivre, il faut des alliés.  1/2

 

Rédigé par ANAB

Publié dans #découverte nature, #Actu-conf-films-expo, #champignons

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C
Bonjour Gilles ,<br /> J'avoue que lisant la saga des mycohizes,des champignons et des arbres,quoi de la forêt, à travers tes lignes,qu'on ne peut être qu'admiratif,devant l'ingéniosité et la force du vivant.<br /> Surprenant la succession des espèces de champignons en fonction de l'âge de la forêt.<br /> Que de chose à découvrir et comprendre.<br /> Merci,
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B
Belles photos de champignons... qui deviennent, du moins j'en ai l'impression de plus en plus rares.
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G
Bonjour Bernard,<br /> Tu soulèves une remarque qui fait couler beaucoup d'encre chez les mycologues. Pour schématiser, les champignons ne deviennent pas plus rares mais s'adaptent. Certaines espèces disparaissent, d'autres apparaissent. Et tout dépend des conditions climatiques. Mais ce qu'on remarque déjà est un décalage dans la période de fructification et un allongement de cette dernière.
H
Gilles, avec ces belles photos, parfois même artistiques, tu nous pousse à sentir toute cette magie de la forêt.....merci.
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G
Bonjour Hans,<br /> La science a besoin aussi de l'art et la première qualité du scientifique doit être l'émerveillement et la curiosité de comprendre.