Les plantes envahissantes, la nouvelle « chasse aux sorcières de la science » ? (partie 2/2)
Publié le 28 Janvier 2020
suite de l'article paru hier
article paru sur Telabotanica
Quels sont les impacts sur la biodiversité ?
Les espèces envahissantes posent de vrais problème pour la biodiversité, c’est même ce qui les définit en fait. Tout d’abord, là où une plante exotique pousse, une plante indigène ne peut pas pousser. Les envahissantes réduisent donc virtuellement la place disponible pour les espèces locales, et nous savons que la biodiversité indigène est déjà extrêmement fragilisée par l’expansion des activités humaines. De plus, les espèces les plus problématiques poussent généralement dans des milieux rares et très sensibles. Par exemple, les zones humides abritent une biodiversité exceptionnelle mais sont envahies par la Renouée de Japon (Reynoutria japonica). Dans ces milieux, elles remplacent parfois totalement les espèces locales qui disparaissent !
Selon le dernier rapport de l’IPBES qui fait office de référence en terme de recherche sur l’état de la biodiversité, les espèces invasives font parti des 5 grandes causes directes de l’extinction des espèces avec le changement climatique, la conversion des espaces naturels, la pollution au sens global et l’exploitation directe des organismes. Je vous invite d’ailleurs vivement à lire ce rapport très bien fait pour vous faire votre propre idée de la situation actuelle (il date de mars 2019).
Voici quelques exemples de plantes envahissantes en France :






Les plantes envahissantes posent problème, c’est certain. Mais qu’en est-il des exotiques qui se naturalisent ? Finalement, nous avons vu que la biodiversité indigène a déjà de moins en moins de place pour survivre et si de nouvelles espèces arrivent avec les mêmes niches écologiques, cela risque de fragiliser les équilibres des écosystèmes. D’autant plus que les espèces locales entretiennent des interactions fortes avec toute la biodiversité locale (insectes, oiseaux etc.) permettant une certaine résilience des écosystèmes. En revanche les plantes exotiques ont en moyenne moins (voire pas du tout) d’interactions avec la biodiversité locale et entretiennent donc moins la résilience des écosystèmes.
Pour autant, le débat est plus complexe que ça. Les espèces exotiques qui se sont naturalisées semblent finalement se faire réguler par les organismes des écosystèmes locaux et peuvent même s’avérer utiles : certaines d’entre-elles offrent de la nourriture aux pollinisateurs par exemple. C’est ce que l’on appelle un service écosystémique, et certaines espèces exotiques en produisent beaucoup, de services ! Enfin, certains posent la question du changement climatique et de l’inévitable introduction de nouvelles espèces, plus adaptées au climat futur que nous subirons (températures plus chaudes et moins de précipitation). Je vous donne mon avis personnel en fin d’article à ce sujet.

Comme chez les insectes envahissants, la lutte contre ces plantes est très difficile et coûteuse. Il y a peu de victoires et lorsqu’une espèce semble éliminée, elle revient quelques années plus tard. Il y a pourtant régulièrement des campagnes d’arrachage des espèces problématiques mais il est impossible d’être certain d’avoir enlevé tous les individus. De plus, certaines d’entre-elles se reproduisent très bien végétativement, à partir de morceaux de racine, rhizome, feuille etc. Enfin, certaines graines peuvent rester dormantes sous terre pendant plusieurs années avant de germer, ce qui complique encore plus la situation.
Pourtant, il est important de protéger la biodiversité locale – déjà très impactée par les activités anthropiques – car nous sommes complètement responsables de l’introduction des envahissantes. Les insectes envahissants sont parfois régulés au bout de quelques années par des prédateurs locaux (oiseaux par exemple) qui apprennent à utiliser cette ressource de nourriture. Il est en revanche plus difficile de se débarrasser des plantes de cette manière car les insectes herbivores ou les champignons ont peu, voire pas du tout, de capacité d’apprentissage. Il faut donc aujourd’hui financer des campagnes d’arrachages systématiques.
Nous pourrions lutter à notre niveau en n’encourageant pas la plantation d’espèces exotiques partout et encore moins d’envahissantes. En effet, les haies de nos jardins, les espèces plantées dans les rond-points et autres massifs communaux sont quasiment exclusivement des espèces exotiques au potentiel envahissant non négligeable pour certaines d’entre-elles (je pense notamment au ricin qui en plus d’être envahissant est extrêmement toxique) ! Un bon début dans la lutte contre ces invasives serait de planter des espèces locales et de limiter les exotiques surtout lors de plantation de masse, il existe un paquet de plantes indigènes parfaitement compatibles pour les haies et les massifs. Il faudrait aussi pouvoir reconnaître les espèces problématiques et les arracher dés lors qu’on les rencontre…

J’espère vous avoir fait comprendre tout l’enjeu autour des plantes envahissantes qui représentent une problématique compliquée mais terriblement d’actualité. Ces espèces ont été introduites par l’homme et représentent aujourd’hui un danger pour la biodiversité locale.
Mon avis est qu’il faudrait lutter encore plus efficacement contre les espèces envahissantes et fortement limiter l’introduction d’espèces exotiques si nous pouvons les remplacer par des espèces locales, qui interagissent avec la biodiversité locale. Je trouve aussi dommage de vouloir introduire de nouvelles espèces exotiques dans les forêts, par exemple, afin d’optimiser la production de bois dans un contexte de changement climatique (c’est une question qui se pose vraiment actuellement). En effet, comme la (très grande) majorité des forêts sont gérées et entretenues pour qu’elles soient économiquement rentables, les espèces locales ne sont peut être plus les plus intéressantes pour la production de bois si les températures augmentent. L’idée est donc de les remplacer par des espèces de climat plus chaud. Mais cela reviendrait à changer complètement la base du système trophique de ces écosystèmes alors que la vraie solution serait de ne pas entretenir le changement climatique ! Enfin, pour revenir à l’article qui m’a servi de prétexte pour parler des espèces envahissantes, je pense qu’il faut faire attention à ce que l’on écrit sur Internet pour ne pas que cela soit repris, ou interprété comme une vérité absolue dés lors que l’on donne un point de vue. Faire l’éloge des plantes envahissantes est problématique, surtout si cela incite certains lecteurs à en cultiver ou à les multiplier !
Je voudrais pour terminer ouvrir un peu la discussion concernant les plantes exotiques plantées. Je trouverais cela fort dommage que les arbres plantés dans les rues, les plantes des haies ou des massifs soient exactement les mêmes que l’on se trouve en France, aux États-Unis, au Japon ou en Nouvelle-Zélande. Nous observons une sorte d’uniformisation de la végétation des grandes villes aux climats similaires et cela enlève un peu de l’identité visuelle et du charme des différentes régions de la planète.
J’attends vos avis dans les commentaires =)
