Les truffes affaiblissent les plantes autour de leurs arbres

Publié le 11 Février 2020

Un brûlé de truffière.

Un brûlé de truffière.

paru le 19/12/2019 sur Sciencesetavenir

Petit à petit, la truffe livre les secrets d’une vie intime très compliquée. Une équipe française vient ainsi de dévoiler les origines des "brûlés", ces zones situées au pied des arbres truffiers où les plantes se font rares et dépérissent.

Un mystère de moins. Les deux espèces présentes sur le territoire français, la truffe noire Tuber melanosporum et celle de Bourgogne Tuber aestivum vivent en effet dans des espaces très particuliers, les "brûlés". Au pied des chênes ou des noisetiers où elles s'épanouissent, les végétaux dépérissent. Et on ne savait pas pourquoi. "Grâce à l'utilisation de l'empreinte génétique à l'instar d'un roman policier, et à des marqueurs fluorescents nous avons montré la présence des filaments du champignon (les hyphes) entre les cellules racinaires de plantes poussant à proximité de l'arbre", expose Marc-André Selosse, chercheur au Muséum national d'histoire naturelle et coauteur de l'article paru dans New Phytologist.

Ce phénomène s’appelle l’endophytisme. Des dizaines d’espèces bactériennes et de champignons prospèrent ainsi à l’intérieur des plantes, entre les cellules, sans jamais pourtant pénétrer dans celles-ci. La plupart du temps, ces passagers clandestins n’ont pas d’effet sur la santé de la plante hôte. Une feuille d’arbre recèle ainsi en son sein des centaines de millions de bactéries. "C’est une niche écologique bien occupée", s’amuse Marc-André Selosse. Ce n’est pas le cas avec la truffe. Si elles ne meurent pas, les plantes colonisées sont affaiblies car pompées de leur azote et de leur phosphate. L’étude montre que ces végétaux infortunés ont une croissance de 30 % inférieure et une germination 1,3 fois moins abondante. En revanche, la truffe, elle, présente un mycélium (le réseau de filaments qui constitue l’individu dans le sol, la truffe n’étant que le fruit d’une fécondation entre un individu mâle et un individu femelle) deux fois plus abondant. Le champignon tire indubitablement profit de cette relation au contraire des plantes.

 

La truffe traite différemment les plantes

Sauf bien sûr l’arbre auquel la truffe est associée. Car la relation avec le chêne ou le noisetier est bien de nature gagnante pour les deux partenaires. Baptisée mycorhize, cette symbiose permet à l’arbre de bénéficier des apports en azote et phosphore du sol fournis par le champignon échangés contre une fourniture de sucres que l’arbre fabrique par photosynthèse. "Nous pensions qu’il existait des espèces spécialisées dans la mycorhize et d’autres dans l’endophytisme. En réalité, les choses sont plus complexes et la truffe pratique visiblement les deux", reconnaît Marc-André Selosse.

Pourquoi cette différence de traitement de la part de la truffe ? L’arbre truffier bénéficie certes d’une aide supplémentaire par l’affaiblissement de potentiels concurrents. Mais c’est aussi un moyen pour la truffe de protéger son écosystème. C’est du moins l’hypothèse émise. Pour s’épanouir, la truffe a besoin d’un milieu semi-ouvert. Or, l’évolution naturelle de ces espaces est de se fermer et de redevenir forestier. En affaiblissant les buissons précurseurs de l’enfrichement comme le genêt ou l’églantier, la truffe défend son milieu naturel.

 

Une coopération étroite avec les trufficulteurs pour améliorer la production

C’est d’ailleurs cette reconquête de la forêt sur des terres abandonnées par les cultures et les parcours des troupeaux d’élevage ovin ou bovin au début du 20e siècle qui explique que la truffe ne soit plus produite qu’à quelques dizaines de tonnes par an aujourd’hui contre plus d’un millier de tonnes il y a cent ans. “Ces découvertes peuvent justement permettre d’améliorer la production des truffières en choisissant bien les végétaux dont la truffe se nourrit”, se félicite Marc-André Selosse.

Les chercheurs travaillent en étroite collaboration avec les trufficulteurs afin d’améliorer les méthodes de culture. Certains professionnels plantent déjà auprès de leurs arbres des buissons où sèment des herbes qui facilitent la croissance du champignon. “Mais tout cela se fait de façon empirique, il serait bon de tester les techniques qui permettraient d’augmenter la production”, table Marc-André Selosse. Il reste cependant du chemin à parcourir pour retrouver les tonnages d’antan. Les premiers cours de la saison 2019-2020 indiquent une production faible impactée par un été très chaud et des cours variant entre 600 et 850 euros le kilo avec des pointes à 1.000 euros. Du luxe.

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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