Destruction du droit de l'environnement et de la démocratie locale
Publié le 14 Mars 2020
Destructions non autorisées réalisées pendant une Enquête Publique dans notre région. Avec les nouveaux textes ce sera bien pire et " Open bar" pour les délinquants environnementaux.
Paru sur actuenvironnement le 12/3/2020
Ce site très sérieux est tout sauf une office d'écolo-bobos ou gauchistes.
Il s'insurge contre les réformes en cours du droit à l'environnement.
Si le projet de loi de simplification de l'action publique a été adopté sans anicroche au Sénat, plusieurs spécialistes s'élèvent contre un anéantissement du droit de l'environnement. Le texte doit maintenant être examiné par l'Assemblée Nationale.
« Le Gouvernement souhaite rendre les procédures administratives plus efficaces et plus rapides tout en maintenant nos exigences en matière d'urbanisme, d'archéologie ou d'environnement », a martelé la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher devant les sénateurs. Ceux-ci ont adopté, le 5 mars sans réelle opposition, le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) qui avait été présenté en conseil des ministres le 5 février.
Avec ce projet, le Gouvernement entend faciliter les implantations et les extensions industrielles, mais de nombreuses voix s'élèvent contre une nouvelle atteinte au droit de l'environnement. Des alertes qui proviennent d'ONG comme France Nature Environnement (FNE), de la Commission nationale des commissaires enquêteurs (CNCE) mais aussi de grandes signatures du droit de l'environnement.
Un groupe de 23 experts, à l'initiative de l'avocat Christian Huglo, a alerté les parlementaires sur les risques pour la santé et l'environnement que faisait peser ce projet de loi. « La transition énergétique ne peut réussir sans assurer intégralement le maintien des éléments fondamentaux qui ont construit pendant quarante ans le droit de l'environnement, gardien de la santé publique. Or, ce projet de loi (…) vise dans ses articles 21 à 28 à l'anéantir dans toutes ses composantes », n'hésitent pas à écrire les signataires, parmi lesquels des figures tutélaires du droit de l'environnement comme les professeurs Michel Prieur ou Jacqueline Morand-Deviller.
« Consécration du fait accompli »
Quelles sont les dispositions du projet de loi qui suscitent le courroux de ces spécialistes ? C'est, en premier lieu, la disposition permettant de considérer les projets en cours d'instruction comme des installations existantes. « Grâce à ce subterfuge, expliquent les juristes, [ces projets] pourraient alors bénéficier d'une sorte de droit acquis : le but de cette disposition est que les nouvelles normes susceptibles d'être édictées au moment de la délivrance de l'autorisation ne devraient pas s'appliquer, ce qui est contraire au principe fondamental de légalité, lequel impose que la légalité d'une décision soit appréciée à la date de signature de la décision d'autorisation (…) ».
Une autre disposition très critiquée est celle portant sur le processus d'actualisation des études d'impact. Le projet prévoit que l'avis donné par l'autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l'évolution du dossier. « Selon le droit positif actuel de la prévention, rappellent les signataires de la tribune, les études d'impact écologiques indispensables pour limiter les importantes conséquences d'un grand projet sur l'environnement restent révisables au regard de nouvelles données qui peuvent être rassemblées une fois l'autorisation délivrée ».
« Les citoyens n'auront plus voix au chapitre »
Dans le collimateur des juristes figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d'enquête publique (35038), au profit d'une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d'évaluation environnementale. De même que la faculté qui leur est donné de ne pas saisir le Coderst sur les projets d'installations classées relevant du régime d'enregistrement. « Le Gouvernement prétend vouloir davantage associer les citoyens à la décision, mais avec ce texte, on organise au contraire leur éviction. Même en s'organisant en association et en jouant le jeu du dialogue, les citoyens n'auront plus voix au chapitre si un industriel décide de s'installer près de chez eux », estime M. Gatet.
Lors d'un colloque qui s'est tenu le 4 mars, sous le patronage de…. la ministre de la Transition écologique, la Commission nationale des commissaires enquêteur (CNCE) a dénoncé, à travers ce texte, un recul de la démocratie participative. « La méthode utilisée est insidieuse : sous couvert de simplification et de diminution des délais, c'est subrepticement, par petites touches, lors de la sortie de nouveaux projets de loi, que la participation du public aux décisions ayant une incidence environnementale est en train de muter pour se résumer à une simple consultation par voie électronique », explique Brigitte Chalopin, présidente de la CNCE.
Accord sur le fond
« Il est clair que vous devez refuser de voter ces textes en l'état et bien davantage rechercher l'implication harmonieuse de la société civile et des parties prenantes dans ces débats », écrivent aux parlementaires les signatures de la tribune. Un message qui n'a pas porté auprès de la majorité sénatoriale. Celle-ci n'a pas remis en cause les propositions de l'exécutif, ajoutant même une disposition visant à interdire l'application d'une définition plus protectrice des zones humides aux contentieux en cours. « Je note qu'aucun scrutin public n'a eu lieu, signe d'un accord sur le fond », a relevé Jean-François Longeot, président centriste de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi.
Reste à voir si les députés seront davantage sensibilisés aux critiques formulées. Le texte, transmis à l'Assemblée nationale le 6 mars, n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour mais le Gouvernement avait annoncé son intention de la faire adopter avant le mois de juin.
Même s'il devait l'être, les spécialistes du droit de l'environnement ne donnent pas cher de sa peau. « [Ces dispositions] iront droit à l'encontre des orientations prises par nos juridictions suprêmes, et également à l'encontre de la jurisprudence tant de la Cour de justice de l'Union européenne que de celle de la Cour européenne des droits de l'homme, en ce qui concerne les principes de prévention et de participation : la réforme législative ne résistera pas à l'application des droits fondamentaux elle est donc vaine et sans avenir ! », estiment les juristes.
Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef délégué aux marchés HSE