Quel est le menu du blaireau ? Que mange le blaireau ?

Publié le 18 Mars 2020

Jeunes blaireaux au terrier (Meles meles)- Photos Claudie Stenger

Le blaireau est encore chassé par d’irréductibles et indignes chasseurs ignorants la biologie du blaireau, au prétexte qu’il chasse des animaux. Qu’en est-il vraiment ?

1/ Le blaireau est inadapté à la chasse :
membres :
Le blaireau n’a aucun des atouts de chasseurs comme les félidés, la panthère, le guépard ou chez nous le lynx. Il n’est pas perché haut sur pattes ce qui lui permettrait de courir à toute vitesse et sauter, il n’a pas de griffes rétractiles qui li permettraient de grimper sur un arbre pour attraper des proies ou saisir des proies à la course.
Le renard au contraire du blaireau est capable de sauter et courir très rapidement pour attraper des micromammifères comme les mulots et des oiseaux.

dentition :
Si l’on s’attarde sur sa mâchoire vous compterez 38 dents soit, par demi- mâchoire:
- 3 incisives très petites
- 1 grande canine pas très pointue
- 4 prémolaires
- 1 molaire (+1 sur chaque demi-mâchoire inférieure).
Les prémolaires s’articulent à la manière de ciseaux comme pour tous les autres carnivores. Elles sont cependant couvertes de tubercules et plates côté intérieur. Elles agissent donc plus par broyage que par découpage et indiquent un régime omnivore pour le blaireau et non pas carnivore.

Yeux et mœurs nocturnes
Le blaireau possède un excellent odorat et une ouïe fine. Il est plutôt bigleux ce qui est à l’opposé de la vision des vrais carnivores. Il est plus performant à l'obscurité grâce à son "tapetum lucidum" (littéralement "tapis clair") , véritable amplificateur de lumière situé au fond de l’œil, à l'arrière de la rétine, chez de nombreux animaux nocturnes. Ce "tapetum lucidum" fait apparaitre brillants, jaunes, verts, les yeux des animaux la nuit. Il est différent de la couleur rouge renvoyée par le flash photographique chez les humains.Ses yeux lui permettent de bien percevoir les mouvements même si l'acuité visuelle est mauvaise.

Crâne de blaireau (Meles meles)

2/ Quelles proies et aliments :
Il est impossible de suivre à la trace un blaireau pour voir ce qu’il avale. Son museau est constamment dans la litière et le blaireau étant peureux ne supporte pas la compagnie.
Les zoologistes ont donc étudié les blaireaux en captivité, en dehors de leur milieu naturel ; Pour avoir une vue plus réaliste, ils ont organisé la récolte d’estomacs de blaireaux accidentés et en ont examiné le contenu. La récolte était aléatoire. La récolte de crottes de blaireau est plus facile et recèle de nombreux indices !

3/ Proies principales :
Le blaireau est avant tout un mangeur de vers de terre, de lombrics. Dans les pays du nord ils représentent jusqu’à 83% de la biomasse ingérée. Ils sont présents dans 96% des crottes. En été la proportion diminue.
Dans les pays du sud, Italie, Espagne les sols sont secs et les lombrics peu disponibles au printemps et en été. Le blaireau en bon opportuniste consacre alors ses recherches de nourriture à dénicher des fruits à pépins ou noyaux (olives). En Espagne dans certaines régions il s‘est spécialisé dans la collecte de jeunes lapins de garenne.

4/ Compléments en insectes
Le blaireau complète son régime en été et dans les pays secs avec ces arthropodes : scarabées, carabes, bousiers, guêpes, bourdons, sauterelles, criquets, punaises, mouches et leurs larves. Tout est bon ! Il m'est arrivé plusieurs fois de trouver des fourmilières de forêt avec de gros cratères. C'est notre ami tesson qui est passé par là. Ce n’est pas très nourrissant en termes de quantités mais cela reste qualitatif car riche en protéines. Les blaireaux ont une part élevée d’insectes dans leur régime, 20% en moyenne au printemps et en été mais 40% dans les pays du sud, jusqu’à 65% en Italie où rappelez-vous les lombrics y font défaut

5/ Compléments en céréales :
Dans les pays du nord les blaireaux consomment en été des céréales par suite de la diminution de leur aliment favori, les vers. Le maïs est également consommé soit dans les champs mais aussi sur les sites de nourrissage des sangliers. Il est facile de voir que ces grains sont souvent retrouvés non digérés dans les crottes . La consommation se fait plutôt sur le mode de l’appétence, d’un goût sucré

Blaireautins et maïs non digéré dans des crottes de blaireau

6 / Le blaireau omnivore et frugivore
Dès le mois de juin les blaireaux partent à la recherche des fruits, cerises, abricots dans le sud jusqu’aux abords des maisons et exploitations.
Ils affectionnent les fruits sauvages : cynorhodons des églantiers, prunelles, alises mais aussi olives, baies de genévrier, noix, pommes, raisins, châtaignes, prunes, melons, amandes. Les friches à proximité des terriers sont totalement « nettoyées » jusqu’à une hauteur de 1m20, hauteur à laquelle les blaireaux peuvent accéder en se mettant debout sur leurs pattes.
Le% de fruits dans le régime peut atteindre 17% en France, 40 à 70% en Italie mais seulement 1% en montagne en Espagne (Parc national de Donana).

7/ Des mammifères et batraciens au menu ?
Grâce à son odorat le blaireau arrive à capturer des campagnols dans leurs galeries en creusant rapidement et quelquefois des rats. Dans certaines régions Espagne Angleterre, il capture au terrier des lapins nouveaux nés.

Notre mustélidé consomme des crapauds et grenouilles régulièrement en prenant soin d’enlever la peau avec les glandes paratoïdes qui contiennent des poisons. Dans quelques régions les quantités prélevées peuvent être importantes.

8/Quoi d’autre
Le blaireau consomme aussi des mollusques, escargots, limaces, champignons, tubercules de diverses plantes comme des oignons sauvages.
A l’occasion il ne dédaignera pas une carcasse de moutons, renard ou chat.
De nombreux végétaux sont retrouvés dans ses crottes. Leur origine est considérée comme accidentelle car ils sont avalés avec les vers. Ils pourraient jouer un rôle de ballast et d’hydratation. Ces végétaux ne sont pas digérés par notre carnivore.

Conclusion : le blaireau est un généraliste opportuniste
Le blaireau est pour certains un spécialiste des vers, des fruits ou des lapereaux. Cela ne résiste pas à l’observation.
L’exemple du Jura suisse est parlant. Le blaireau y consomme d’habitude 70 à 85% de lombrics. Lors de dernières phases de pullulation des campagnols,les spécialistes ont mesuré que son régime alimentaire est passé à 56% de campagnols et 44% d’insectes !
Ce qui guide le blaireau comme de nombreux animaux sauvages non spécialistes c’est le coût énergétique de recherche des aliments. Il s’adapte pendant l’année à la disponibilité des ressources pour optimiser ses efforts de recherche de nourriture.

Article illustré par notre talentueux collègue photographe naturaliste, Claudie Stenger. D’autres de ses photos sont visibles sur Flickr (cliquer)

Texte: Roland Gissinger (Anab)

Source : Le blaireau Emmanuel Do Linh San