Roches locales du plateau et activités récentes : leurs empreintes (ABg8)
Publié le 29 Mars 2020
A partir de la 2ème moitié du 19ème siècle, le développement simultané des villes et de l'industrie offre des débouchés plus importants à l'exploitation du calcaire. Il est utilisé dans la construction, les sous-couches pour revêtements routiers, dans la fabrication de ciments, l'agriculture (amendements), dans la chimie (production de soude, sidérurgie)... Il en résulte une ouverture de carrières tant sur le front de côte que dans les vallées de revers. Cependant, l'épaisseur modeste et la disposition du Calcaire à entroques, principale roche recherchée au sein du gisement, ont limité l'activité d'un certain nombre de ces exploitations.
Rive droite de la Sarre en amont de Sarrewerden
L'actuel paysage boisé ne reflète pas l'aspect du site, il y a un siècle. A cet endroit, le calcaire était exploité et transformé en pierre à bâtir et en chaux. Quelques vestiges (V) subsistent de cette époque : la cheminée (raccourcie) des fours, un bâtiment destiné au broyage de la chaux, la maison des gérants convertie en habitation. La carrière s'étendait sur plus de 600 mètres (à droite et non visible sur le cliché). Le site qui employait jusqu'à 100 ouvriers a cessé son activité vers 1935. Par la suite, il a servi au passage de la Départementale 8, de lieu de dépôts divers pour être remblayé définitivement et planté en arbres.
Au fil du temps, le déclin des industries traditionnelles va entraîner celui d'un bon nombre de ces carrières et installations. Certains sites abandonnés se sont transformés progressivement en friches et bosquets parfois aussi en dépotoirs. D'autres enfin ont pu trouver une nouvelle utilisation (zones boisées, sites de construction, champignonnières, zone de loisirs sportifs, centres d'enfouissement de déchets inertes, zones naturelles protégées). La réglementation récente impose une réhabilitation du site prévue dès la demande du permis d'exploiter.
La carrière du Birzberg (Saar- Allemagne)
Exploitée jusque dans les années soixante, elle a servi dans un premier temps de dépôt de déblais avant d'être déclarée zone naturelle protégée (NSG/Naturschutzgebiet). L'entretien nécessaire du site permet le maintien de la végétation au stade de pelouse. Cette action assure le développement d'une flore remarquable.
Carrières en activité
A l'heure actuelle, le nombre de sites exploités dans le secteur est limité. L'observatoire des Carrières et matériaux de France / BRGM permet de localiser les principaux à Héming, Réding, Bettborn, Weyer, Lorentzen/Domfessel, Burbach (+ Rubenheim en Saar). En dehors de Héming (cimenteries), les autres sites produisent majoritairement des matériaux concassés. Pour plus de renseignements, on pourra consulter les pages web qui leur sont consacrées.
Modes d'exploitation du calcaire en carrière
Le mode d'exploitation traditionnel consiste à entamer le flanc de coteau où affleure la roche à exploiter (ici le Calcaire à entroques massif). Très vite se pose le problème des morts terrains marneux dont le volume va entraver la progression. Dans certains cas, l'utilisation des marnes (cas des cimenteries de Héming) peut s'affranchir de cet obstacle. Le recours aux galeries avec piliers offre l'accès direct à la roche exploitée mais demande une bonne maîtrise du procédé. Il a été pratiqué dans la vallée de la Sarre pour les besoins en calcaire de la sidérurgie : Wittring, Welferding, Auersmacher (ce dernier site a fermé en 2018). Un procédé d'extraction en alvéoles successives permet de renaturer le site en remplissant la fosse précédente par les déblais en cours de production. Cette technique est utilisée à l'heure actuelle à Rubenheim.
Vue sur une alvéole en cours d'exploitation.
Le profil montre l'alternance de calcaires et marnes beiges appartenant aux Couches à cératites. Elles surmontent ici le sommet blanc-brun des Calcaires à entroques, visible au fond de l'alvéole. La progression vers le fond se fait par gradins. Sur le dessus de la carrière, des granulats et un tas de terre destiné à recouvrir la fosse remblayée sont visibles.
2) Une utilisation à des fins ornementales
Avec le développement des constructions modernes, des espaces et jardins d'agrément privés ou publics, le calcaire a trouvé de nouvelles fonctions, comme élément de fixation des talus, comme élément de décor.
Utilisation du Muschelkalk à des fins décoratives
A gauche: Des champignons de pierre ont poussé sur cette pelouse qui mène à une grotte mariale. En réalité, le chapeau est un récif de petites huîtres fossiles vieux de quelques 240 MA auquel on a ajouté un pied en ciment. Ces récifs de Placunopsis trouvés dans les champs servent souvent d'élément décoratif dans les jardins. A l'arrière plan, un pan de grotte mariale ou grotte de Lourdes élaborée à partir de blocs de calcaire soigneusement choisis pour leur aspect.
A droite : un panneau de mur habillé en dalles de Calcaire à cératites. Un examen minutieux de ces réalisations permet de se faire une idée de la biodiversité des fonds marins du Trias supérieur. Certains amateurs réalisent ainsi de véritables murs de fossiles.
L'aménagement des abords de constructions récentes impose souvent des dispositifs pour stabiliser les talus. Une solution consiste à édifier des murets de pierres sèches ou maçonnés employant des dalles de calcaire en provenance des Couches à cératites. Dans d'autres cas, le recours à des blocs « colossaux « de Calcaire à entroques constitue certes un soutènement efficace mais ne joue pas en faveur d'une intégration paysagère harmonieuse (mur cyclopéen). Une autre pratique tend à se répandre : l'utilisation de gabions métalliques, la création de jardins minéraux à base de graviers de coloris variés (très souvent en noir/gris et blanc) qui peuvent utiliser accessoirement des roches locales.
Fontaine en pays du Muschelkalk.
Les fontaines-abreuvoirs ne sont pas rares dans les villages situés en bas de pente. L'eau, cette roche ( = constituant de l'écorce terrestre) particulière, mériterait de lui consacrer un article à part entière. On notera ici, le muret récent fait de pierres locales parfaitement taillées et ajustées, donnant à l'ensemble un cachet d'authenticité.
Bibliographie
Visualiseur Infoterre BRGM (version standard / choix des couches)
http://infoterre.brgm.fr/viewer/MainTileForward.do
Photos, textes, recherches, et bibliographie
Étienne Feuchter (Anab)
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