Les baleines peuvent aider à lutter contre le réchauffement climatique

Publié le 14 Avril 2020

Les baleines peuvent aider à lutter contre le réchauffement climatique

paru sur Libération le 20/10/2019 et sur RTT flash le 19/3/2020

La protection des baleines, capables de stocker massivement le CO2 atmosphérique, apparaît plus que jamais comme une solution aussi naturelle qu’efficace pour limiter l’augmentation de la température globale.

n matière de captation de carbone, les arbres font pâle figure à côté des plus gros cétacés. Lorsqu’elle meurt et qu’elle coule au fond de l’océan, une grande baleine piège à elle seule 33 tonnes de CO2 pendant plusieurs siècles, le temps de se décomposer. En comparaison, souligne un récent rapport du Fonds monétaire international (FMI) élaboré en collaboration avec des biologistes de Great Whale Conservancy, une organisation dédiée à la protection de ces mammifères marins, un arbre n’absorbe pas plus de 21 kilos de CO2 par an.

A l’origine de ce prodigieux pouvoir : leur alimentation. Ces énormes prédateurs marins se nourrissent essentiellement de krill, de petits crustacés qui consomment du phytoplancton. Or ces créatures microscopiques, à l’origine de la moitié de la production d’oxygène atmosphérique, captent pas moins de 40% du CO2 sur notre planète – l’équivalent de quatre forêts amazoniennes. «Durant toute leur vie, les baleines emmagasinent du CO2 en mangeant, qu’elles accumulent dans leurs graisses. La quantité de CO2 stockée est d’autant plus importante que certaines espèces peuvent vivre un siècle», explique Alexandre Gannier, président du groupe de recherche sur les cétacés (Grec).

a masse de CO2 captée par le phytoplancton est d’autant plus importante que celui-ci est présent en grande quantité. Or l’activité des baleines, rappelle cette étude, est indispensable au développement du précieux plancton. Riches en fer, phosphore et azote, leurs excréments apportent à ce dernier tous les nutriments nécessaires pour grandir. Leurs déplacements brassent ces éléments, qui remontent alors vers la surface, faisant également fructifier le krill. Celui-ci alimente à son tour les oiseaux marins et certains poissons… Une assurance pour les pêcheurs de trouver plus de ressources.

Déclins en chaîne

Ce n’est donc pas un hasard si le déclin vertigineux des populations des plus grands cétacés – passés de 4 ou 5 millions avant le début de la pêche commerciale à la baleine à 1,3 million aujourd’hui – a aussi fait baisser la quantité de phytoplancton et de krill. Dans l’océan glacial Antarctique, notent les auteurs du rapport, les baleines bleues ont vu leur nombre chuter de 99% ; on y observe désormais une raréfaction des nutriments, notamment de fer, et par conséquent, de plancton

Protéger ces animaux menacés par les filets de pêche, le plastique, la pollution sonore et les collisions avec les bateaux, paraît vital. Si un moratoire sur la chasse commerciale a été adopté dès 1982, quelques pays la pratiquent encore, dont le Japon, qui s’est retiré de la Commission baleinière internationale en décembre 2018 en annonçant qu’il reprenait la pêche à la baleine.

Pour ces gigantesques mammifères, l’affaire n’est pourtant pas tout à fait perdue. «Si on les laisse tranquille, leur population peut croître très vite, et facilement être multipliée par dix ou vingt, voire plus, indique Alexandre Gannier. Des millions de tonnes de carbone pourraient ainsi être stockées dans les baleines.» Même une augmentation de 1% de la quantité de phytoplancton pourrait capter un surplus de CO2 équivalent à celui que peuvent absorber deux milliards d’arbres, précise le rapport du FMI.

2 millions de dollars la baleine

Si le FMI s’intéresse de si près aux baleines, c’est aussi parce que leur activité a un prix. En combinant le coût du CO2 et les revenus de l’écotourisme, ils estiment à 2 millions de dollars (1,8 millions d’euros) la valeur marchande d’une grande baleine, et à 1 000 milliards de dollars (910 milliards d’euros) celle de leur population actuelle. L’enjeu, désormais, est de compenser financièrement les entreprises et les pays que leur protection pourrait désavantager.

Permettre aux populations de baleines de retrouver leur niveau d’avant devrait être l’un des objectifs de l’accord de Paris, plaident les analystes. Car il y a urgence : «A moins que d’autres mesures ne soient prises, nous estimons qu’il faut compter au moins trente ans pour doubler la population actuelle de baleines, et plusieurs générations pour qu’elles retournent à leur niveau avant le début de la pêche commerciale à la baleine. La société et notre propre survie ne peuvent pas se permettre d’attendre si longtemps.»

 

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

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