Comprendre le Muschelkalk supérieur (partie 2/2 ABg10)

Publié le 11 Avril 2020

1ère partie :
La formation du Calcaire à entroques
(ABg9)

voir sa publication la semaine dernière

2ème partie : Le calcaire à cératites (ABg10)



La formation du Calcaire à cératites

Observations relatives au dépôt à différentes échelles (sédimentologie)
 

Les affleurements
Base des Couches à cératites dans une ancienne carrière.

Base des Couches à cératites dans une ancienne carrière.

Base des Couches à cératites dans une ancienne carrière.
Au-dessus des bancs massifs du Calcaire à entroques, les couches de marnes et argiles prennent de plus en plus d'importance et finissent par égaler voire dépasser l'épaisseur des strates calcaires. On aborde la formation dite des Couches à cératites. Souvent considérées comme des morts-terrains par les carriers, le matériau  a été évacué sous forme de déblais, jusqu'au moment où l'enjeu ne valait plus la peine de prolonger l'exploitation. Les terrains marneux sont sensibles à l'érosion et sont rapidement colonisés par la végétation, de ce fait, les affleurements sont éphémères.
 Les grands travaux (exploitations de carrières , tranchée de la LGV-est,  routes) donnent également  un aperçu sur cette série.

Vue sur une tranchée de la  ligne LGV (Sarraltroff)

Vue sur une tranchée de la ligne LGV (Sarraltroff)

Vue sur une tranchée de la  ligne LGV
Le creusement de la tranchée, près de Sarraltroff, s'est fait par paliers (P1,2,3). Les talus intermédiaires (A1,A2,A3) offrent une belle coupe sur les Couches à cératites. De haut en bas : un sol forestier de type sol brun avec des marques visibles de cryoturbation à la base (déformations dues aux alternance gel-dégel pendant les périodes froides), des marnes et calcaires de couleur beige par oxydation des niveaux proches de la surface, des marnes et calcaires gris en profondeur. On remarquera la voussure en dôme de l'ensemble (ride anticlinale) et le niveau aquifère en A1 qui laisse fuir de l'eau suite aux travaux (A2 à droite). Le site n'existe plus dans cet état à l'heure actuelle.

Affleurement dans le flanc d'un ruisseau.

Affleurement dans le flanc d'un ruisseau.

Affleurement dans le flanc d'un ruisseau.
Les affleurements naturels de la série peuvent être observés ici dans le lit d'un ruisseau. Le fait marquant est la répétition des strates de calcaires et marnes en alternance. Les calcaires ont tendance à se débiter sous forme de dalles de quelques centimètres d'épaisseur. Dans ces niveaux superficiels, les couleurs vont du gris au beige en fonction du degré d'oxydation du fer à l'état de traces. En profondeur, la couleur gris-bleu qui témoigne de l'état réduit du fer, domine.

 


La roche

Echantillons de calcaire

Echantillons de calcaire

Echantillons de calcaire (fragments de dalles / hauteur 10 cm environ )
Légende commune à A et B : en 1, liseré brunâtre d'altération, la roche initialement consolidée en profondeur se retrouve dans de nouvelles conditions (affleurement) et devient sensible aux agents météoriques. En 2, aspect de la roche saine. La couleur dominante est le gris bleuté. La dalle était séparée des suivantes par une strate argileuse.
Echantillon A : 2 types de calcaires sont visibles sur la section de dalle. En 2, un calcaire à gros grain, à cristaux visibles de calcite (écailles se détachant lors de la cassure). Il renferme également des fragments de coquillages vus en section (>). En 3, un calcaire à grain très fin. La ligne de séparation entre les deux présente un aspect ondulé (pointillé).
Echantillon B
 : calcaire à grain fin. Les restes de coquilles sont invisibles (à l'oeil nu) à cette échelle.

 


Les fossiles

 


« La faune de la mer du Muschelkalk , la mer des calcaires coquilliers, [constitue] l'une des plus riches faunes aquatiques que l'Alsace ait connue » (JC Gall in Alsace, des fossiles et des hommes)

Comprendre le Muschelkalk supérieur (partie 2/2 ABg10)

Echantillon de quelques fossiles des Couches à cératites
Ligne 1 : Entolium discites, Lima striata (2) Hoernesia socialis, X
Ligne 2 : Myophoria (2) , Spiriferina, Lumachelle
Ligne 3 : Pemphyx sueri , vertèbre et côte de Nothausaure
Ligne 4 : écailles de poissons, dent de nothosaure
ligne 5 : becs de nautile
ligne 6 : Ceratites formes proches de nodosus et semipartitus

 


Un fossile remarquable : un nothosaure à Sarraltroff

 


En 2012, lors des travaux de terrassement de la ligne LGV-EST, les restes d'un Nothosaure ont été mis à jour. Il s'agit d'un dinosaurien marin pouvant atteindre 2 à 3 mètres, dont on retrouve souvent des éléments  à l'état dispersé (dents, os). Les faits ont été relatés dans la presse locale sous le titre :
« Un passager venu du fond des âges ».

 


Parmi les restes de vie, les coquillages et les cératites sont les plus courants. Il s'agit là de restes d'organismes ayant vécu soit au sein de la masse d'eau de mer (necton) soit sur le fond (benthos). Leurs coquilles ont pu subir un transport en dehors de leur milieu de vie, ce qui entraine souvent leur destruction partielle et donne lieu à des amoncellements de débris (lumachelles /schill en allemand). Par contre on relève des traces d'organismes autochtones fouisseurs sous forme de pistes ou de terriers au sein du sédiment marneux.

 Dalle de calcaire avec empreintes de terriers.

Dalle de calcaire avec empreintes de terriers.

  Dalle de calcaire avec empreintes de terriers.
Ces traces (V) ont été attribuées à un organisme dont le corps n'a pas fossilisé,  Rhizocorallium (crustacé ?). Il occupait un terrier en forme de U qu'il devait adapter à un environnement changeant. Des stades en forme de traverses arquées sont visibles entre les 2 branches du terrier en U.   

 


Conditions de dépôt

 


les alternances de bancs ou dalles calcaires / niveaux argilo-marneux.

 


La répétition de strates de calcaires alternant avec des marnes sur des mètres d'épaisseur a conduit les géologues à reconsidérer ces successions en détail.

Séquence-type dans le calcaire à cératites

Séquence-type dans le calcaire à cératites

Séquence-type dans le calcaire à cératites

 


L'observation déterminante est celle de la composition d'une dalle calcaire. Elle comprend deux types de matériaux : à la base un calcaire à grain très fin, en partie parcouru par des terriers de fouisseurs, séparée du calcaire supérieur fait de débris de coquilles par une surface irrégulière qui correspond à un stade érosif. Une grano-décroissance existe au sein du calcaire grossier qui prend progressivement un aspect gréseux avec laminations visibles et figures de courant en surface. Suivent des lamines d'argiles plus ou moins indurées et un passage vers le calcaire fin. Par conséquent, le milieu de dépôt connait un passage par un épisode à forte énergie suivi d'un retour au calme pendant lequel sédimentent des particules de plus en plus fines jusqu'au retour de la précipitation biochimique de vases calcaires. Une telle succession est qualifiée de séquence sédimentaire. Son existence est liée à des tempêtes tropicales qui brassent les fonds marins côtiers de la mer du Muschelkalk (voir schéma ci-dessous). Des niveaux propices pour l'observation de fossiles « entiers » se situent au sommet ou à la base des dalles calcaires (F).

Reconstitution du milieu de dépôt dansune couche à cératites

Reconstitution du milieu de dépôt dansune couche à cératites

Reconstitution du milieu de dépôt.
 
 Lors du dépôt des Couches à cératites, le milieu évolue vers le domaine des plus grandes profondeurs (20 à 80 mètres). L'approfondissement se poursuit pendant une certaine durée puisque les séquences ne vont plus comporter que des calcaires fins alternant avec des argiles. Mais, vers la fin de la période de dépôt des Couches à cératites, une tendance à la baisse du niveau marin s'amorce avec les Calcaires à térébratules. Ces accumulations de coquilles de Coenothyris remplacent les encrines à présent. Des argiles et dolomies vont marquer le passage à un système de lagons à la période suivante (Lettenkohle = argiles à débris végétaux).  

 


Du sédiment à la roche : Diagenèse
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Moellon de calcaire à entroques avec stylolithes (12/9cm)

Moellon de calcaire à entroques avec stylolithes (12/9cm)

Moellon de calcaire à entroques avec stylolithes (12/9cm)
Sur ce moellon calcaire, sont surtout visibles deux traces en zigzag qui traversent le bloc. Elles correspondent à des limites /fronts de dissolution au sein de la roche en cours de solidification (diagenèse). Les sédiments meubles vont subir des phénomènes de compaction, de cimentation, mais aussi de dissolution partielle et de recristallisation qui mènent à la roche solide. Ici, sous l'effet de contraintes, des fractions de roches ont été dissoutes. Ce processus s'est arrêté au niveau d'une surface irrégulière où se concentrent des éléments insolubles (argiles). Ces figures portent le nom de stylolithes.

 


Pendant des dizaines de Ma, les roches vont séjourner en profondeur, être recouvertes par des séries épaisses d'autres sédiments (Keuper, Jurassique) avant de revenir à l'affleurement grâce aux effets combinés de la tectonique et de l'érosion (accessoirement de l'intervention humaine).  

 
Photos (sauf mention) textes, recherches, schémas et bibliographie
  Étienne Feuchter (Anab)



 


Bibliographie

 


-Philippe Duringer (1997). Quelques mots-clés du Muschelkalk supérieur (trias germanique) de l'est de la France. Bulletin de l'Association philomatique d'Alsace et de Lorraine Tome 33
-HILLY, J. et HAGUENAUER, B. (1979) : Lorraine, Champagne, Paris, Masson, coll. Guides géologiques régionaux



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Rédigé par ANAB

Publié dans #Paysages, géologie de notre région

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