Destruction des haies : comment les inspecteurs de l'environnement peuvent agir
Publié le 7 Avril 2020
paru sur actu environnement le 3/4/2020
Les agents de l'Office français de la biodiversité interviennent pour stopper l'arrachage de haies, y compris pendant le confinement. L'occasion de s'interroger sur les moyens dont disposent les inspecteurs de l'environnement en la matière.
« Les équipes d'inspecteurs de l'environnement restent mobilisées (...) aussi pour faire respecter la réglementation pour des atteintes graves à la biodiversité pour lesquelles l'urgence est caractérisée et lorsque leur intervention peut permettre de faire cesser ces atteintes », tient à informer l'Office français de la biodiversité (OFB) durant cette période de confinement. L'établissement public illustre son action avec une intervention ayant mis fin à l'arrachage d'une haie en Bourgogne-Franche-Comté.
Cet épisode permet de revenir sur les pouvoirs dont disposent les inspecteurs de l'environnement pour faire cesser ces pratiques qui ont déstructuré les campagnes françaises depuis les années 1960. Les haies ont régressé à un rythme de 45 000 km par an dans les années 1960-1980, avant de passer à 15 000 km par an dans les années 1980-1990, puis de voir leur linéaire se stabiliser depuis 1990, rapportait un article publié à l'occasion des premières rencontres nationales de la haie champêtre en 2006. Même si des actions de replantation se mettent en place un peu partout, en particulier à travers le développement de l'agroforesterie, ces habitats restent toujours menacés.
Or, leur destruction porte un coup très lourd à la biodiversité. « La haie est un réservoir végétal et animal où se créée un équilibre écologique entre les différentes espèces », rappelle Humanité et biodiversité. « Les haies ont également de nombreux autres intérêts, agronomiques (coupe-vent, contrôle des parasites), hydrologique (lutte contre l'érosion), paysager (cadre de vie), de production (bois, fruits) », détaille l'association de protection de la nature.
Interdiction de destruction d'espèces protégées
Dans l'épisode rapporté par l'OFB, la destruction de la haie était en cours par un agriculteur sur son terrain situé dans le secteur de Valdahon dans le Doubs. La raison de cette opération n'est pas connue précisément. « Mais la motivation est souvent liée à une réparation de clôture, au besoin de gagner de l'espace pour la culture ou de faciliter la circulation des engins agricoles », explique Jean-Yves Olivier, chef de service police à la direction régionale Bourgogne-Franche-Comté de l'OFB.
L'intervention des inspecteurs de l'environnement a permis de faire cesser immédiatement les travaux et de préserver 500 mètres de haie. Les agents de l'OFB ont pu intervenir sur cette propriété privée sur le fondement de l'interdiction de destruction d'espèces protégées et de leurs habitats. « Il faut prouver qu'il y a une atteinte au site de repos ou de reproduction d'une espèce protégée, ce qui est le cas en ce début de période de nidification », explique M. Olivier. Le site est en effet connu pour abriter la pie-grièche grise. Même si d'autres espèces sont sur le site, ce passereau présente le statut de conservation le moins favorable. Il est en effet confronté à un risque très élevé d'extinction au sens du classement de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN).
Les inspecteurs vont dresser procès-verbal et mener la procédure judiciaire sous l'autorité du procureur de la République. La destruction de ces habitats constitue en effet un délit puni d'une peine qui peut atteindre trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. « Dans ce type de cas, une telle peine n'est en fait jamais prononcée, explique M. Olivier. Nous proposons au procureur de la République la réparation du dommage, assortie d'une amende ». Ce que recherche surtout l'établissement public, confronté assez régulièrement à ce genre d'infractions, c'est la restauration de la fonctionnalité des milieux. La replantation de la haie peut aussi être obtenue dans le cadre d'alternatives aux poursuites. Dans ce cas, l'établissement public peut prescrire l'utilisation de certaines essences d'arbres, des techniques particulières ou une période de replantation adaptées au contexte. Le cas échéant, la réparation peut aussi être obtenue par la voie administrative, mais sous l'égide du préfet cette fois.
D'autres moyens que la seule voie répressive
Mais les inspecteurs de l'environnement, qu'ils relèvent de l'OFB ou de services déconcentrés de l'État comme les Dreal ou les DDT, ne peuvent pas systématiquement intervenir en cas de destruction de haie, car il ne s'agit pas, en soi, d'une infraction.
Outre la destruction d'espèces protégées et de leurs habitats, ils pourront agir lorsque la destruction a lieu dans le périmètre d'un arrêté de protection de biotope, d'un site classé ou d'un site Natura 2000 qui soumet l'arrachage des haies à évaluation d'incidences et autorisation.
En dehors de ces cas, il faudra rechercher d'autres moyens que la seule voie répressive. « La prévention à travers des actions de communication est complémentaire de l'action répressive », tient à préciser Jean-Yves Olivier. Ces actions, qui portent sur les enjeux de la préservation des haies et de la réglementation applicable, sont menées en lien avec la profession agricole », indique le représentant de l'OFB.
Une précision importante lorsque l'on sait que la destruction des habitats naturels est, avec le changement climatique, la principale cause d'érosion de la biodiversité et que cette destruction est en grande partie due à l'agriculture intensive. Un mode d'agriculture qui cumule les pratiques néfastes pour la biodiversité : utilisation systématique de pesticides, drainage des zones humides, monoculture, prairies artificielles et destruction des haies.