Le Ver luisant ou lampyre
Publié le 5 Août 2020
Le ver luisant est un animal tout à fait étonnant. Il a inventé la lumière bien avant les humains. Il a peuplé nos rêves d’enfants quand nous le poursuivions la nuit en forêt ou dans le jardin. Il nous emporte la nuit vers un monde magique où dansent les fées.
Dommage pour les enfants des générations futures car il est en danger d’extinction.
Roland
Nom scientifique : Lampyris noctiluca (Linnaeus, 1758)
Etymologie : son nom provient du grec « lampiris » qui signifie «briller», car la lumière émise par cet insecte est spectaculaire. Son nom d’espèce vient du latin « noctulica», « de nuit, nocturne ».
Nom allemand : Großer Leuchtkäfer
Nom anglais : Common Glow-worm
Classification et famille : fait partie de l’ordre des Coléoptères l’un des plus riches sur Terre : 400 000 espèces décrites sur 1 500 000 probables !!
Les coléoptères sont rappelez-vous des insectes à métamorphose complète qui possèdent deux paires d’ailes dont l’une est coriace, non nervurée et protège des ailes membraneuses. Ils sont partout et ont colonisé tous les milieux sauf la mer.
Le Ver luisant fait partie de cette famille spéciale, les Lampyridae.
Date de l’observation: le 26 juin à Bliesbruck
Dimensions : 15 à 30 mm de long pour la femelle
Description et biologie :
le corps est annelé comme celui d’un ver, élargi vers l’arrière et de couleur brune. L’arrière émet de la lumière, jaune-verte, fluorescente, peu intense, visible seulement la nuit. Seule la femelle est sous forme de ver à l'état adulte. C'est sous cet aspect de forme larvaire qu'elle va se reproduire. Très étonnant tout de même mais il existe d’autres adultes larvaires chez d'autres espèces. Le plus connu est l’axolotl, une salamandre ayant conservé des traits de larve et de couleur blanche. Elle vit dans certains lacs et possède la particularité fantastique de pouvoir régénérer des parties de son corps comme une patte par exemple.
De très nombreuses études ont été faites sur l’axolotl pour essayer de copier cette singularité très pratique sur l’humain. Le succès garantirait presque l'éternité aux humains et une richesse immense à celui qui commercialiserait ce système.
Nourriture : les larves sont des prédateurs importants. Elles mangent des vers mais aussi des limaces et escargots bien plus gros. Elles les paralysent avec un venin et les liquéfient ensuite avec des enzymes digestives. Chasse efficace, digestion immédiate, aucune perte de temps dans les cuisines. Les mâles eux, cessent de se nourrir en mai pour émerger de leur nymphe comme des coléoptères, insecte classique.
Reproduction : la période se situe de mai à août avec un maximum de présence en juin
pour attirer le(s) male (s) la femelle avec son aspect de ver annelé, sans ailes, va émettre comme signal sexuel de la lumière. Ceci explique son nom de « ver luisant ».
Souvent les femelles se regroupent ce qui permet en multipliant les lumières d’attirer plus facilement les mâles.
Les mâles ont des yeux très développés pour détecter cette lumière de forme et longueur d’onde spécifique comme d’autres insectes ont des antennes développées pour capter les phéromones (ou phérormones)
Pour cette raison cet insecte est sensible à la pollution lumineuse. Elle l’empêche de percevoir la lumière de possibles partenaires. La lumière parasite diminue les chances de rencontres et donc la reproduction de cette espèce. Certaines larves peuvent grimper sur des lampadaires et se mettre à la vu de prédateurs.
Le mâle, insecte avec des ailes s’accouple à la femelle, un ver annelé, trois fois plus grosse que lui (voir vidéo) d’André Lequet) . avouez que c’est très étrange.
La femelle pond ensuite des œufs sur une plante ou dans le sol desquels vont émerger des larves après 1 ou 2 semaines.
Les larves vont se nourrir et hiverner sous cette forme de ver.
Escargot en passe d'être attaqué par un Ver luisant ou lampyre (Lampyris noctiluca-Photo -Wikipedia - Heinz Albers
Gros yeux très ensible sà la lumière d'un mâle de Ver luisant ou lampyre (Lampyris noctiluca-Photo -Wikipedia -Swietlik
Comment le ver luisant fabrique-t-il cette lumière?
Dans le corps du ver luisant se trouvent des organes appelés photophores contenant des cellules spécialisées, des photocytes. Ils synthétisent une substance chimique, la luciférine qui produit de la lumière en réaction avec de l’oxygène et de l’ATP, (une molécule spécifique de la cellule) et une enzyme spécifique la luciférase.
C’est lors de la transformation de l’oxyluciférine en luciférine, que par une réaction chimique a lieu l’émission de lumière jaune-verte. La régulation de la lumière est faite par le système hormonal de l’insecte et s’arrête après l’accouplement
Le nom de la molécule responsable, « luciférine », vient du nom latin « lux ferre » porteur de lumière qui désignait chez les romains, l’astre du matin Vénus.
(Par la suite c’est devenu le nom de l’ange déchu, Lucifer, « le diable », dans la religion chrétienne.)
Habitat : dans les hautes herbes des prairies et jardins mais aussi haies, forêts. Présent dans toute l’Europe centrale jusqu’en Sibérie.
Protection et Prédateurs :
Insecte sans protection légale.
Prédateurs : oiseaux, chauve souris. Il semble peu apprécié de ces prédateurs et ses plus gros ennemis sont la pollution lumineuse, les fauchages intensifs et les broyages.
Auxiliaire du jardinier :
Comme la larve est un excellent prédateur de limaces et escargots, un jardin riche en lampyre aura moins ou pas de mollusques grands amateurs de courgettes et salades. Si le jardin est pollué par de la lumière artificielle les vers luisants ne seront pas là et il faudra trouver des moyens mécaniques ou chimiques pour limiter les escargots et limaces.
Utiliser la nature et en particulier la luciferase du Lampyre
Il est évident que cette production de lumière par un animal a intéressé les industriels. Ce n’est pas le seul animal qui en produit. Il existe des bactéries, des champignons, des poissons, des crustacés bioluminescents.
Les chercheurs savent que la nature est économe en énergie et que tout ce qu'elle fabrique est fait avec un minimum d’énergie et de ressources.
Les enzymes et protéines développées par le ver luisant sont utilisés de manière courante pour de nombreuses applications car la réaction est d’une sensibilité extrême.
1/En industrie agroalimentaire depuis 20ans, des détecteurs ultrarapides ont été mis au point. Ils sont conçus pour utiliser la réaction de l’ATP présent dans toute matière animale et végétale avec la luciférase. Ils sont très sensibles et donnent un résultat en 20 minutes ou moins au lieu de 24 ou 48 heures
avec les méthodes classiques .
Les opérateurs peuvent avec cet appareil vérifier si leur machine est propre, bien décontaminée des résidus alimentaires et microorganismes pour reprendre la production.
Autrefois la production était reprise en aveugle et le résultat arrivait alors qu’une production complète avait déjà eu lieu d’où de nombreux accidents de production.
J’ai vu cet appareil, portatif être utilisé avec succès dans l’industrie du lait, de la viande, des jus de fruits et boissons
2/ Environnement : tests de suivi de la charge microbienne
3/Produits cosmétiques et textiles : suivi de leur qualité bactériologique et de leur dégradation.
4/Domaine médical
Il existe plus de 20 applications courantes .
entre autres : détection de la quantité d’antigènes, suivi de la bactiurie (infection urinaire), de la plaque dentaire, du renouvellement de la peau, de la dystrophie musculaire chez le nourrisson, des maladies hépatiques et de très nombreux tests immunologiques.
Ce cas est l’exemple type de ce que peut nous apporter la biodiversité. La Nature a « inventé » d’innombrables mécanismes et composants chimiques très performants tout au long de l’histoire du vivant sur notre planète. C’est pourquoi il est si important de sauvegarder toutes les espèces vivantes, toute la biodiversité. En plus de l’équilibre des écosystèmes qu’elle permet, cette biodiversité contient de nombreux médicaments, molécules chimiques de demain.
Photo Jean Claude Weissend (Anab) et wikipedia
Texte Roland Gissinger (Anab)
Bibliographie
très jolis et instructifs livres ,
Petites bêtes des forêts de Lorraine et d’ Alsace JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise
Insectes remarquables de Lorraine et d’ Alsace –JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise
https://www.youtube.com/watch?v=mRbPFCa78tM (vidéo de 2minutes 30sec d’André Lequet)
https://www.youtube.com/watch?v=CkEYtifC8gQ (minute Nature num 150 vidéo de 4 minutes)
La bioluminescence
http://animaldiversity.org/accounts/Lampyris_noctiluca/