Mieux que Sherlock Holmes, la traque pour l'identification d'un champignon épisode 1/2
Publié le 29 Août 2020
Enquête fongique, au cœur de la brigade d’investigation des champignons 1/2
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
Partons en immersion avec un enquêteur de la BIC, brigade d’investigation des champignons, qui va nous prouver qu’identifier, c’est comme procéder à une enquête policière, mettre en place une méthodologie, se poser des questions dans un certain ordre, recouper des indices jusqu’à l’appréhension des suspects. Les deux suspects qui vont illustrer notre propos font partie du redoutable gang des psathyrellacées, une famille de champignons qui se nourrissent de matières organiques mortes.
Nom scientifique des suspects du reportage : la psathyrelle de De Candolle (Psathyrella candolleana (Fries) Maire 1937) et le coprin parasol (Parasola plicatilis (Curtis) Redhead, Vilgalys et Hopple, 2001)
Date et lieu du crime (euh ... pardon de l’observation) : 3 août 2020 à Zetting, dans le lit temporairement asséché d’un ruisseau traversant une forêt de feuillus
Voilà comment doit se dérouler l’enquête. L’ordre des questions est très important, ce que j’appelle la méthode de l’entonnoir ou méthode SAPE (scène-arme-portrait-empreinte), resserrer l’étau sur le suspect pour le faire avouer.
La scène du crime
Ici la scène du crime est au sol, dans le lit temporairement asséché d’un ruisseau traversant une forêt de feuillus. D’autres champignons peuvent pousser sur le bois, dans des pelouses, des prairies, associé à un arbre, etc. C’est un point important à noter.
L’arme du crime, ou comment le champignon se nourrit
Les champignons peuvent se nourrir de 3 façons :
-par mycorhize, associés à des arbres,
-par saprotrophie en décomposant de la matière organique morte
- par parasitisme en décomposant de la matière organique d’un être vivant.
Quelques astuces : un champignon mycorhizien, qui s’associe donc avec les racines des arbres, ne poussera jamais sur du bois (là ce seront des saprotrophes ou des parasites). C’est une astuce qui permet de séparer par exemple les girolles mycorhiziennes (poussant au sol) des toxiques clitocybes illusoires (poussant sur bois). C’est moins évident de distinguer un mycorhizien au sol d’un saprotrophe au sol, mais il y a néanmoins deux astuces : faire attention à la scène du crime (on ne trouvera pas de mycorhizien en plein milieu d’une prairie sans arbres autour) et aussi la base du pied : un saprotrophe a des déchets organiques collés à son mycélium.
mycélium à la base du pied, avec débris agglomérés, signant la saprotrophie chez Psathyrella candolleana - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Le portrait robot
Il s’agit d’abord de caractériser son allure générale : est ce que c’est un champignon classique avec pied et chapeau, une autre morphologie, a-t-il des lames, des picots, des tubes. Quelle est la couleur des lames, comment elles s’insèrent sur le pied (libres ou non) etc. Enfin, il faut regarder comment il est habillé. Un champignon, quand il émerge du sol, est protégé dans un « cocon », ce qu’on appelle le voile général (ou voile universel). Ses lames sont aussi protégées par une membrane, le voile partiel. Voile général, voile partiel, ces termes sont importants pour l’enquêteur. Quand le champignon grandit, ces lames se déchirent et il peut rester ou pas des lambeaux sur le champignon adulte. Des restes de voile général sont par exemple la volve à la base du pied des amanites, les flocons sur le dessus du chapeau également chez les amanites, des lambeaux sur le chapeau comme chez certains coprins. Des restes de voiles partiels sont l’anneau comme chez les agarics, amanites, lépiotes, de la cortine comme chez les cortinaires, etc. On le voit, il faut bien observer, chaque détail à son importance.
Reste de voile général sur le bord du chapeau de Psathyrella condolleana - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
La suite de ce passionnant thriller, demain sur votre blog préféré...
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)