On avait tout faux sur ce tigre à dents de sabre !
Publié le 7 Août 2020
Crânes et reconstructions du Thylacosmilus atrox (à gauche) et du tigre à dents de sabre Smilodon fatalis (à droite).
article publié sur sciencesetavenir le 26/6/2020
Thylacosmilus atrox vivait voilà 5 millions d'années dans ce qui est aujourd'hui l'Argentine. Un tigre à dents de sabre féroce comme la littérature et les films nous en ont abreuvé. De la taille d'un jaguar, Thylacosmilus appartenait au groupe des Sparassodonta, un groupe éteint de carnivores proches des marsupiaux. Ses deux longues canines avant plongeantes devaient en faire un redoutable chasseur. Du moins, c'est ce qu'on pensait jusqu'à ce que Christine Janis, de l'Université de Bristol (Royaume-Uni) et ses trois collègues se penchent un peu plus sur les restes de l'animal, soit les quelques ossements et exemplaires de crânes dont ils disposent. Ils viennent de publier leurs résultats dans le journal PeerJ du 25 juin où ils ont relevé plusieurs incohérences les ayant amené à bousculer totalement ce que l'on croyait savoir de Thylacosmilus.
D'impressionnantes canines
Au niveau dentaire tout d'abord. Ses impressionnantes canines, relèvent les chercheurs, ont des caractéristiques différentes de celles des tigres à dent de sabre nord-américains. Notamment, leurs formes triangulaires plus proches d'une griffe que d'une lame. Ensuite, ces animaux n'ont pas d'incisives, bien pratiques pourtant quand il s'agit de racler la viande sur les os des proies. Leurs molaires également sont singulières et ne ressemblent pas plus à celles “broyeuses d'os" des carnivores. Au contraire, passées au microscope électronique, ces dents présentent des micro-traces d'usures plus caractéristiques d'une diète constituée de chair molle que d'ossements.
Le fauve était plutôt charognard que redoutable prédateur
Autre bizarrerie : des études de biomécaniques ont révélé que la mâchoire de Thylacosmilus était bien moins puissante que celle par exemple, de Smilodon fatalis, l'un des tigres à dents de sabre d'Amérique du Nord les plus étudiés. En revanche, si la boîte crânienne et les canines de Thylacosmilus n'étaient pas très performantes pour poignarder une proie, elles ont semblé aux chercheurs très bien conçues pour arracher de la chair...
Tous ces éléments ont suggéré à l'équipe une histoire très différente de celle couramment admise concernant Thylacosmilus. Loin d'être un redoutable prédateur, le fauve devait bien plus être un charognard. Moins tigre qu’hyène, donc, ses énormes canines devant lui servir à éventrer les carcasses qu'il trouvait sur son chemin.
D'autres éléments confortent cette hypothèse. Notamment le fait que les griffes de Thylacosmilus n'étaient pas rétractiles, ce qui l'aurait handicapé dans une traque. En outre, comme l'a précisé l'un des auteurs Borja Figueirido, “Voilà cinq millions d'années, l'écosystème était très différent de celui d'aujourd'hui. On s'imagine à tort que la situation d'alors en Amérique du Sud était comparable à celle de l'Afrique actuelle où les mammifères tuent leurs proies et où des oiseaux géants charognards se repaissent des charognes. Mais peut-être était-ce tout l'inverse...!”
En effet, à cette époque, s'épanouissaient les Phorusrhacidae, aussi surnommés “oiseaux de terreur”, une famille éteinte de piafs géants tutoyant les 3 mètres de haut. Incapables de voler, ils étaient dotés de longues pattes leur permettant de courser leur gibier à plus de 50 km/h, ainsi que d'un bec démesuré, acéré et recourbé comme un crochet leur permettant de déchirer les chairs. Peut-être étaient-ce alors eux les prédateurs ultimes, Thylacosmilus, gros matou aux canines hypertrophiées, devant se contenter de finir les restes...