Plus fort que Nestor Burma, la traque pour l'identification d'un champignon épisode 2/2

Publié le 30 Août 2020

Enquête fongique, au cœur de la brigade d’investigation des champignons 2/2


Attention pour apprécier "tout le jus" de cette palpitante enquête,
lisez d'abord le premier épisode  paru hier

en cliquant sur le lien suivant
ou en copiant l'adresse suivante:
http://naturealsacebossue.over-blog.com/2020/08/mieux-que-sherlock-holmes-traque-pour-l-identification-d-un-champignon.html





Les empreintes

 

L’empreinte des spores, plus précisément leur couleur, est une clé essentielle pour identifier le suspect. Elle est par exemple blanche chez les amanites, tricholomes ou lépiotes, chocolat noire chez les agarics, brune chez les cortinaires, etc. La connaissance de cette couleur est importante pour éviter de dangereuses méprises. On peut la déterminer (ce qu’on appelle faire une sporée) en posant le chapeau du chapeau sur une feuille de papier (blanche et noire) mais quelquefois on peut la visualiser d’emblée quand les spores se déposent sur le dessus d’un chapeau poussant sous un autre champignon, où quelquefois en observant attentivement les lames.

 

Dépôt de spores noires sur les lames de Psathyrella condolleana

Dépôt de spores noires sur les lames de Psathyrella condolleana

Dépôt de spores noires sur le chapeau de Psathyrella condolleana -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Dépôt de spores noires sur le chapeau de Psathyrella condolleana - Photo Gilles Weiskircher (Anab)



 

Faire appel à la police scientifique

 

L’application de la méthode SAPE permet dans tous les cas d’éviter de dangereuses confusions et permet au moins d’identifier à quel gang appartient le suspect. Mais, selon le gang, il faut faire appel à la police scientifique pour identifier précisément l’individu.

Cette police scientifique travaille avec des substances chimiques et un microscope pour aider la brigade de terrain. Forme et mesure des spores, présence et morphologie de certaines cellules (les cystides, les basides, etc.), le suspect est scruté de très près.

Spores de Parasola plicatilis, microscopie x1000  -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores de Parasola plicatilis, microscopie x1000 - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cystides en forme d’outre et de bouteille de Parasola plicatilis, microscopie x1000 -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cystides en forme d’outre et de bouteille de Parasola plicatilis, microscopie x1000 - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Rédiger son procès-verbal, sortir les codes en vigueur et mettre le suspect en garde à vue

 

Quand on dispose de tous ces éléments, il faut enfin se plonger dans un guide d’identification, et surtout à jour. Le guide actuel le plus à jour est celui de Guillaume Eyssartier et Pierre Roux, édition 4 (GEPR dans le jargon des enquêteurs). Le bon enquêteur aura tout d’abord consigné dans un procès-verbal tous les éléments recueillis sur le terrain, avec photos à l’appui, sans oublier les éléments transmis par la police scientifique. Comme l’inspecteur Colombo, l’enquêteur de la BIC a toujours son carnet avec lui pour noter tout élément d’enquête. Même le détail qui semble le plus insignifiant a son importance.

Avec tous ces éléments, le suspect peut être mis en garde à vue. L’enquêteur peut travailler avec son guide d’identification, en utilisant des clés dichotomiques, jusqu’à l’identification. L’enquêteur ne compare jamais des photos de guide avec son suspect (c’est le moyen le plus sûr de faire une erreur judiciaire) mais compare avec les éléments objectifs qu’il a notés et le texte descriptif du guide.

Quelquefois le guide ne suffit pas, surtout si on fait appel à la police scientifique, dans ce cas il faut des ouvrages spécialisés.

 

Conclusion de l’enquête

 

Nos deux suspects ont été identifiés et appréhendés. Finalement, le tribunal les relaxera, tenant compte de leur collaboration et service pour la connaissance fongique, et surtout les services rendus à l’écosystème forestier. Néanmoins le juge leur interdira de s’inviter à la table des enquêteurs.

 

Un dernier mot de l’enquêteur

 

Être enquêteur ne s’improvise pas, ne s’apprend pas dans des livres. C’est un travail de longue haleine, sur le terrain avec des enquêteurs aguerris. L’enquête est quelque chose de méthodique, avec de l’observation et différentes étapes et dans un certain ordre. Bâcler cette enquête, c’est non seulement désigner quelqu’un à tort, mais surtout risquer sa vie si vous l’invitez à table. Par conséquent, le doute doit toujours être le binôme silencieux de l’enquêteur et la rigueur son cheval de bataille.





 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)


Note de fin d'enquête du Département " affaires classées"


Les rares  suspects identifiés comme comestibles ont été mis en cuisine.
Les très nombreux suspects, non comestibles,  ont été  laissés sur place  pour purger leur peine à vie de décomposition des bois, végétaux et autres matières organiques
.

 

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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Commenter cet article
R
Gilles, tes fans te réclament une suite, j'en fais partie.<br /> Un petit effort pour une énigme tout aussi déjantée ...<br /> <br /> Roland
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M
Extra ! Peut on en avoir encore une petite bouchée ?
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B
Au début on croit savoir, mais plus on avance plus on doute !
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J
Belle enquête dans laquelle nous apprenons la rigueur et la précision, indispensables dans ce domaine si particulier.
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R
Le suspense était à son comble...<br /> Morale de l'histoire. N'est pas détective qui veut!<br /> Cela ne s'improvise pas. <br /> Je ne me risquerai pas à faire une fausse condamnation<br /> uniquement pour le plaisir de mon palais.
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