Le baobab, château d'eau malgache
Publié le 16 Octobre 2020
« Celui qui déteste l’eau. » Tel est le nom que les villageois ont donné à ce majestueux baobab, car ils ont beau verser de l’eau dans son tronc évidé, ils ont l’impression que la cavité ne se remplira jamais. Elle peut pourtant accueillir 9000 litres du précieux liquide. Pascal Maître/Myop « Celui qui déteste l’eau. » Tel est le nom que les villageois ont donné à ce majestueux baobab, car ils ont beau verser de l’eau dans son tronc évidé, ils ont l’impression que la cavité ne se remplira jamais. Elle peut pourtant accueillir 9000 litres du précieux liquide
Dans le sud-ouest de Madagascar, l'île Rouge, sur un plateau écrasé de soleil, il ne pleut que de rares fois par an, et aucune goute ne tombe pendant neuf mois. Il n'existe aucune eau de surface, ni lacs, ni rivières.
Dans cet environnement hostile vivent pourtant 20.000 personnes des ethnies Mahafaly et Antandroï. Entre 1920 et 1930, la région a connu une terrible sécheresse, et la famine a coûté la vie à des milliers d'habitants. Ceux-ci ont alors réfléchi à la façon dont ils pourraient, à l'avenir, préserver l'eau. Ils ont constaté que la pluie recueillie dans les baobabs creusés par la foudre y restait et n'était pas polluée. De plus, le baobab ne pourrissait pas.
Les habitants se sont alors mis à évider les troncs fibreux de ces arbres pour en faire des réservoirs. Chaque année, en juin, deux ou trois nouveaux baobabs étaient creusés. Pour faire un bon réservoir, l'arbre doit être assez grand, donc assez vieux (300 ans). Il faut environ 10 jours pour creuser un arbre avec une équipe de trois personnes travaillant à temps plein. Une fois la cavité aménagée, on ne touche plus au baobab pendant six mois, le temps qu'il lui faut pour cicatriser : pour ne pas pourrir, il se constitue une écorce intérieure, laquelle assurera l'étanchéité. Les citernes sont ensuite entretenues pour être réutilisées.
Chaque famille protège son baobab comme un coffre-fort, et chaque arbre reçoit un nom.
À la saison des pluies (janvier-mars), l'eau est récoltée dans des mares aménagées, puis reversée dans les troncs. Dans les trois mois qui suivent, l'eau « courante » sera encore celle de plantes ayant gardé un peu d'humidité : racines d'ignames pour se désaltérer, chair de pastèque verte pour cuire le riz. En juillet, quand tout est sec, on ouvre alors les baobabs-citernes.
Un seul arbre fournit l'eau pour une famille de sept personnes pendant trois mois. Dans la région, pas moins de 800 familles dépendent de cette eau pour leur survie. Le village d'Ampotaka compte ainsi 300 baobabs-citernes pour 475 habitants. Chaque famille protège son baobab comme un coffre-fort, et chaque arbre reçoit un nom.
Aujourd'hui, on ne trouve plus guère de vieux baobabs, et la fabrication des réservoirs se fait rare. Pourtant, avec des sécheresses récurrentes dues aux changements climatiques et aux effets d'une croissance démographique rapide, la gestion de l'eau est ici plus critique que jamais.