Enquête mycologique, épisode 7.1, A la découverte des ascomycètes

Publié le 9 Janvier 2021

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.

Aujourd’hui, la brigade d’investigation des champignons nous ouvre à nouveau ses portes et nos journalistes ont pu s’entretenir avec le capitaine Nicole Mycélium, spécialiste du gang des ascomycètes.

 

Journaliste (J) : Capitaine, pouvez vous nous situer les ascomycètes parmi les champignons ?

Capitaine Mycélium (CM) : les champignons constituent un règne spécifique du vivant, comme les animaux ou les végétaux. Ce règne est constitué de 8 divisions, dont par exemple les basidiomycètes mais aussi les ascomycètes. Ces derniers font donc partie d’une des 8 grandes divisions qui structurent le règne des champignons. On a décrit près de 100 000 espèces de champignons. Les ascomycètes en représentent près de 70 000. Ils sont les plus représentés dans ce règne.

 

J : y-a-il des subdivisions chez les ascomycètes ?

CM : il y en a effectivement 3 : les Taphrynomycotina d’abord. Ce sont des champignons essentiellement unicellulaires qui ressemblent à des levures. Ce sont essentiellement des parasites de plantes et même d’animaux. Viennent ensuite les Saccharomycotina, dont fait  partie la levure de boulanger. Enfin, les plus nombreux, représentant la grande majorité des ascomycètes connus (90%), les Pezizomycotina. Ce sont aussi ceux-là qui sont visibles à l’œil nu et c’est de ceux-ci qu’on traitera dans la suite de l’interview.

 

J : comment définir un ascomycète ?

CM : Ce sont déjà des champignons qui pratiquent une reproduction sexuée. Dans ce règne, tous ne la pratiquent pas. Il n’y a que les basidiomycètes, les ascomycètes et certains autres qui la pratiquent. Donc la reproduction sexuée ne se retrouve que dans 3 divisions sur les 8 du règne des champignons. Les autres se reproduisent par voie asexuée. Les spores sexuées chez les ascomycètes sont contenues dans des cellules spéciales de forme cylindrique ou globuleuse, qu’on appelle les asques. D’une part, c’est le nom d’asque qui a donné son nom d’ascomycète à cette division, et d’autre part c’est pour cela que ces spores sont aussi appelées des ascospores. Ces asques peuvent contenir 2, 4, 6, 8 ou même davantage de spores, mais toujours en nombre pair. Les ascomycètes ont aussi une particularité au niveau de leurs hyphes, des amas lipidiques appelés corps de Woronin et qui régulent les flux des cellules constituant l’hyphe.

Asques et ascospores. Microscopie x 1000 de Peziza vesiculosa  - Photos Gilles Weiskircher (Anab)
Asques et ascospores. Microscopie x 1000 de Peziza vesiculosa  - Photos Gilles Weiskircher (Anab)

Asques et ascospores. Microscopie x 1000 de Peziza vesiculosa - Photos Gilles Weiskircher (Anab)

Ejection de spores. Microscopie x1000- Peziza vesiculosa -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Ejection de spores. Microscopie x1000- Peziza vesiculosa - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Précisons néanmoins une chose : même s’ils peuvent se reproduire par voie sexuée, ils privilégient néanmoins la voie asexuée en émettant des spores asexuées, les conidies.

 

J : à quoi ressemblent-ils ?

CM : il faut garder à l’esprit qu’un champignon vit sous forme de filaments, les hyphes, donc invisibles à l’œil nu. Ce qu’on voit est en réalité l’organe de fructification, qu’on appelle le sporophore, et qui va émettre les spores. Chez les ascomycètes on peut l’appeler aussi l’ascocarpe ou ascome et il prend une extraordinaire diversité de formes: en disque, coupe, boule, etc. Certains sont macroscopiques, avec une morphologie pied/chapeau comme la morille (Morchella sp) ou la Léotie lubrique (Leotia lubrica), d’autres sont dans le sol comme la truffe (Tuber sp), et d’autres ne sont presque pas visibles avec une taille de même pas 1 mm.

Peziza vesiculosa-  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Peziza vesiculosa- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Lachnum virgineum, loupe binoculaire x40-  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Lachnum virgineum, loupe binoculaire x40- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Xylaria hypoxylon-  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Xylaria hypoxylon- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Leotia  lubrica-  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Leotia lubrica- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Tuber uncinatum -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Tuber uncinatum - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

J : où les trouve-t-on ?

CM : ils sont largement répandus dans tous les types d’environnement, le sol, les eaux douces et marines, la matière organique en décomposition.

 

J : Quelle est leur importance dans l’écosystème ?

CM : ils jouent un rôle central dans beaucoup d’écosystèmes. Saprophytes, ils sont des décomposeurs importants qui dégradent une grande variété de matière organique. Ils absorbent surtout des débris de matières végétales. En décomposant des substances comme la cellulose ou la lignine, ils prennent une place importante dans le cycle du carbone et le cycle de l'azote.  Les corps fructifiants  peuvent servir de nourriture pour divers animaux comme des insectes, des gastéropodes et des mammifères comme les rongeurs, les cervidés et les sangliers.

Certains font aussi des symbioses : ils peuvent s'associer avec les racines des plantes (mycorhize) ou vivre à l'intérieur de celle-ci (endophytes). Les ascomycètes endophytes n’endommagent jamais leurs hôtes. Certains apportent à la plante une protection accrue contre les bactéries, insectes ravageurs, nématodes. La plante fournit aussi dans ce cas de l'énergie métabolique au champignon sous forme de produits photosynthétiques. Il faut aussi dire près de la moitié des espèces d’ascomycètes s’associent avec des algues et/ou des cyanobactéries pour former des lichens.

 

J : quelle est leur importance pour l’homme ?

CM : Parmi les ascomycètes se trouvent de nombreuses espèces indispensables à l’alimentation de l’homme, comme les levures utilisées en boulangerie, brasserie et vinification, ou les Penicillium intervenant dans la fabrication de fromages ou d’antibiotiques de type pénicilline, et des champignons bien connus des amateurs de champignons comme les morilles, les pézizes, les truffes.

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)


LA SUITE (7.2) DE CETTE ENQUETE DEMAIN




 

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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G
C'est vrai que ce n'est pas facile ! :) Quelles images, et quelle façon simple malgré le sujet d'expliquer le vivant ! Merci !...<br /> Je m'étais initié il y a quelques années grâce à un magnifique ouvrage de Henri ROMAGNESI. C'est un monde étonnant,et son ouvrage m'a démystifié de bon nombre d'âneries que l'on rencontrait couramment dans des publications bon marché...
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B
Asque c'est pas facile !
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G
Bonjour <br /> Romagnesi reste une excellente référence
R
Ah ha Ah Bernard
H
"Belle leçon de chose " pas facile de faire découvrir ce monde de la mycologie , sujet qui peut paraitre aride ! et bien non ! la narration de cette enquête nous fait attendre le prochain épisode avec impatience ! merci Gilles
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R
Content Heintz que l'article de Gilles t'ait plu. <br /> <br /> Bravo à Gilles pour sa pédagogie, son cheminement et ses magnifiques photos qui agrémentent et illustrent scientifiquement l'enquête de la capitaine Nicole