Copuler sans perdre la tête : la tactique vitale de Monsieur mante

Publié le 5 Mars 2021

Copuler sans perdre la tête : la tactique vitale de Monsieur mante

paru sur Sciences et Avenir le 20/1/2021
 

Chez la mante "Springbok" (Miomantis caffra), vivant notamment en Nouvelle-Zélande, le mâle bondit sur sa partenaire pour tenter de la blesser et pouvoir ainsi copuler.

'approche est brutale, mais ils n'ont pas le choix : certains mâles mantes religieuses blessent leur partenaire pour la forcer à s'accoupler, évitant ainsi de se faire trancher la tête avant de convoler, comme certaines femelles en ont la fâcheuse habitude, selon une étude parue le 20 janvier 2021.

 

Pas besoin de Monsieur pour la reproduction

Ces insectes sont connus pour leurs pratiques sexuelles conflictuelles, où il arrive à la femelle de décapiter le mâle avant, pendant ou après l'acte de reproduction, pour mieux le dévorer, et récupérer l'énergie nécessaire à sa future ponte. Ce "cannibalisme sexuel" existe aussi chez certaines araignées où, comme chez la mante, le sexe agresseur est plus grand et plus fort que le sexe agressé. Le phénomène est particulièrement répandu chez la mante "Springbok" (Miomantis caffra), vivant notamment en Nouvelle-Zélande : dans 60% des interactions sexuelles, les malheureux mâles se font consommer avant même d'avoir pu copuler. En termes d'évolution, les femelles de cette espèce n'ont nulle raison de freiner leur féroce appétit car elles sont capables d'auto-féconder leurs oeufs, et donc de se passer de Monsieur - un mode de reproduction monoparental appelé "parthénogenèse". Une équipe de biologistes, dont les travaux sont publiés dans la revue Biology Letters, s'est logiquement demandée comment les mâles pouvaient continuer à exister dans des conditions aussi hostiles. Ils ont récolté des spécimens adultes de "Miomantis caffra" en Nouvelle-Zélande, pour apparier 52 "couples" dans des boîtes transparentes pendant 24 heures, afin de suivre de près le déroulé des ébats.

 

Entre bagarre et copulation

Résultat : c'est toujours le mâle qui allait au contact, en bondissant sur la femelle. Elle l'agressait en retour, et s'en suivait une bagarre où chaque sexe essayait de dominer l'autre, en l'agrippant avec ses pattes ravisseuses.

Certains mâles mantes religieuses blessent leur partenaire pour la forcer à s'accoupler, évitant ainsi de se faire trancher la tête avant de convoler (AFP/Archives - JACK GUEZ)

Certains mâles mantes religieuses blessent leur partenaire pour la forcer à s'accoupler, évitant ainsi de se faire trancher la tête avant de convoler.

Dans 35% des combats, la femelle l'emportait et consommait sa proie. Mais dans la majorité des cas - près de 60% - c'est le mâle qui prenait le dessus. Une fois sa partenaire neutralisée, il la contraignait à s'accoupler pour fertiliser ses œufs. Sa tactique : percer l'abdomen de son adversaire avec ses griffes antérieures, une blessure non mortelle entraînant une perte d'hémolymphe (liquide jouant le rôle de sang pour les invertébrés), et laissant une cicatrice noire sur le corps de la femelle. "J'ai été très surpris qu'ils les blessent pour s'accoupler. Jamais rien de tel n'avait été observé chez la mante", raconte à l'AFP Nathan Burke, spécialiste de l'évolution des sexes chez les animaux à l'Université d'Auckland. L'étude conclut que les mâles qui perdaient la bataille étaient systématiquement mangés, tandis que les vainqueurs augmentaient fortement leurs chances de copuler et d'échapper à la cannibalisation (certains individus finissaient tout de même engloutis après l'amourette).

 

Cette stratégie de "coercition sexuelle" est assez fréquente chez les animaux (insectes, reptiles, poissons, mammifères), mais rare concernant une espèce se livrant au cannibalisme sexuel. "Probablement parce que dans ce cas, les femelles sont beaucoup plus grandes, et que se soumettre à leur force est trop dangereux", avance Nathan Burke. Ce "dimorphisme sexuel" incite généralement le mâle à la plus grande prudence pour aborder sa partenaire - comme s'il jouait à "la roulette russe". Il peut attendre par exemple qu'elle ait le dos tourné ou qu'elle soit occupée à déguster une autre proie avant de tenter sa chance. L'approche agressive de Monsieur mante "Springbok" est donc étonnante. Fait-elle exception parmi les près de 2.000 espèces de mantes ? "Nous l'ignorons à ce stade. Peut-être que d'autres se comportent ainsi, mais personne n'a encore regardé", conclut le chercheur.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Apprendre de la nature

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R
:-)) Bien GMF
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G
Pour la défense de ces mâles martyrisés --> voir le mouvement "me too" avec comme slogan "balancetamante" !
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R
Rose, oui sportifs les mâles mantes.<br /> <br /> Les femelles parthénogénétiques chez les mantes, cela doit aussi faire fantasmer certaines humaines??
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R
Merci Gérard, oui sportif. Le mâle l'emporte quand m^me dans 60% des combats.<br /> Étonnante cette vie des mantes.
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R
Faut être sportif à long terme "les mâles " humains qui voudraient l'imiter......je rigole.
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G
C'est très sportif comme pratique, avec une prise de risques énorme ! Cela laisse en effet penser que le rôle du mâle est moins de féconder que d'apporter à la femelle un repas énergétique pour assurer la réussite de sa ponte en cas de disette ! "Mieux vaut tenir que courir" ! :D
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R
pauvre mâle",cette compassion Bernard que tu as pour ce mâle Mante nous l'avons tous nous les "mâles humains". Imagine les rapports homme femme dans notre société humaine avec la même biologie!
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B
Pauvre mâle, vive l'égalité des sexes
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