Enquête mycologique, épisode 9, Entoloma brunneosericeum

Publié le 23 Janvier 2021

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.

 

La BIC (brigade d’enquête des champignons) est à nouveau sollicité pour appréhender un champignon vu dans une prairie. Suivons l’enquêteur sur place et le déploiement de la méthode SAPE (scène-arme-profil-empreinte)

 

Scène du crime

 

Nous sommes à la tombée de la nuit, le 21 novembre 2020. La scène du crime est une prairie permanente sablonneuse fréquentée par des chevaux, à Zetting. Les suspects se présentent en groupe.

Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

L’enquêteur, sans trop prendre de risques, suspecte des champignons saprotrophes. Il n’y a pas d’arbres à proximité et vu la saison, les champignons mycorhiziens ne sont plus de sortie.

 

Profil du suspect

 

Il s’agit d’un champignon de 5 à 10 cm de haut, de morphologie classique pied et chapeau, avec des lames. Son profil est plutôt fin, ce qu’on appelle une morphologie collybioïde. Les lames sont adnées à échancrées, de couleur gris rose. Il n’y a pas d’anneau, de volve, d’écailles, de mèches ou tout autre ornement.

Le chapeau est convexe, légèrement mamelonné, brun et hygrophane (il change de couleur après la récolte), strié. Sa cuticule est plissée, ce qu’on appelle un revêtement en hyménoderme. Le pied est fibrilleux, gris à concolore au chapeau.

L’odeur est farineuse.

 

Empreinte des spores

 

La couleur de sporée est ici rose. L’enquêteur soupçonnait déjà cette couleur de sporée vu la couleur rosâtre des lames chez les spécimens adultes. Cependant, ce n’est pas systématique que la couleur de sporée reflète la couleur des lames.

Spores sur lame de verre de Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores sur lame de verre de Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

 

Considérant que les lames ne sont pas libres et que la couleur des spores est rose, il ne fait plus aucun doute pour l ‘enquêteur qu’il est en présence d’un membre du gang des entolomes. Ce gang de 400 espèces se caractérise par une morphologie très variée, aussi bien des champignons charnus que fins ou même en forme de pleurote, produisant des spores roses et n’ayant jamais les lames libres. L’enquêteur rappelle qu’il existe aussi d’autres gangs à spores roses comme les plutées et les volvaires mais ceux-ci ont des lames libres. Les entolomes sont majoritairement saprophytes mais il en existe des mycorhiziens, voir aussi parasites.

C’est un groupe où, sauf exception, il faut faire appel à la police scientifique pour affiner l’identification.

 

L’examen par la police scientifique

 

Une remarquable particularité microscopique des entolomes, et unique chez les champignons, sont leurs spores d’une forme très particulière, anguleuse polygonale. Ce caractère microscopique permet d’affirmer de façon certaine qu’on est chez un entolome, même sans voir le spécimen en question.

microscopeX1000 de Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

microscopeX1000 de Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

On observe également des cheilocystides en massue

Cheilocystides au microscopeX1000 de Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cheilocystides au microscopeX1000 de Entoloma brunneosericeum -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Une particularité également dans l’étude microscopique est d’observer la présence, dans la cuticule du chapeau, des pigments incrustants dans les cellules (intracellulaires) ou dans la paroi (pariétal). Il faudra préparer l’échantillon dans un milieu à base de potasse ou dans de l’eau saturée en sel pour les révéler. La présence et la localisation de ces pigments sont un critère d’identification.

Tous ces éléments permettent de statuer que notre suspect est Entoloma brunneosericeum Noordel., Vila, Caball. et Suarez. Il appartient au groupe des sericeum, petits entolomes de prairie à odeur farineuse.

 

L’enquêteur, pour conclure, souhaite nous rappeler que le genre Entoloma est très difficile, nécessitant une étude détaillée au microscope. Néanmoins, un bon examen macroscopique permet déjà de dégrossir l’identification. Pour cela, il faut noter la silhouette, l’aspect de la cuticule du chapeau, les lames, le pied et l’odeur. Membres actifs de la décomposition de la matière organique dans le sol, ils remettent les nutriments à disposition des végétaux pour leur croissance. Pour ces services rendus à la prairie, notre suspect a été relaxé.

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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M
A<br /> Exposé toujours aussi limpide pour un genre si complexe sur le terrain. Un grand merci, Gilles .<br /> Et maintenant comment faire, tu m'as donné l'envie d'aller voir comment se présentent ces pigments incrustants ?
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G
Bonjour Martine <br /> Merci pour ton commentaire. Effectivement dans le genre Entoloma il est souvent indispensable de regarder ces pigments.<br /> On observe évidemment la cuticule du chapeau et la méthode la plus simple est de monter ta préparation dans du KOH à 3 %. Cela révèlera les pigments et surtout leur localisation
G
enquête rondement menée par la BIC, merci encore
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G
Bonsoir Gisou<br /> Merci d'apprécier les pérégrinations de la brigade qui même en hiver ne chôme pas