Affaire du siècle : l’État condamné pour inaction climatique
Publié le 4 Février 2021
« L’affaire du siècle » : l’Etat condamné pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique
La justice reconnaît pour la première fois que l’Etat a commis une « faute » en se montrant incapable de tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre.
« Une victoire historique pour le climat. » C’est peu de dire que le jugement rendu mercredi 3 février par le tribunal administratif de Paris a donné satisfaction aux associations de défense de l’environnement et à leurs avocats. Deux ans après avoir recueilli plus de 2 millions de signatures en moins d’un mois – une mobilisation sans précédent en France –, pour dénoncer l’« inaction climatique » de l’Etat, « L’affaire du siècle » avait rendez-vous avec la justice. Les quatre ONG à l’origine de la pétition (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot) avaient déposé en mars 2019 un recours devant le tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’Etat.
A l’issue de ce « premier grand procès climatique en France » – comme l’avait qualifié la rapporteuse publique dans ses conclusions lors de l’audience du 14 janvier –, la justice reconnaît pour la première fois que l’Etat a commis une « faute » en se montrant incapable de tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre (GES) sur la période 2015-2018. Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Le tribunal a condamné l’Etat à verser un euro symbolique aux quatre associations requérantes pour « le préjudice moral » résultant des « carences fautives de l’Etat à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés ».
Préjudice écologique
La France n’est en effet pas sur la bonne trajectoire. Dans son rapport annuel, publié en juillet 2020, le Haut Conseil pour le climat juge sévèrement la politique du gouvernement : « Les actions climatiques ne sont pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs. » Ainsi, les émissions de GES ont baissé de 0,9 % entre 2018 et 2019, alors que le rythme devrait être d’une diminution annuelle de 1,5 %, et de 3,2 % à partir de 2025 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Et encore ces objectifs ont été revus depuis à la baisse par le gouvernement, contre l’avis du Haut Conseil.
Regardez la vidéo ci-dessous et diffusez
Vous pouvez lire l'intégralité du jugement sur le lien ci-dessous :
http://paris.tribunal-administratif.fr/content/download/179360/1759761/version/1/file/1904967190496819049721904976.pdf
duréee 2mn 44sec
Et après ?
L’Affaire du Siècle peut obtenir gain de cause et voir l’Etat condamné : ailleurs dans le Monde, des tribunaux ont déjà contraint des Etats à agir face aux dérèglements climatiques !
En France, l’État a été condamné à plusieurs reprises pour avoir manqué à ses obligations en matière de protection de la santé publique ou de l’environnement. Ce fut le cas de l’affaire du sang contaminé (1993), de l’amiante (2004), de la pollution par nitrates (2009).
Or, dans la lutte contre les changements climatiques et ses conséquences, l’État ne respecte pas les objectifs qui lui sont assignés et manque à sa mission de prévention et de protection des citoyens et de l’environnement.
Nos organisations ne demandent pas d’argent à l’Etat, si ce n’est la somme d’1€ symbolique.
Ce que nous demandons, c’est que la responsabilité et par conséquent, la carence de l’Etat soit reconnue par le Tribunal et que le juge donne une injonction à agir: qu’il oblige l’Etat à prendre les mesures nécessaires pour éviter une aggravation de la crise climatique.
Il est temps d’engager une révolution climatique pour la justice sociale. L’ensemble des politiques publiques doivent changer pour prendre pleinement en compte les impératifs climatiques, de protection de la biodiversité, et de lutte contre les inégalités.
Nous identifions 6 actions prioritaires qui, parmi d’autres mesures, permettraient de remédier en partie à ses carences climatiques, tout en réduisant les injustices sociales:
- Instaurer une fiscalité socialement juste au service de la lutte contre le changement climatique
- Créer un service public local de la rénovation énergétique des logements dans tous les territoires
- Donner la possibilité à toutes et tous de se déplacer plus proprement
- Instaurer le droit à une alimentation saine et durable pour toutes et tous
- Développer massivement des énergies renouvelables
- Mettre fin aux cadeaux aux grandes entreprises
Ces actions, ainsi que les autres mesures à mettre en oeuvre, auront un impact positif sur chacune et chacun d’entre nous, ainsi que sur notre société. Ce que nous demandons, c’est une révolution climatique socialement juste, une transition écologique solidaire.
L’Affaire du Siècle est notre affaire à toutes et à tous.