Comment les plantes perçoivent le vent
Publié le 11 Mars 2021
Chez l’arabette des dames, des mécanismes cellulaires mécanosensibles réagissent aux oscillations dues au vent.
Paru sur le site de "pour la science le 24/2/2021"
Les végétaux réagissent au souffle du vent grâce à un canal transmembranaire sensible à la fréquence d’oscillation de la tige.
ans les zones venteuses, on constate que les plantes poussent moins haut, ont un diamètre plus important et des racines plus développées. Cependant, les mécanismes cellulaires impliqués dans la perception du vent sont mal connus. Daniel Tran, de l’université Paris-Saclay, et ses collègues ont montré qu’un canal transmembranaire est sensible à l’oscillation de la tige, et plus particulièrement à la fréquence à laquelle la plante se balance lorsque le vent souffle.
Les chercheurs ont étudié l’un des canaux transmembranaires, nommé MSL10, chez l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), une plante modèle en biologie végétale. Il s’agit d’un canal mécanosensible, c’est-à-dire qui réagit à un signal mécanique (en l’occurrence, la déformation des cellules provoquée par le souffle du vent). Ce signal mécanique est converti en signal électrique (l’ouverture du canal engendre un flux d’ions à travers la membrane). Cette activité déclenche la synthèse de protéines qui participent à la réponse complexe de la croissance de la plante.
Les chercheurs ont isolé des canaux MSL10 sur une membrane et ont mesuré les variations du courant électrique lorsque la membrane était soumise à des pressions ponctuelles (statiques) ou répétées (dynamiques) de fréquence variée. Ils ont ainsi montré que le canal réagit aux deux types de pression, mais surtout que son activité est plus importante en réponse à des mouvements oscillants de fréquence comprise entre 0,3 et 3 hertz… qui correspondent à celles du balancement de l’arabette lorsque le vent souffle.
« C’est un peu comme si ce canal était accordé à cette oscillation ou comme si, au contraire, la plante, au cours de sa croissance, s’était mise au diapason de la fréquence perçue par son canal mécanorécepteur », explique Bruno Moulia, directeur de recherche au Centre Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes de l’Inrae, qui a participé à l’étude. En effet, la fréquence typique d’oscillation de la tige dépend de sa longueur et de son diamètre. Si la plante pousse d’une certaine façon, cela risque de changer sa fréquence typique d’oscillation, qui ne serait alors plus compatible avec la gamme de fonctionnement optimal du canal MSL10. Il y aurait donc une rétroaction contrôlant la croissance de la plante (on parle de « thigmomorphogenèse »). Mais cela reste encore à démontrer.
Pour ce faire, l’équipe envisage de mener des expériences pour altérer la fréquence d’oscillation des plantes, par exemple en leur fixant des collets pour limiter la longueur de vibration. L’idée est de faire osciller les plantes par exemple à 9 hertz pour voir si leur développement les ramènera à 3 hertz. Une autre piste est de comparer les herbacées et les arbres, qui ont une exposition au vent encore plus importante.