Evolution des chênes : leur résistance à la sécheresse
Publié le 13 Avril 2021
Paru sur Inrae le 2/3/2021
- Face au changement climatique et à l’augmentation de la sécheresse, la question du dépérissement des forêts est primordiale : elles sont des réservoirs de biodiversité et permettent également de stocker massivement le carbone et d'atténuer l’effet de serre. Les chênes sont des arbres emblématiques des forêts d’Europe et d’Amérique, que l’on pensait très vulnérables à la sécheresse. Grâce à une technique d’optique innovante, des scientifiques d’INRAE de l'université de Bordeaux et des universités de Berkeley et Stanford en Californie, ont étudié la tolérance à la sécheresse de différentes espèces de chênes nord-américains. Leurs résultats, publiés le 1er mars dans PNAS, montrent que les espèces de chênes ont évolué vers une plus grande résistance à la sécheresse pour coloniser des zones climatiques plus arides et qu’ils possèdent aujourd'hui une marge de sécurité relativement importante pour faire face au changement climatique.
Un des facteurs déterminants de la tolérance des arbres à la sécheresse est la capacité du xylème, ensemble des vaisseaux qui acheminent l’eau et les nutriments du sol vers les feuilles, à résister à l’embolie. En effet, en cas de sécheresse, des bulles d’air peuvent se former et obstruer les vaisseaux, pouvant conduire à la mort de l’arbre. Grâce à une technique d’optique mise au point en 2016 en Australie (Brodribb et al. 2016 PNAS) et utilisée par la plateforme INRAE PHENOBOIS1 dans la région de Bordeaux, les chercheurs ont mesuré l’embolie des vaisseaux des feuilles d’une vingtaine d’espèces de chênes le long d'un gradient d'aridité dans le Far-West , où le climat de certaines régions est très sec. En mesurant la résistance à l’embolie des vaisseaux, les scientifiques peuvent mesurer la tolérance à la sécheresse de l’arbre. Leur étude vise à mieux comprendre l’histoire évolutive des espèces forestières et à prédire la réponse des forêts au changement climatique, en prenant pour étude de cas les chênes, un genre botanique aux espèces réparties dans de nombreuses régions de l'hémisphère nord.
Des chênes adaptés à l’environnement où ils poussent

Première bonne nouvelle : les chênes sont beaucoup plus tolérants à la sécheresse que ce qui était jusque-là admis. Les chercheurs ont observé que la tolérance à la sécheresse des différentes espèces de chêne suivait le gradient de pluviométrie et d’aridité du nord-ouest américain. Les espèces les plus tolérantes à la sécheresse sont de parenté proche, c’est-à-dire qu’elles font partie d’une même section sur l’arbre évolutif de la famille des chênes, et poussent dans les zones les plus arides alors que les moins tolérantes vivent dans des zones plus pluvieuses. Ces résultats suggèrent qu’au cours de leur évolution, les espèces de chênes auraient colonisé des zones géographiques dont le climat correspondait à leur tolérance à la sécheresse.
Grâce à la mesure de la tolérance à la sécheresse des chênes et à des données de stress hydrique obtenues sur le terrain, les scientifiques ont pu estimer la marge de sécurité hydraulique de chaque espèce. Une marge de sécurité positive indique que l'espèce peut vivre dans un climat encore plus sec et une marge négative, suggère que l'espèce peut être vulnérable à la sécheresse. Heureusement, les marges de sécurité sont positives pour les 19 espèces étudiées, même celles poussant dans les zones les plus arides, ce qui signifie que ces espèces de chêne ne sont actuellement pas menacées.
Les résultats sur les chênes de Californie sont encourageants et donnent des informations précieuses pour mieux prédire la dynamique de la biodiversité des forêts et du stock de carbone face au changement climatique. Les méthodologies utilisées peuvent être étendues à d’autres espèces et les chercheurs poursuivent actuellement leurs travaux sur les chênes d’Europe et les sequoias de Californie.