Enquête mycologique, épisode 11, Calocybe gambosa
Publié le 22 Mai 2021
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
La BIC (brigade d’investigation des champignons) s’est reposée durant la saison froide et sèche, période peu propice à la sortie des gangs fongiques. A la faveur des pluies, la brigade était en ébullition. Et ça n’a pas tardé qu’un coup de fil vient signaler que tout un gang est sorti de sa cachette et qu’il se présente sous forme de cercle au sol. L’enquêteur se rend rapidement sur place et sécurise la scène du crime en mettant en place la méthode SAPE (scène-arme-profil-empreinte)
Arme du crime
L’enquêteur suspecte immédiatement des champignons saprotrophes mais le doute est permis vu qu’à proximité il y a une haie avec des rosacées tels que l’aubépine.
Le rond de sorcière a nourri autrefois l’imaginaire populaire qui l’appelait aussi cercle des fées. Les hommes y voyaient la trace de la danse des sorcières et celui qui y rentrait dedans n’en ressortait plus. Mais le rond de sorcière n’est autre qu’un phénomène naturel correspondant à la croissance souterraine des filaments de champignons dans le sol. Ces filaments se développent dans toutes les directions, à la même vitesse, donnant ainsi cet aspect circulaire. Car le champignon vit toute l’année dans le sol et ne forme les structures familières que l’on connaît uniquement pour se reproduire et quand les conditions climatiques sont favorables. On peut trouver dans les vastes prairies des États-Unis des ronds de sorcière atteignant 600 mètres de diamètre et âgés de plusieurs siècles. Les ronds de sorcière doivent être préservés. Les champignons se trouvent à sa périphérie. Il ne sert donc à rien de rentrer dans le rond de sorcière et le piétiner inutilement. En effet, le piétinement nuit à la croissance du champignon.
Profil du suspect
de morphologie classique pied et chapeau, avec des lames. Son profil est plutôt trapue. Les lames sont adnées. L’odeur est fortement farineuse, la saveur douce. Les lames sont blanches, serrées. A la manipulation, le champignon ne change pas de couleur, la couleur de la chair reste immuable.
On observe des restes de voile partiel sur la marge du chapeau sous forme de flocons blancs et fibrilles blanches sur le pied qui est noirâtre à la base.
Avec ces éléments macroscopiques et cet habitat, plusieurs réflexions émergent dans la tête de l’enquêteur.
Poussant souvent en rond de sorcière sur les terrains calcaires, le mousseron (Calocybe gambosa) apparaît dès le mois d’avril, souvent selon la croyance populaire à la Saint-Georges, le 23 avril, d’où son autre nom de Tricholome de la Saint Georges. Il est classé comme un très bon comestible.
Mais, et c’est un mais de taille, histoire de faciliter la tache, des sosies poussent à la même période, et dans les mêmes milieux, dont un lascar mortel possible à la consommation. Il s’agit des Entolomes printaniers (lames roses à maturité, mais qui sentent également la farine) ainsi que le toxique Inocybe de Patouillard avec son odeur fruitée, sa chair qui rougit à la cassure, un chapeau conique avec des fibrilles et ses lames brunes à maturité.
L’enquêteur ne le répétera jamais assez. Quand on appréhende un champignon, il est indispensable de connaître ses jumeaux pour éviter une erreur judiciaire qui peut être très lourde de conséquence.
Empreinte des spores
La couleur de sporée est ici blanche. Cela cadre avec l’hypothèse d’un tricholome. Chez les entolomes, la sporée est rose, chez les inocybes brunes
L’examen par la police scientifique
Un examen microscopique des spores montrent qu’elles sont cylindriques. Il ne peut pas s’agir d’un entolome qui a des spores polygonales. Attention néanmoins, l’Inocybe de Patouillard a des spores de même morphologie
Pour conclure, l’enquêteur tient à rappeler que lorsqu’on cherche à confondre un suspect, il faut prendre en considération plusieurs critères et pas qu’un seul. Se limiter à un seul critère est prendre un aller simple vers la catastrophe. La méthodologie reste la base de tout et l’observation attentive. Être enquêteur évidemment ne s’improvise pas.
Une personne vient de rentrer dans le commissariat de la brigade, toute satisfaite d’avoir trouvé plein de mousserons et en a ramené un à l’enquêteur qui doit prendre congé de nous. En regardant ce champignon, l’enquêteur pressent que le dossier est difficile, mais il n’aurait jamais pensé qu’un suspect réussisse à le tromper momentanément. La suite de cette enquête au prochain épisode.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Origine du nom (transmis par Marie Hélène)
Ce nom français « mousseron », du tricholome de la Saint-Georges (Calocybegambosa), a été emprunté par l'anglais pour désigner le champignon en général,
mais sous un nouvel habit, parfaitement anglais, phonétiquement et graphiquement : mushroom. Notez qu'en anglais le mousseron lui-même se dit St George'smushroom) !
Le terme générique qui en français désigne le champignon en général remonte au bas latin *campaniolus « qui pousse dans les champs ».
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