Pourquoi il y a urgence à changer notre relation aux animaux en ville
Publié le 22 Juillet 2021
Paru sur Ouestfrance le 22/6/2021
En Ille-et-Vilaine, Rennes ouvre avec des citoyens volontaires une réflexion sur la condition des animaux en ville. Objectif : rédiger une charte pour mieux partager le milieu urbain avec la faune qui y vit. Un sujet bien moins anecdotique qu’on ne l’imagine, nous explique la spécialiste Émilie Dardenne.
Ils sont partout : au bout des laisses en promenade ou aux fenêtres des appartements à humer le vent, mais les chiens et les chats sont loin d’être les seuls animaux à vivre en ville. Le ciel est plein d’oiseaux, les parcs sont peuplés de petits mammifères et d’insectes, sans parler des moins aimés rats, pigeons ou goélands, qui squattent des caves et toits pour nicher, occasionnant leur lot de désagréments…
Alors comment mieux organiser cette cohabitation entre humains et animaux en ville ? La question a été lancée à la mi-juin à Rennes (Ille-et-Vilaine), lors d’une consultation citoyenne. Émilie Dardenne est maîtresse de conférences en études animales à l’université Rennes 2, responsable du diplôme universitaire « Animaux et société ». La Ville l’a invitée à suivre la co-construction d’une « charte de la condition des animaux » en milieu urbain. Un projet qui pourrait s’étendre à d’autres municipalités. Entretien.
Émilie Dardenne, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la ville regorge d’animaux. Et pas uniquement domestiques…
La diversité animale est très grande dans les villes, y compris celle que l’on ne voit pas. Par exemple, les animaux dont la biomasse est la plus importante sur Terre sont les arthropodes (insectes, araignées, etc.), suivis des poissons, et très loin derrière, seulement, des animaux d’élevage, sauvages et des humains… Il y a une dimension politique qu’il faut avoir à l’esprit quand on envisage la place de l’animal en ville, puisqu’on la retrouve dans de nombreux domaines du champ d’action politique.
Qu’entendez-vous par « la place de l’animal dans la ville est politique » ?
On le voit dans l’intitulé des différents ateliers citoyens qui vont être menés à Rennes pour ��laborer cette charte de la condition des animaux en ville. Il y a bien sûr les animaux domestiqués (les chats, les chiens et la question de la propreté), mais aussi ceux qui finissent dans nos assiettes, dans la restauration collective. Or, la Ville peut choisir ses approvisionnements en fonction du bien-être animal.
Il y a ensuite la question des espèces « prolifiques » (chats errants, goélands, rats, étourneaux, etc.) et la manière de réguler ces populations. Celle des animaux utilisés dans les activités « de loisirs » dont la Ville a la charge ou encore le maintien de la biodiversité. Mais aussi les conséquences de nouvelles constructions qui risquent de détruire des habitats naturels, ou la création de corridors naturels pour permettre aux animaux de se déplacer en toute sécurité.
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Créer une charte de la condition des animaux en ville, nécessaire ou gadget pour bobos amoureux des animaux ?
On voit de plus en plus émerger la question animale dans les programmes de certains partis politiques et dans les villes, comme à Rennes avec un conseiller municipal délégué à l’animal dans la ville. C’est une demande des citoyens et, derrière, se pose la question de la cohabitation entre humains et animaux, avec un partage de l’espace et des ressources.
Or, il y a encore peu de textes qui encadrent la gestion et les relations avec les animaux dans les villes. Cette charte pourrait être un point de départ, qui peut être repris ailleurs. Elle a à la fois pour objectif de sensibiliser mais peut-être aussi d’imposer de nouvelles règles, afin que les animaux soient mieux pris en compte.
Si hérissons et coccinelles font l’unanimité, c’est plus compliqué pour les rats, les pigeons ou les étourneaux. Faut-il accepter de vivre avec eux, malgré les désagréments ?
Il y a un travail à faire au niveau éducatif et culturel pour faire évoluer la perception que l’on a de certaines espèces. Aucun animal n’est « nuisible » en soi. Dans d’autres villes, des réflexions sont en cours pour trouver des solutions de régulation non létales de certaines populations, notamment de rats, et des méthodes de cohabitation spécifiques.
Il devient en tous les cas une nécessité, sur le plan éthique comme écologique, de mieux prendre en compte notre responsabilité vis-à-vis des autres êtres vivants. Pour avoir encore de la biodiversité dans l’avenir mais aussi car le Covid-19 est probablement parti d’une zoonose (maladie animale), et qu’il y a urgence à réviser nos relations aux animaux, basées sur la domination.
Animaux dans la rue, le ciel ou l’assiette : un an de réflexion à Rennes
À Rennes, une charte sera établie avec les citoyens, lors d’ateliers qui se tiendront de juillet 2021 à juin 2022. Ils déboucheront sur la constitution un panel d’actions, consultables avant leur présentation, à l’automne 2022, en conseil municipal.
Premiers ateliers (en visioconférence) sur les espèces prolifiques et leur régulation, mardi 6 juillet, à 18 h, puis sur l’humain et les animaux domestiques, mercredi 7 juillet, à 18 h. Pour s’inscrire, rendez-vous sur le site de la Fabrique citoyenne, onglet « charte de la condition des animaux ».