Enquête mycologique, épisode 14, Exidiopsis effusa

Publié le 19 Juin 2021

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.

 

Qu’il pleuve, vente ou neige, l’enquêteur de la Brigade d’identification aime toujours se promener à travers champs, prairies et forêts à contempler la nature et à appréhender des suspects. C’est en se promenant en lisière de forêt que l’enquêteur n’allait pas tarder à faire une surprenante rencontre.

 

 

Scène du crime

 

Nous sommes le 16 mai 2021, dans la forêt du Lehwald à Sarreinsming. Alors que l’enquêteur se promène nonchalamment, son regard est happé par une croûte grisâtre sur une branche de hêtre au sol. Nul doute qu’il avait affaire à un champignon dit corticié ou en forme de croûte. Ce gang intéresse peu de monde sauf les enquêteurs spécialisés. Et ça tombe bien car notre enquêteur apprécie tout particulièrement ce gang.

Exidiopsis effusa -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Exidiopsis effusa -Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

Vu qu’il pousse sur du bois mort, le suspect est saprophyte, c’est-à-dire qu’il décompose la matière organique morte. C’est donc un décomposeur.

 

Profil du suspect

 

Pour le commun des mortels, toutes ces croûtes se ressemblent et il est quasi impossible de les identifier à l’œil nu. Et pourtant ce sont bien des champignons sauf que classiquement on imagine le champignon avec un pied et un chapeau. Sauf que chez ce gang, l’organe de fructification forme une croûte et pas la structure qui nous est plus familière. Néanmoins l’observation attentive de la croûte peut déjà livrer quelques renseignements. Son odeur mais aussi la structure de sa surface : est-elle lisse, avec des trous, avec des dents, des rides, etc. Ici la surface est lisse, mais ce qui interpelle l’enquêteur est la structure gélatineuse.

Un autre élément est sa dureté. Se détache-t-elle facilement du support ou au contraire est-elle dure et bien fixée ? Cette information renseigne sur ce qu’on appelle le mitisme du champignon, ou dit autrement le nombre d’hyphe différente. Un champignon comme le polypore, très dur et fortement fixé sur le support, sera dimitique ou trimitique, donc avec deux ou trois types d’hyphe différentes. Un champignon cassant sera monomitique, donc avec un seul type d’hyphe.

 

Empreinte des spores

 

Cette information a ici peu d’intérêt. Le suspect est directement ramené à la police scientifique.

 

L’examen par la police scientifique

 

L’examen d’une croûte nécessite au minimum de connaître la forme des spores, si les hyphes sont bouclés et la forme des basides. Une surprise apparaît sous le microscope, celle d’avoir des basides qui sont cloisonnées.

Baside microscopie x1000- Photos Gilles Weiskircher (Anab)- Exidiopsis effusa
Baside microscopie x1000- Photos Gilles Weiskircher (Anab)- Exidiopsis effusa

Baside microscopie x1000- Photos Gilles Weiskircher (Anab)- Exidiopsis effusa

Soupçonnant d’abord une contamination, l’importance de ces basides cloisonnées ne laissait aucun doute. L’enquêteur pense tout de suite à un membre d’un groupe très particulier, anciennement nommé les phragmobasidiomycètes. Ce groupe est caractérisé par la présence d'une baside qui se cloisonne avant de former les spores. Parmi les membres de ce groupe on trouve les tremelles par exemple. Cette observation va permettre la détermination. Notre suspect est Exidiopsis effusa Brefeld (1888). Ce champignon, d’apparence anodine, est à l’origine d’une magnifique observation qu’on peut réaliser en hiver, les cheveux de glace.

La chevelure de glace (ou cheveux d’ange) est un phénomène naturel, rare, que l’on peut observer en hiver, par gel modéré, dans les sites ombragés et tôt le matin, sur le bois mort de hêtre. Si l’eau contenue dans le bois mort tombé au sol n’est pas gelée complètement, la poussée de cette humidité à travers les fibres du bois se fige au contact de l’air ambiant plus froid. Alors peuvent se former mais de façon très éphémère des cristaux de glace d’une grande finesse. Mais cette curiosité ne peut apparaître que s’il y a du mycélium du champignon Exidiopsis effusa dans ces bois en décomposition. Ce phénomène vous a déjà été présenté sur le blog : http://naturealsacebossue.over-blog.com/2020/01/les-cheveux-de-glace.html

 

 

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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R
Merci Bernard de ta lecture attentive. Le bug ne vient pas de Gilles mais de la gestion des articles et des photos que j'en ai faite. Désolé de cette erreur et encore merci.<br /> <br /> Roland
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B
Hello Gilles, dommage d'avoir levé la garde à vue aussi vite, on dirait que les 3 suspects sont des faussaires : ils ont refourgué le portrait de quelqu'un d'autre à la BIC ! L'enquêteur ne va surement pas se laisser faire et il retrouvera vite celui du gang des Mycenes. Bravo à lui. Amitiés, Bernard.
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G
Bonjour Bernard <br /> Merci de ta vigilance.Il y a effectivement un vice de procédure, autrement dit un bug.<br /> On va tâcher de corriger ça.<br /> Salutations