Le moustique tigre nous colle à la peau
Publié le 15 Juin 2021
Article original paru sur adnaturam le 19/7/2019
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Le moustique tigre (Aedes albopictus), originaire des forêts tempérées et tropicales d’Asie, n’a jamais été très exigeant. Les femelles pompent le sang des mammifères, oiseaux ou même reptiles pour nourrir leurs œufs. Elles pondent ensuite dans de très petits trous d’eau stagnante : dans des fleurs, des tiges de bambou ou sur des feuilles. L’histoire de ce petit moustique aurait pu s’arrêter là mais c’était sans compter sur la présence des humains.

Le moustique tigre a toujours été très proche des populations humaines. Il montre même une nette préférence pour le sang des mammifères par rapport à celui des autres animaux, qu’il s’agisse des humains ou des chiens et chats vivant avec nous. Les humains se faisant de plus en plus nombreux et les villes de plus en plus denses, les populations de moustiques ont aussi grandi.
Il faut dire que ces moustiques adorent les villes. C’est pour eux une source inépuisable de nourriture, d’abris et de sites de ponte parfaits pour le développement de leurs larves. La profusion des sources de chaleur leur permet de se reproduire toute l’année, de se développer plus vite et de passer l’hiver sans encombres.

Sa sensibilité au froid l’a longtemps maintenu à l’écart des zones tempérées. Bien que quelques œufs puissent survivre à une nuit à -10°C, ils ne résistent pas à des températures négatives sur le long terme. Mais depuis quelques années, le réchauffement climatique diminue le nombre de jours froids en hiver et permet au moustique tigre de s’installer et se reproduire de plus en plus loin des tropiques. De plus, le transport et le commerce international déplacent des millions de moustiques chaque jour à travers le monde.

Le fait que le moustique tigre envahit l’Europe n’est pas une surprise, durant des années nous lui avons préparé le terrain ! La destruction des habitats naturels au profit de l’urbanisation et de l’agriculture intensive ont pour effet de réduire de manière catastrophique les populations d’amphibiens, d’arthropodes, de chauve-souris ou encore d’oiseaux insectivores. Conséquence directe de la disparition de ses prédateurs : les moustiques prolifèrent.
N’oublions pas que le moustique tigre se développe en grande majorité en ville. Comme les surfaces urbanisées sont toujours en expansion, cela lui fournit une niche écologique de plus en plus grande et pour laquelle il n’a presque pas de compétiteurs. Des chercheurs ont observé que les populations urbaines sont plus fécondes, ont une meilleure survie et une meilleure longévité que les populations rurales !

La cerise sur le gâteau : l’utilisation massive de pesticides favorise l’émergence et la sélection d’individus résistants. En moins de 10 ans, plusieurs populations de moustiques tigre ont développé des gènes de résistances les rendant insensibles à de nombreuses substances insecticides. Par exemple, en Grèce une population résistante au temephos (interdit depuis 2007) a été identifiée en 2016, ce qui pourrait indiquer que les résistances sont ancrées génétiquement et se transmettent sur de nombreuses générations.
Se retrouver envahi de moustiques vecteurs de maladies mortelles résistants à tous les insecticides connus est une perspective assez peu encourageante. Pourtant il existe des méthodes de régulation simples qui ont prouvé leur efficacité scientifiquement : tout simplement préserver les prédateurs naturels du moustique tigre.
La seule présence de prédateurs dans un point d’eau diminue le nombre d’œufs pondus par les moustiques ! Les œufs et larves sont mangés par de nombreux animaux et, dans un écosystème équilibré, peu parviennent à l’âge adulte. Ainsi une mare riche en biodiversité donnera naissance à moins de moustiques qu’une retenue d’eau dans un pneu, un pot de fleur ou une gouttière par exemple.

Il est possible d’adapter les milieux urbains en supprimant tout pesticide et en favorisant les populations de chauve-souris et d’oiseaux insectivores via l’installation de nichoirs. Mais aussi en laissant des zones de friches et des mares accueillant amphibiens et libellules. L’introduction de copépodes, petits crustacés d’eau douce, prédateurs des œufs et larves de moustiques dans des points d’eau stagnants a été testée pour la première fois en 1990. Résultat : toutes les larves sont mortes en deux mois et aucun moustique adulte n’est revenu l’année suivante !

Pour contrôler la prolifération du moustique tigre, la solution la plus efficace et durable est donc de favoriser la biodiversité afin de préserver les interactions de prédation nécessaires à l’équilibre des écosystèmes. Pour se faire, il est donc urgent de limiter l’urbanisation et l’intensification de l’agriculture qui favorisent le développement des moustiques tout en détruisant leurs prédateurs et les espaces naturels où ils vivent.
■ Hugo Le Chevalier