Quel est le secret du cœlacanthe, ce poisson fossile des abysses, capable de vivre centenaire ?
Publié le 13 Juillet 2021
Par Olivier DUPLESSIX
Une nouvelle étude menée par trois chercheurs de l’Ifremer permet d’en savoir un peu plus sur le cœlacanthe. Ce poisson qualifié de « fossile vivant » aurait une longévité d’une centaine d’années, avec une période de gestation de cinq ans et une reproduction vers l’âge de 55 ans.
C’est un poisson mythique, vestige d’une époque très ancienne : le cœlacanthe, photographié pour la première fois en 2010 par le plongeur français Laurent Ballesta (photo ci-dessus), est l’un des derniers survivants d’une lignée qui a connu son apogée il y a 240 millions d’années, au temps des dinosaures…
Considéré comme un « fossile vivant », il peut mesurer jusqu’à 2 m de long pour un poids de 110 kg, et sa population serait potentiellement de quelques milliers d’individus évoluant notamment dans les eaux du détroit du Mozambique en particulier des Comores. Il est classé parmi les espèces en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Un centenaire des océans
Des chercheurs français de l���Ifremer (l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) se sont penchés sur ce poisson rare et mystérieux, vivant dans les profondeurs. Ils sont parvenus à démontrer que le cœlacanthe fait partie des espèces présentant une longévité remarquable : « C’est un centenaire des océans, comme les requins. » Ce qui le rend aussi très vulnérable, expliquent-ils.
Les cœlacanthes, dont l’existence avait été confirmée en 1938 lors d’une pêche au large des côtes sud-africaines, sont présents dans l’océan Indien, au sud-est de l’Afrique, et au large de l’Indonésie. « Le cœlacanthe ne vit pas 22 ans, comme il était auparavant supposé, mais plutôt un siècle avec une période de gestation de cinq ans et une reproduction vers 55 ans. L’espèce est donc plus en danger qu’on ne le croyait car, face aux menaces anthropiques, peu d’individus peuvent atteindre l’âge de se reproduire. »
27 individus conservés
La plus importante collection de cœlacanthes se trouve en France, avec 27 individus conservés au Muséum national d’histoire naturelle. Les analyses ont porté sur leurs écailles pour déterminer leur âge : comme pour les cernes de croissance des arbres, chaque année passée laisse une strie visible au microscope.
« À la différence de la seule étude précédente datant de 1977, nous avons utilisé un microscope dit polarisé, qui par un jeu de lumière et de miroirs permet une observation plus fine, explique Kelig Mahé, principale autrice de l’étude. Et nous avons découvert cinq à six petites stries supplémentaires entre celles déjà identifiées par le passé. »
L’étude de jeunes individus, provenant du ventre de deux femelles gestantes, a permis aux chercheurs d’apporter de nouvelles conclusions sur le rythme de reproduction de l’espèce. « Tous les indices sont concordants, se réjouissent les trois auteurs de l’étude, Kelig Mahé, Marc Herbon et Bruno Ernande. Comme on pouvait le suspecter, il s’agit bien d’une espèce à croissance lente et à reproduction tardive, une des espèces au développement le plus lent chez les animaux marins. »
Les prochaines recherches chercheront à évaluer l’impact de la température de l’eau sur le cycle de vie de l’espèce. « Les résultats nous donneront une idée des effets du réchauffement climatique sur ces espèces vulnérables. »