Enquête mycologique, épisode 18, Lactarius zonarius

Publié le 7 Août 2021

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.

 

Le mois de juillet est décidément pluvieux, ce qui ne peut que ravir les gangs fongiques qui en profitent pour sortir du bois. C’est aussi l’occasion pour l’enquêteur de la Brigade d’identification des champignons (BIC) de faire des rondes de contrôle en forêt. Et très rapidement l’enquêteur tombe sur un spécimen.

 

 

Scène du crime

 

Nous sommes le 24 juillet 2021, dans la forêt du Lehwald, à Sarreinsming. Implanté sur les coteaux calcaires du Muschelkalk, avec également un riche patrimoine gallo-romain dont un pont du II-IIIème siècle (chose très rare dans la région) qui surplombe le Tiefgraben, un affluent du Lach, et à proximité les pelouses sèches du Rosselberg, site protégé. On a donc une forêt calcaire et ce point est important dans l’identification de notre champignon. Les arbres en présence sont des charmes, hêtres, ormes et quelques aubépines et jeunes frênes

Le pont gallo-romain du Lehwald (Sarreinsiming 57) - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

Le pont gallo-romain du Lehwald (Sarreinsiming 57) - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

Le champignon pousse au sol et la base de son pied n’agglomère pas de déchets organiques. On est donc vraisemblablement en présence d’un champignon mycorhizien, dont le mycélium réalise une association avec les racines des arbres

 

Profil du suspect

 

Lactarius zonarius - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

Lactarius zonarius - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

La morphologie du champignon est classique : pied et chapeau avec des lames en dessous. Ces dernières sont adnées. Pas d’ornements sur le pied, le chapeau et la base du pied. Ce qui frappe de prime abord est le chapeau zoné par des cercles concentriques et le pied qui comporte des fossettes. Le pied se casse net comme une craie. Seuls les russules et les lactaires possèdent cette caractéristique. Mais en plus, et ce détail est essentiel, du lait s’écoule au niveau des cassures. L’enquêteur, sans hésitation, sait qu’il a affaire à un membre du gang des lactaires. Et avec ce gang, il est indispensable d’observer les points suivants :

- l’odeur : elle est ici chimique, synthétique

- la couleur du lait et sa couleur après séchage : elle est ici crème et le reste même après séchage

- la saveur du lait et de la chair : elle est ici très piquante

- la viscosité du chapeau : elle est ici légère

- le bord du chapeau : il n’est pas barbu

- la zonation du chapeau : elle est présente

- la présence de fossettes sur le pied, ce qu’on appelle dans le jargon des enquêteurs les scrobicules : elles sont présentes

 

L

La couleur de sporée

 

Elle n’apporte ici aucune information.

 

Avec tous ces éléments, l’enquêteur sait que le champignon appréhendé est le lactaire zoné (Lactarius zonarius). Néanmoins, la police scientifique va être sollicitée, car ce champignon possède une belle particularité microscopique.

 

L’examen par la police scientifique

 

Le réactif utilisé est le Meltzer, pour tester une réaction chimique entre l’iode du réactif et un sucre qui peut être présent dans un champignon. Cette caractéristique se traduit par une coloration bleue au microscope.

 

Les spores sont verruqueuses, les verrues étant reliées ça et là par une chaîne, formant un réseau.

 

Spores de Lactarius zonarius, avec le réseau. Microscopie x1000, réactif de Melzer  - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

Spores de Lactarius zonarius, avec le réseau. Microscopie x1000, réactif de Melzer - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

Également les spores possèdent une zone qui ne réagit pas avec le colorant, donc non amyloide, se traduisant par une couleur plus claire. C’est ce qu’on appelle la plage supra-apiculaire. Ce nom indique qu’elle se situe au-dessus de l’apicule de la spore, l’apicule désignant le point d’attache de la spore à la baside lors de sa formation.

actarius zonarius,- plage supra-apiculaire, partie gauche de la spore. Microscopie x1000, réactif de Melzer - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

actarius zonarius,- plage supra-apiculaire, partie gauche de la spore. Microscopie x1000, réactif de Melzer - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)

La conclusion de l’enquêteur

 

Avec près de 150 espèces en Europe, les lactaires sont un groupe assez facile à appréhender pour l’amateur. Malgré leur diversité, ils peuvent être quasiment tous identifiés à l’œil nu.

 

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article