Enquête mycologique, épisode 21, Hydnum repandum s.l
Publié le 28 Août 2021
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
À la faveur des orages d’août, les gangs fongiques sont de sortie. L’enquêteur également se promène en forêt, toujours prêt à les débusquer.
Scène du crime
Nous sommes le 19 août 2021, dans la forêt de feuillus de Diemeringen. Le sous-bois sent le champignon, le sol est bien humide, pour le plus grand plaisir des limaces. Le peuplement forestier est à dominante hêtre, avec quelques chênes. C’est une troupe au sol qui attend notre enquêteur.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol et on est ici en présence d’un champignon mycorhizien, dont le mycélium réalise une association avec les racines des arbres.
Profil du suspect
La morphologie du champignon est classique, avec un pied et un chapeau. Le champignon est trapu, avec de belles tonalités ocres à oranges sur le chapeau. C’est en regardant sous le chapeau (un réflexe indispensable pour tout enquêteur) qu’on aperçoit la présence de picots, appelés aussi aiguillons. On est habitué à voir des lames (comme chez les agarics et d’autres), ou des tubes (comme chez les bolets) ou des plis (comme chez les giroles) mais certaines espèces ont également des picots. L’enquêteur part tout de suite sur un pied de mouton, connu pour ses picots mais néanmoins il faut rappeler deux règles de prudence. D’abord, il n’y a pas que les pieds de mouton qui ont des picots. Il y a d’autres genres comme les Sarcodon, etc.
D’autre part, sous son apparente simplicité, le pied de mouton cache un genre complexe, que la phylogénie moléculaire a commencé à bouleverser et ce n’est pas encore terminé. Mais l’enquêteur va essayer de nous faire voir plus clair sur ce qui semblait être une simplicité. Rassurons le gastronome en culotte courte, une confusion sur une espèce de ce groupe ne prêtera pas à conséquence, si ce n’est que certaines espèces sont plus amères que d’autres.
Il faut déjà observer le diamètre du pied et si les picots sont adnés ou décurrents, c’est-à-dire descendent sur le pied. Et malheureusement, pour la suite, seule la microscopie peut permettre de confirmer l’espèce.
Les picots sont décurrents ici.
L’examen par la police scientifique
L’observation importante à effectuer est la valeur du coefficient Q des spores. Ce coefficient est le rapport entre la longueur et la largeur et permet d’estimer si une spore est globuleuse, ovoïde, cylindrique.
Spores, microscopie x1000. Q moyen =1,20 (mesuré sur 30 spores)- Pied de mouton (Hydnum repandum) - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
La conclusion de l’enquêteur
Ce qu’on imagine être un champignon d’identification facile cache en fait plusieurs espèces dont la différence n’est pas visible à l’œil. Heureusement, pour l’amateur cela n’a pas de conséquence et continuer à l’appeler trivialement Pied de mouton n’est pas une erreur. La phylogénie moléculaire réserve ainsi des surprises, qui ne sont pas prêtes de s’arrêter. L’enquêteur dira que plus on en apprend sur les champignons, moins finalement on en sait. Cela incite à l’humilité quand il s’agit de déterminer une espèce. Il n’y a rien de plus dangereux que les certitudes et l’absence de remise en question.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Bibliographie :
- Tuula Niskanen and al. Identifying and naming the currently known diversity of the genus Hydnum, with an emphasis on Eupopean and North American taxa. Mycologia, 2018
- Ibai Olariaga and al. Two new species of Hydnum with ovoid basidiospores : H. ovoideisporum and H. vesterholtii