Succise des prés, Mors du diable
Publié le 17 Octobre 2021
Voici une plante que j’ai grand plaisir à retrouver à l’automne quand elle couvre de beaux espaces et forme, trop rarement, une vraie petite mer bleue dans nos régions continentales. C’est un vrai régal d’observer tout le petit monde entomologique qui vient se nourrir sur cette plante tardive et généreuse.
Roland
Nom scientifique : Succisa pratensis Moench, 1794
Origine du nom: vient du latin « succidere », « couper par le pied » car la souche de la racine est coupée sous le collet et de « pratensis », le pré.
Le nom commun « mors du diable », morsure du diable, vient de cette particularité et se retrouve dans de nombreuses autres langues (italien, anglais, allemand, …)
Autres noms communs : Herbe du diable, Herbe de saint Joseph, Tête de loup
Nom commun allemand : Teufelsabbiss, Abbisskraut,
Nom commun anglais : devil's-bit
Date de l’observation: 15 octobre à Voellerdingen
Famille de plantes : les Caprifoliacées, celle des Chèvrefeuilles, des scabieuses, des knauties. Cette famille a été recomposée (c‘est courant par les temps qui courent, même chez les plantes) avec la famille des Dipsacacées, (scabieuses, cardères) après des études génétiques et phylogénétiques. La filiation actuelle se base sur la présence de gènes liés aux organes typiques des végétaux, producteurs d’énergie et d’oxygène, les chloroplastes.
Les fleurs de ces plantes sont de symétrie 5 (ou quelquefois 4) : 5 sépales, 5 pétales, 5 étamines sur la corolle et 3 carpelles soudés en un ovaire de type infère. Les feuilles sont opposées.
Catégorie: plante vivace.
Hauteur: 20 à 100 cm
Tiges et racines: la tige est dressée et rameuse. Elle porte de nombreux capitules ronds. Le rhizome organe de stockage des réserves laisse une extrémité horizontale qui semble avoir été mordue (morsure du diable…)
Feuilles: celles de la base sont en rosette, entières ou dentées, lancéolées à elliptiques et pétiolées. Elles atteignent de 10 à 25 cm de long pour 3 à 5 cm de large. Celles de la tige, caulinaires sont opposées, semblables mais plus petites et sans pétiole (subsessiles).
Pollinisateurs: Syrphe balte-Episyrphus balteatus et une rhyngie-Rhyngia (1), l'Eristale gluant- Eristalis tenax(2) sur Succise des prés, Mors du diable (Succisa pratensis)- détermination Martine Devondel et Damier de la succise Euphydryas aurinia (3) sur Anacamptis morio
Floraison: de juin à octobre
Fleurs: fleurs réunies en capitules sphériques violet, rose à bleu mais rarement blanc (sauf pour les quiz…). Ils sont composés de 50 à 80 fleurs en tube, à 4 pétales soudés en lobes égaux. Chaque fleur après la floraison apparait avec 4-6 lobes durcis et est entourée d’un calice velu à 5 pointes. Pour mieux comprendre voir la photo de l'article avec ce détail. Les capitules mesurent de 2 à 4 cm de diamètre. Les fleurs de la périphérie ne sont pas plus grandes ou rayonnantes contrairement à celles des scabieuses et knauties.
Particularité : la succise porte 2 sortes de capitules : des capitules formés uniquement de fleurs femelles tandis que d’autres capitules portent des fleurs hermaphrodites dont les étamines murissent en premier.
Point de reconnaissance : les étamines aux anthères pourpres émergent de ces petites boules bleues
Pollinisation : par les insectes : nombreux diptères, hyménoptères et papillons.
Fruits : les fruits sont de petits akènes de 4 mm, velus, couronnés par des lobes durcis. Ils sont entourés par une gaine pentagonale finement velue. Cette jolie couverture porte 5 pointes. Elle est vert clair à maturité puis brunit à la dessication. Quand les fruits sont mûrs et secs, ils sont disséminés par les animaux, ceux à fourrure ou les fourmis, et le vent.
Confusion : fréquente avec les knauties et les scabieuses.
Les formes des feuilles et des capitules sont propres à cette espèce. Les scabieuses ont des fleurs à 5 lobes.
Habitat: plante typique de milieux humides comme des prairies, landes, forêts jusqu’en altitude vers 2400m.
Plante présente toutefois sur des terrains chauds et calcaires.
Intérêt écologique :
La Succise est une plante riche en nectar qui attire de nombreux syrphes
Cette plante qui fleurit en fin de saison et devient alors un magnifique restaurant à insectes.
C’est l’une des plantes hôtes du papillon emblématique qu’est le Damier de l succise, Euphydryas aurinia, dont les chenilles se nourrissent des feuilles. C’est aussi la plante hôte de nombreux autres insectes rares comme le Sphinx bourdon, Hemaris tituys, l’Azuré des mouillères Phengaris alcon
Utilisation médicinale:
Par tradition la décoction de racine de la Succise aurait des vertus dermatologiques contre les gales, les dartres et les aphtes. Elle aurait aussi des vertus contre les bronchites, les pneumonies, la grippe et l’asthme.
Wikiphyto ne mentionne pas la Succise comme plante médicinale. Tout reste donc à prouver.
Consulter un médecin compétent avant tout usage.
Protection :
Plante en forte régression en raison des importantes destructions et drainages des zones humides et qui mériterait une protection plus importante en raison de son importance écologique. Plante indicatrice Znieff en Lorraine. Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ont pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation.
Légende :
Les scabieuses voisines de cette succise étaient réputées pour avoir guérie de la gale (ou « scabies » à l’époque) et la peste. Le diable furieux de ne point voir arriver assez de « clients » en raison des effets bénéfiques de cette plante a voulu la priver de ses vertus médicinales. Il a mordu sa racine !
Texte et photos Roland Gissinger (Anab) - relecture Bernard Weinzaepflen (Anab)
Sources bibliographiques voir index biodiversité