Enquête mycologique, épisode 33, Melanoleuca albifolia
Publié le 11 Décembre 2021
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 31 octobre 2021, dans une prairie permanente sablonneuse de ripisylve à Zetting. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons allait faire une rencontre que les mycologues en principe redoutent
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, avec énormément de débris organique à la base du pied. Nul doute qu’il s’agit d’un champignon saprotrophe.
Profil du suspect
De morphologie classique pied chapeau, c’est un champignon à lames, de taille moyenne. Les lames sont blanches et non libres, échancrées. Pas d’ornement ou de voile ni sur le pied, ni à sa base, ni sur le chapeau. C’est un champignon de couleur brun noire, mamelonnée. Avec cette morphologie, l’enquêteur soupçonne déjà fortement un membre du genre Melanoleuca, genre très difficile. La microscopie va être indispensable, au moins pour confirmer le genre et espérer proposer une identification.
Un mot sur le genre Melanoleuca
Ce genre regroupe des champignons de type tricholome, généralement grêle, possédant des spores amyloïdes et verruqueuses, des cystides généralement fusiformes et recouvertes à l’extrémité de cristaux d’oxalate de calcium.
Couleur de sporée
La sporée est blanche, typique de ce genre
L’examen par la police scientifique
L’examen des spores dans le réactif de Melzer montre qu’elles sont amyloïdes (de couleur noire) et verruqueuses. On observe également la présence d’une zone qui ne réagit pas au réactif et n’est pas verruqueuse. On parle alors de plage supra apiculaire lisse.
On voit également la présence de cystides fusiformes, cloisonnées, recouvertes à l’extrémité de cristaux.
Avec ces éléments, l’intuition d’un Melanoleuca est confirmé.
Les photos 8 et 9 montrent les basides, tetrasporiques
Avec la monographie de Metrod (bulletin de la société mycologique de France, tome LXIV, fascicules 3-4, 1948, flore mycologique d’Europe de Marcel Bon sur les tricholomataceae), le candidat retenu est Melanoleuca albifolia.
La conclusion de l’enquêteur
Le genre Melanoleuca, disons-le d’emblée, est un genre difficile à reconnaître à l’œil sans expérience (silhouette grêle, lames blanches et mamelon doivent orienter vers ce genre), et quasiment impossible à déterminer l’espèce sans un examen minutieux au microscope. C’est un genre difficile, très peu connu des amateurs. Les clés d’identification datent et un toilettage s’avère nécessaire dans ce groupe. Ils restent malgré tout de majestueux champignons qu’on peut observer en fin de saison dans les prés, souvent à proximité d’arbres.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)