La Gentiane jaune, Grande gentiane
Publié le 19 Décembre 2021
Voici une grande plante que vous avez vue en montagne pousser au milieu des pâtures et peut être avez-vous goûté l’apéritif qui est produit à partir de ses racines ?
Roland
Nom scientifique : Gentiana lutea L., 1753
Origine du nom : du nom grec du roi d’Illyrie «Gentius » ou « Genthios » , qui régna dans la région de l’Albanie actuelle et qui aurait découvert les propriétés de cette plante et de « lutea », qui signifie « jaune ».
Autres noms communs : bananier des Alpes, lève-toi-et-marche, fée jaune, ginseng auvergnat, jansonna, jouvansanne, gratte-ciel végétal, quinquina d’Europe, quinquina des pauvres, quinquina indigène, reine des amères.
Nom en dialecte et allemand : Gelber Enzian
,
Nom anglais : great yellow gentian.
Date de l’observation: 16 juin à Oderen (68)
Famille de plantes : celle des gentianes ou Gentianaceae comme la Gentiane jaune des montagnes, la Gentiane bleue ; du printemps ou de Bavière souvent présentes dans les Alpes, la rare Gentiane ciliée que l’on trouve chez nous et d’autres plantes, comme des lianes et arbustes., soit environ 1650 espèces dans le Monde, réparties en 82 genres. Elles ont en général une symétrie 5 ou quelquefois 4 avec des pétales soudés. Elles se distinguent surtout par la soudure des parois de leurs ovaires ; on parle de placentation pariétale.
Description générale : Cette plante vigoureuse s’enracine avec un rhizome épais possède une tige dressée, fistuleuse (creuse) et non rameuse. Les racines à fort arôme de 3 à 5 cm de diamètre peuvent descendre à 1 m de profondeur. Elles produisent de nouvelles rosettes de feuilles à proximité de la plante mère. La plante fleurit après une dizaine d ‘années et peut vivre 50 ans et plus.
Hauteur: de 50 à 200 cm
Feuillage: grandes feuilles opposées, sessiles et embrassantes dans le haut, pétiolées en bas, à 5-7 nervures très marquées.
Floraison: juin à août
Fleurs : elles sont regroupées en verticilles (anneau semblant issu d’un point de la tige), jaunes, nombreuses à l’aisselle des feuilles du haut de la plante.
Ces fleurs sont pédicellées et regroupées par 3 à 12. Leur symétrie est axiale d’ordre 5. Elles ont 5 sépales membraneux jaune pâle et 5 pétales jaune doré soudés à leur base. Les étamines sont aussi longues que la corolle et le pistil est bifide.
Pollinisation : elle est surtout assurée par les bourdons, guêpes et mouches attirés par la production de nectar facile à atteindre car secrété sur des disques. Cette plante peut aussi s’autopolliniser
Confusion : il existe une plante d’aspect voisin aux fleurs blanches et feuilles alternes, le Vérâtre blanc, Veratrum album.
Il pousse dans les mêmes biotopes mais est très toxique ! Il existe aussi des variétés de cette gentiane dont une ponctuée de rouge (voir photo) et d’autres assez proches mais avec des fleurs en cloche (Gentiane pontuée, Gentiana punctata)
Habitat: préfère les sols calcaires mais pousse aussi dans les sols acides de montagne, prairies et chaumes des Vosges, du Massif Central et des Alpes de 800 à 2500 m d’altitude..
Fruit : capsules rondes se terminant par une pointe de 6 cm de long contenant une centaine de graines. Les graines ailées de 3 à 4 mm de long sur 2 mm de large sont emportées par le vent. Leur pouvoir de germination étant très faible, les 10 000 graines produites par un plant ne seront pas de trop pour assurer la pérennité de l’espèce.
Usage en boisson : les feuilles et la racine sont utilisées. La racine de cette Gentiane jaune qui peut atteindre 1 m de longueur est récoltée quand cela est autorisé. Les « gentianaires » ou « gencanaïres » récoltent ainsi de 1 à 5 kg par plant avec un outil, très grand, assez monstrueux, de plus de2.5 m. Je les ai vus grimper à 2 sur cette fourche et se démener comme des beaux diables pour essayer de déterrer les racines. Tout cela explique peut être le nom de cet outil, « fourche du diable ». En principe ils en laissent un morceau pour qu’elle puisse refaire une plante.
En ces jours de protection impérieuse de la biodiversité il parait que la récolte se fait à la mini-pelleteuse. La technologie c’est le progrès ?
la Gentiane jaune est cultivée depuis peu, par exemple en Normandie où elle peut atteindre un rendement de 25 tonnes par hectare après 10 ans de croissance.
La racine contient des substances très amères : l’amarogentine et la gentyiopicrine qui sont des sucres complexes associées à des terpènes. Ces composants et extraits de gentiane sont utilisés dans de nombreux breuvages, sirops, bières, apéritifs, tisanes, ainsi que dans des alcools régionaux, non seulement en France, mais aussi dans de nombreux pays d’Europe et en Amérique. (Suze, alcool de Gentiane etc.)
Usage alimentaire ; des extraits séchés de gentiane sont utilisés parfois par de grands chef cuisiniers pour relever certains plats comme des viandes. Des racines confites sont servies avec le plat principal ou mélangées en petites quantités dans des gâteaux.
Au total l’industrie utilise 1000 à 1500 tonnes de plantes pour l’aromatisation de boissons, arômes dans les cosmétiques, fabrication de médicaments et aliments. Un litre d’alcool de gentiane nécessite 15 kg de racines pour sa fabrication. C’est l’une des trois plantes « sauvages » les plus importantes en tonnage.
Agriculture : pas d’intérêt. Les animaux refusent de la brouter en raison de son amertume. Elle peut proliférer sur certains terrains favorables en l’absence de récolte.
Chimie : le violet de gentiane obtenu avec des extraits de cette plante est un colorant bien connu des microbiologistes pour faire une coloration dite de Gram
Composition :
En plus des substances amères cette Gentiane jaune contient des caroténoïde comme des xanthanes, qui sont jaunes.
La liste des composants de la gentiane donnée par wikiphyto est impressionnante et comprend beaucoup de noms barbares. On se croit dans une usine pétrochimique. Jugez plutôt :
Sécoiridoïdes : principes amers à fonction lactone : gentiopicroside (gentiopicrine) majoritaire (1 - 3 %), swertiamaroside (swertiamarine), amarogentioside (amarogentine) à l'indice d’amertume le plus élevé, amaroswerine, swertiamarine, sweroside
Iridoïdes : acide loganique
Xanthones : gentisine, isogentisine, gentioside, mangiférine
Phytostérols, acides phénols
Oligosaccharides (gentiobiose, gentianose, sucres originaux contribuant à l'amertume), pectines
Alcaloïdes pyridiniques : gentianine
Médecine : plante utilisée dès l’antiquité pour lutter contre les maladies de l’estomac et pour stimuler l’appétit. Elle entrait dans les prescriptions d’Hippocrate contre la fièvre.
Vous imaginez qu’avez cette liste de composants longue comme le bras cette plante possède des effets sur notre organisme.
Propriétés de la plante (Copie de wikiphyto )
Eupeptique, anti-gastralgique : agit dès l’ingestion, la gentiane stimule les sécrétions et la motilité de l’estomac,
mais à dose élevée, elle peut provoquer des vomissements, anti-Helicobacter pylori in vitro
Antipyrétique, Antidépresseur
Analgésique (gentiopicroside
Tonique, améliore les tests d'endurance chez la souris
Vulnéraire, anti-inflammatoire , action fibroblastique]
L'amarogentine et l'amaroswerine sont des substances parmi les plus amères que l'on connaisse, car leur indice d'amertume est voisin de 58 000 000
(l'indice d'amertume est l'inverse de la plus grande dilution pour laquelle l'amertume est encore décelable ; à titre de comparaison, pour la quinine sous forme de chlorhydrate, l'indice est de 200 000)
Indications de la plante entière (phytothérapie)
Indigestions- Troubles digestifs- Dépression nerveuse
Comme toujours, et avant toute utilisation, il faut consulter un médecin pour être averti des éventuels effets indésirables ainsi que des interactions possibles avec les médicaments classiques.
Protection : plante assez commune mais protégée de la cueillette sauvage dans de nombreux départements comme la Loire, l’Isère, Les Alpes, le Jura, la Corse, la Drôme.
Texte, bibliographie, photos Roland Gissinger et Bernard Weinzaepflen (Anab)
Sources bibliographiques voir index biodiversité