Barrage de Caussade : les commanditaires condamnés en appel
Publié le 17 Janvier 2022
Barrage de Caussade : les commanditaires condamnés en appel Le barrage de Caussade forme une retenue d’eau de 20 ha soit 28 terrains de football.
paru sur Libération le 13/1/2022
Définitivement condamnés, ils assument toujours leur décision et s’en sortent sans peine de prison ferme. Serge Bousquet-Cassagne et Patrick Franken, président et vice-président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, ont chacun écopé de dix mois de prison assortis d’un sursis probatoire de dix-huit mois pour la construction illégale d’un barrage dans leur département. Le «lac» de Caussade ainsi créé (de plus de 900 000 m³ sur environ 20 hectares) était destiné à l’irrigation des vergers et des cultures d’une vingtaine exploitations.
Les amendes n’ont, elles, pas été allégées : les deux hommes doivent s’acquitter de 7 000 euros. Pour la chambre d’agriculture, le montant s’élève à 40 000 euros, dont 20 000 avec sursis. Les trois associations constituées partie civile, dont France nature environnement, obtiennent aussi un dédommagement allant jusqu’à 25 000 euros. Rendu par la cour d’appel d’Agen, ce nouveau jugement vient clore la saga judiciaire très suivie par les agriculteurs et les défenseurs de l’environnement. L’association France nature environnement est une des trois associations constituées partie civile dans cette affaire et a également saisi la Commission européenne.
Une réponse à l’arrêt du barrage de Sivens
Fin octobre, neuf et huit mois de prison ferme avaient été respectivement requis contre Serge Bousquet-Cassagne et Patrick Franken. Des peines similaires à celles prononcées le 10 juillet 2020 par le tribunal correctionnel d’Agen. Mais les deux dirigeants de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, également piliers du syndicat d’agriculteurs de la Coordination rurale (CR), avaient fait appel.
L’édification de la digue barrant le Tolzac, un modeste affluent de la Garonne, ulcère les défenseurs de l’environnement. Pour la Coordination rurale, organisation réputée poujadiste, cet acte assumé se veut une réponse insurrectionnelle au coup d’arrêt du projet de barrage de Sivens imposé par Ségolène Royal.
Situé au nord de Villeneuve-sur-Lot, dans la commune de Pinel-Hauterive, le lac de Caussade a été finalisé en 2019 par la chambre d’agriculture, gérée par la Confédération rurale 47, pour quelques dizaines d’agriculteurs désireux d’irriguer leurs exploitations en saison sèche. Pourtant, l’arrêté préfectoral d’autorisation des travaux avait été annulé l’année précédente, après intervention des ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture. «Nous nous sommes sentis humiliés, vexés. Nous avons alors décidé de faire ce lac malgré tout», a assumé Serge Bousquet-Cassagne lors de son procès.
«Infractions environnementales»
Dans cette affaire, les autorités ont enchaîné les pirouettes. Au printemps 2019, l’Etat exigeait le rebouchage de l’ouvrage. Il n’a finalement pas pris d’arrêté d’interdiction d’accès au barrage, qui profite actuellement aux agriculteurs. Et ce alors que, début 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait confirmé que la retenue d’eau était illégale, «eu égard aux effets néfastes du projet sur la gestion des eaux et à l’absence d’amélioration, voire la dégradation de la qualité de l’eau». Selon la préfecture du Lot-et-Garonne, un rapport a aussi conclu que le barrage présentait un «risque de rupture avéré». Les associations de défense de l’environnement souhaitaient la remise en état du site, ce qui n’a pas été ordonné par la justice.
L’avocat des condamnés, Me Dejean, s’est félicité du nouveau jugement, «une décision pertinente qui redonne de la dignité à chacun». La réaction est «en demi teinte» du côté des associations partie civile. Leur avocate Alice Terrasse salue le maintien d’une condamnation mais regrette son manque de sévérité. «A mon sens, la cour d’appel n’a pas pris la mesure de la gravité des actes qui ont été commis. Ce sont des infractions environnementales. Or l’atteinte au milieu aquatique et à la biodiversité n’est jamais reconnue. Il ne faut pas non plus oublier que la Chambre d’agriculture, propriétaire des terrains, a utilisé 1,5 million d’euros d’argent public pour faire cet ouvrage illégal», commente-t-elle.
Voici le communique de FNE
Barrage illégal de Caussade : la Chambre d'agriculture condamnée |
La décision est tombée ce jeudi 13 janvier en début d’après-midi, les protagonistes responsables de la construction du barrage illégal du lac de Caussade, dans le Lot-et-Garonne ont été condamnés par la cour d’appel d’Agen à dix mois de prison avec sursis et à 7000 euros d’amende. La Chambre d’Agriculture a été quant à elle condamnée à 40 000 euros d’amende, dont 20 000 avec sursis. À quelques jours des conclusions du Varenne agricole qui menace de déstabiliser la politique de l’eau en France, France Nature Environnement et ses associations membres saluent cette décision qui confirme les infractions pour de graves atteintes à l’environnement. Les délinquants environnementaux condamnés par la justice
C’est une première et France Nature Environnement s’en félicite : enfin des délinquants environnementaux, élus dirigeants de la Chambre d’agriculture ont été condamnés par la justice française, tout comme la Chambre consulaire elle-même. À l’issue d’une saga politique et judiciaire qui dure depuis l'été 2018, Serge Bousquet-Cassagne et Patrick Franken, président et vice-président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne, ont été condamnés en appel pour avoir construit un barrage illégal. Toutefois nous observons avec regret que la justice réduit les peines sous la pression du monde agricole et des élus locaux, ce qui témoigne du fait qu'elle n'est pas à la hauteur de l’urgence écologique. Il est vraiment temps que la France se dote de véritables juridictions spécialisées dans l’environnement. Cette décision rappelle que la loi est la même pour tous et que la destruction de l’environnement mérite des sanctions. Des sanctions qui étaient particulièrement attendues, dès lors que les instigateurs et chefs d’orchestres de cette opération illégale ont déjà été condamnés par le passé pour des faits de violence sur gendarmes1 et des faits de destruction lors de manifestations agricoles2. N’hésitant pas à utiliser leurs mandats électifs et leurs soutiens politiques parmi les élus locaux, ils ont détourné l’argent public de la chambre consulaire (plus d’1,5 million d’euros) aux fins de servir les intérêts de quelques utilisateurs et leurs intérêts propres. Aujourd’hui, le barrage est construit et il est exploité aux mépris de l’environnement (en travers d’un cours d’eau au sein d’une masse d’eau identifiée en déséquilibre quantitatif) et de la sécurité du public, alors que des études montrent des risques de rupture. Cette décision de justice ne peut être que la première étape d’un nécessaire rétablissement de l’ordre public. C’est pourquoi, France Nature Environnement demande d’une part à Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l'Alimentation d’exercer avec diligence la tutelle de l’État afin que l’établissement public agricole retrouve un fonctionnement normal, et d’autre part, que le Préfet use de ses pouvoirs les plus coercitifs pour que le site de Caussade soit remis en état dans les meilleurs délais. Ce n’est qu’au prix de ces décisions politiques que l’État de droit pourra être rétabli dans ce département. Les règles édictées pour le partage équitable de l’eau bien commun et le respect des milieux aquatiques doivent être respectées partout, par tous. Le cadre politique du partage de l’eau doit être respecté et stabilisé, y compris par les pratiquants de l’irrigation intensive
Ce jugement pénal intervient alors que le Varenne agricole va rendre ses conclusions fin janvier. France Nature Environnement n’y a volontairement pas participé, considérant dangereux de remettre en cause les consensus collectivement obtenus lors les Assises de l’Eau 2019 pour le seul bénéfice de l’irrigation intensive. Elle a fait valoir son point de vue au sein de l’instance légitime, le Comité National de l’Eau, qui a rendu un avis également très critique le 17 décembre dernier. La SEPANLOG, la SEPANSO et FNE Nouvelle Aquitaine, associations membres de France Nature Environnement, redisent également leur adhésion à une réflexion territorialisée sur la juste place de l’irrigation dans le contexte d’une ressource très fragilisée par le changement climatique. Celle-ci doit se faire au sein des Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) et des Projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), qui sont le cadre normal du dialogue nécessaire entre l’ensemble des acteurs de l'eau. Elle suppose en premier lieu que tous respectent les règles communes. « Le cas de Caussade montre que dans certains départements, les règles de droit et le dispositif de concertation validé au plan national peuvent être écartées, en brutalisant les milieux aquatiques et en multipliant les menaces vis-à-vis des associations environnementales. C’est inacceptable, comme il est inacceptable de vouloir faire régresser la politique publique de gestion quantitative comme le demandent une partie des acteurs agricoles lors du Varenne. À l’heure du bouleversement climatique du cycle de l’eau, le partage équilibré de la ressource entre tous les usagers doit pouvoir bénéficier d’une stabilité des politiques publiques, sinon les conflits ne cesseront de s’aggraver sur les territoires », souligne Florence Denier-Pasquier, administratrice France Nature Environnement en charge de la gestion quantitative. |