Enquête mycologique, épisode 37, Stropharia caerulea (Strophaire bleu)
Publié le 15 Janvier 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 13 novembre 2021, dans une prairie sablonneuse de ripisylve à Zetting. Au sol, sous un chêne, tout un troupeau de champignons a attiré l’attention de notre enquêteur.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, avec des débris organiques à la base du pied. Il s’agit très probablement d’un champignon saprophyte. On observe également à la base du pied des cordons mycéliens, appelés rhizomorphes.
Profil du suspect
Ce qui attire l’œil est tout d’abord la couleur bleue verdâtre de ce champignon. Son chapeau est visqueux. Les lames sont adnées à échancrées, non libres. L’observation des ornements permet d’observer plusieurs choses :
- pas de volve à la base du pied. La base du pied est somme toute banale. On ne rappellera jamais assez que l’examen de la base du pied fait partie intégrale du processus de détermination
- des lambeaux sont présents sur la marge du chapeau
- le pied est recouvert d’un voile se terminant par un anneau fragile et fugace, dont le dessus est coloré de brun-violet. C’est une observation essentielle. Cette coloration brune renseigne d’emblée sur la couleur des spores. Sporée brune : on peut ainsi éliminer toutes les sporées noires (psathyrelles, agarics), les sporées blanches (amanites et lépiotes), les sporées roses (entolomes et plutées). Dans les sporées brunes, il reste le très grand groupe des cortinariales. C’est là qu’il faudra orienter ses recherches et avec le reflet violet, le champ de recherche se rétrécit autour des strophaires, hypholomes.
Une autre observation importante est l’arête des lames. Elle est ici concolore au bord des lames. C’est un point déterminant qui évitera une confusion dont on parlera plus tard.
Avec cette couleur bleue verdâtre, l’insertion des lames et la couleur brun violet des spores, on est en présence d’un strophaire, le genre Stropharia.
Un mot sur le genre Stropharia
Les strophaires tirent leur nom de leur anneau plus ou moins persistant (Strophos en grec signifie ceinture). Ils ont une taille modeste (diamètre de chapeau 8 cm maximum) et ils poussent sur la sciure, les crottins, la litière. Ce sont des décomposeurs.
Une curiosité dans les rhizomorphes des strophaires est la présence de cellules hérissées de longues épines, les acanthocytes. Il semblerait que ces épines neutralisent les nématodes dans le sol.
Couleur de sporée
La sporée est brun violet, typique du genre Stropharia
L’examen par la police scientifique
On observe sur l’arête de nombreuses chrysocystides qui émergent au milieu de cystides clavées. Les chrysocystides se caractérisent par la présence d’une vacuole contenant une matière amorphe. On met cette vacuole en évidence dans un réactif ammoniaqué (le rouge Congo ammoniaqué par exemple) qui apparaît en jaune.
Chrysocystides. Microscopie x1000 - Stropharia caerulea (Strophaire bleu) -Photos Gilles Weiskircher (Anab)
Les basides sont tétrasporiques
Les spores sont lisses, ovoïdes, sans pore germinatif
La conclusion de l’enquêteur
Tous les éléments collectés nous permettent de proposer pour l’identification Stropharia caerulea, le strophaire bleu, un strophaire qui décompose la litière forestière. Il ne faudra pas le confondre avec Stropharia aeruginosa (strophaire vert-de-gris) qui possède une arête blanche stérile et un anneau membraneux plus persistant.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Pour en savoir plus : site Mycocharentes