Enquête mycologique, épisode 38, Dacrymyces stillatus (La Trémelle déliquescente)

Publié le 22 Janvier 2022

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.

 

Scène du crime

 

Nous sommes le 5 janvier 2022, dans un boqueteau d’épicéas bordant une ripisylve à Zetting. La saison n’est pas propice à la pousse des champignons mais une souche d’épicéa attira l’attention de l’enquêteur.

Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente) Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente) Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

Le champignon pousse sur du bois mort. Absolument nul doute qu’il s’agit d’un décomposeur du bois.

 

Profil du suspect

 

Disons-le d’emblée : même si cette couleur jaune vif attire l’œil, ce n’est pas une morphologie qui suggère un champignon. On est loin ici d’un aspect pied/chapeau avec des lames. Avec une morphologie globuleuse, non stipité (ne possédant pas de pied), pulviné (en forme de coussin) et une consistance élastique, notre suspect n’est pas vraiment quelqu’un qu’on embarquerait pour un interrogatoire.

Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Notre enquêteur, habitué à ces profils fongiques particuliers, soupçonne déjà un membre du gang des Dacrymyces. L’examen par la police scientifique est ici indispensable.

 

L’examen par la police scientifique

 

Les hyphes sont non bouclés, cloisonnés

Hyphe microscopie X1000- Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Hyphe microscopie X1000- Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

On n’observe pas de basides ou d’asques, ce qui suggère déjà qu’il s’agit d’une forme asexuée. De plus, on note la présence de nombreuses arthrospores.

Ce sont des spores qui s'isolent à l'intérieur même du filament mycélien par une membrane qui leur est propre, et qui ne peuvent être libérées que par la destruction du mycélium. Il s’agit d’une forme de reproduction asexuée, parmi tant d’autres.

Arthrospores microscopie X1000- Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arthrospores microscopie X1000- Dacrymyces stillatus-(la Trémelle déliquescente)- Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Tous ces éléments permettent de conclure que notre spécimen est Dacrymyces stillatus, sous sa forme asexuée.

 

Ces champignons nous montrent la complexité de ce règne. Une espèce peut exister sous une forme asexuée (et donc produire par différents mécanismes des spores asexuées, dites mitospores) ou une forme sexuée (et donc produire des spores sexuées, dites meiospores, par des basides ou des asques). Nous sommes habitués à voir en forêt amanites, russules, bolets, giroles, etc. Mais il ne faut pas oublier que ces fructifications sexuées ne représentent qu’une minorité dans les modes de reproduction des champignons.

 

La conclusion de l’enquêteur

 

L’enquêteur apprécie tout particulièrement ces champignons qui sortent des sentiers battus. Ils permettent de saisir l’incroyable diversité de ce règne. Leur examen et détermination se fait rarement sur le terrain.

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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