LaTétragnathe - Tetragnatha obtusa

Publié le 23 Janvier 2022

Tetragnatha obtusa
Tetragnatha obtusa

Tetragnatha obtusa

Pattes de Tetragnatha obtusa

Pattes de Tetragnatha obtusa

Le Grand Public ignore souvent que les espèces d’araignées sont très nombreuses, plusieurs milliers en France. Pour les naturalistes, les araignées sont un monde à part entière tant leur biodiversité est  riche. Seuls quelques spécialistes les connaissent bien. Dommage car ce sont d’excellents bio-indicateurs de la qualité des écosystèmes. Si leur diversité est grande dans un milieu, cela indique son bon état de conservation. Cette tétragnathe nous donne un exemple de la grande variété des araignées.


Nom scientifique: T
etragnatha sp obtusa C.L. Koch, 1837
 sp est une abréviation venant du latin « species » ou espèce. Elle signifie au lecteur  que seul le genre a pu être identifié pour l’animal, végétal ou champignon dont on parle ou dont on veut légender la photo ou le dessin. L’espèce n’a pas pu être déterminée  avec certitude et donc reste « sp » en attendant l’avis d’un expert ou tout simplement parce qu’aucun élément disponible ne pourra la différencier d’espèces proches.
C’est le cas de certaines espèces très proches au niveau de leur morphologie. Des espèces ne sont  différentiables qu’avec l’aide d’une loupe binoculaire, d’un microscope, d’une dissection de certaines parties de leur corps  (les mandibules par exemple) ou par une analyse ADN. Sur les photos, il pourrait s'agir de Tetragnata obtusa.


Origine du nom scientifique: du grec «tetra» quatre et de « gnathos», qui signifie  « mâchoire ».

Nom allemand : Streckerspinnen

Nom anglais :  long-jawed orb-weavers

Observation : le 26 juin à Niederstinzel  (57)

Classification :  les tétragnathes appartiennent  à la classe des Arachnida, à l’ordre des Aranea, les araignées  qui comprend près de 50 000 espèces dans le Monde. Elles sont toutes (sauf une) des invertébrés prédateurs à 8 pattes, 6 à huit yeux. Contrairement aux insectes elles n’ont ni ailes, ni antennes ni pièces masticatrices dans la bouche. Elles tissent à un moment de leur vie une toile  avec des organes spécifiques appelés filières.
Les araignées sont assez homogènes au niveau aspect. Leur mode de vie est en revanche très diversifié et fascinant à l’exemple de ces araignées errantes qui chassent en se déplaçant ou à l’affût. Certaines n’ont pas de toile fixe. L’araignée gladiateur tisse une  toile entre des branchages puis s’en saisit  et la projette sur sa proie telle un gladiateur romain. Ce  sont des araignées de type rétiaires, voir notre article à leur sujet.

Un conseil, ne dites jamais à un aranéologue que les araignées sont des insectes, il risque de faire une attaque cardiaque.
Ceci dit, pour nous simplifier la vie et ne pas devoir créer une nouvelle rubrique,  nous avons rangé sur ce blog, cette araignée et les autres dans la rubrique "insectes".  Chers aranéologues veuillez nous en excuser.

Notre Téragnathe appartient à la famille des Tetragnathidae. Le genre Tetragnatha compte à lui seul 320 espèces dont une quinzaine en France métropolitaine.
Certaines  sont des araignées qui capturent leurs proies à la course car elles  ne tissent plus de toile. Les autres tissent une toile dont le centre ou moyeu est vide.  Le nombre de rayons de leur toile est faible et la spirale lâche comparée à d’autres araignées. Elles habitent souvent des terrains humides.


Dimensions: 7 à 15 mm

Période d’observation : mai à septembre

Description : Son corps est très allongé. Les araignées ont un corps différent des insectes avec des particularités. Un vocabulaire spécifique les désigne.
Le corps est divisé en deux parties :
une partie avant le prosoma (ou céphalothorax) possède six paires d’appendices articulés lui servant de bouche, d’outils de découpe, seringues à poison  (les chélicères)et de bras manipulateurs de toile et aides à la reproduction.  Cette tétragnathe porte fixées sur le dos du prosoma,  quatre paires de pattes. Elles  sont  3 à 5 fois plus longues que le corps. La paire numéro 3 est beaucoup plus courte que les autres et permet à l'araignée de se fixer et de se déplacer.

La partie arrière l’opistosoma  est allongée et  correspond à l’abdomen chez les insectes. Elle contient les poumons, les organes sexuels et les filières à soies.

Etapes de la construction d'une toile

Etapes de la construction d'une toile

Biologie et  toile

Ces araignées s'étirent lorsqu'elles sont menacées et placent deux paires de pattes en avant et la dernière paire en arrière, de sorte qu'elles sont très bien camouflées sur les tiges, les feuilles et les brindilles et presque qu’invisibles aux prédateurs.
Pour les forts en arithmétique comme certains haut-rhinois BW et d'autres où est donc passée  la 4 ème paire de pattes, plus courte?
Elle est bien là, en position de  travers sur la tige. Vous la devinez sur la première photo à l'intersection entre les deux parties du corps. Il aurait fallu avoir une meilleure vue de côté pour bien la voir.

Il est possible d’identifier les familles d’araignées d’après leurs toiles. Les tétragnathes n’ont pas une toile en tube  mais une toile étalée de type géométrique, circulaire et avec un plan de symétrie. Cette toile plane est dite de type orbiculaire. Elle comprend un cadre de soutien, plusieurs rayons sans petite spirale au centre ou moyeu comme d’autres araignées. C’est l’endroit où  va se positionner l’araignée en attente de proies. Cette ouverture lui permet de passer rapidement d’un côté à l’autre de la toile. Autre particularité : la toile est dépourvue de stabilimentum, cette décoration en zig zag qui apparait sur certaines toiles d’araignées et qui jouerait un rôle de stabilisateur.
L’araignée tisse une toile en une vingtaine de minutes. Cette toile est renouvelée très souvent, tous les jours quelquefois.  En bonne écologiste soucieuse des ressources, l’araignée  recycle  les matériaux de l’ancienne toile en les avalant puis par digestion.

Une araignée comme chacun le sait est alertée par la vibration d’une proie sur sa toile. Celle-ci est prise grâce à des fils collants.
Selon la taille de la proie, l’araignée se précipite pour la mordre et l’immobiliser. Si la proie est plus grande, elle la touche avec ses palpes et l’emballe avec du fil en quelques secondes, puis la mord et ramène « le paquet » à sa position d ‘attente.


Reproduction: les araignées subissent 5 à 10 mues  et ne sont matures sexuellement qu’à la dernière mue.
Les araignées mâles repèrent les toiles de leurs partenaires grâce à des phéromones, des messages chimiques biens spécifiques laissés sur les fils. Pour éviter d’être  dévorés comme des proies, les mâles ont des techniques d’approche pour se signaler à leur partenaire. Certaines espèces fixent un fil et le font  vibrer, d’autres tambourinent sur les fils selon un code bien spécifique bien sûr. Chez les aranéidées, le mâle fixe un fil de soie sur la toile de la femelle. Il le fait vibrer à une fréquence déterminée. Si la femelle est réceptive elle viendra à la rencontre du mâle.
Le mâle confectionne une toile-sac  dans laquelle il dépose des gouttes de sperme. C’est le « bulbe copulatoire ».

Après la dernière mue, le mâle présente au niveau des palpes une structure complexe qui sont les bulbes copulatoires .La structure de ces organes est utilisée pour une identification sûre et précise de l’espèce.
Ces organes sont à ce point complexes qu’ils fonctionnent sur le principe de la clé et de la serrure, les hybridation sont ainsi très rares. Avant de partir à la recherche d’une femelle, le mâle doit charger ses bulbes copulatoires de sperme.Il va alors construire une petite toile de qq mm carrés et y déposer une goutte de sperme via son orifice génital, à la base de l’abdomen. Le mâle se place alors sous cette toile et, notamment grâce à la capillarité, remplit ses bulbes copulatoires.
L’accouplement en tant que tel se produit quand le mâle insère son bulbe copulatoire  dans l’ouverture génitale de la femelle qui présente un organe sclérifié complexe, l’épigyne.

Il va pour s’accoupler imbriquer ses chélicères, ses appendices mobiles qui possèdent un crochet venimeux dans ceux de la femelle. Il est amoureux mais pas fou. Ceci lui évite d’être mangé à  ce moment-là.

Ponte : la ponte a lieu quelques jours ou semaines après. La ponte est très rapide et la mère épuise toutes ses  réserves avec la ponte et la confection d’une toile pour protéger les œufs. L’éclosion se fait sous la surveillance maternelle. La dispersion des jeunes a lieu au hasard selon la richesse du milieu et par le vent.

Nourriture des adultes : arthropodes et insectes de toute taille.

Habitat:. Elle affectionne les terrains humides, près de l’eau  où les populations peuvent être importantes.

Prédateurs: mantes, lézards, chauve souris, oiseaux, mammifères, amphibiens.

Protection:
L’espèce est présente de manière fréquente et ne bénéficie d’aucune  protection légale

Texte,  bibliographie, photos  Roland Gissinger (Anab)
Complément biologie et identification Martine Devondel (Anab)


Article de référence et bibliographie :

Clé de détermination  des principales araignées de Belgique S. Renson Cercle des Naturalistes  de Belgique (si lien ne marche pas allez  sur la "boutique" du CNB) CNB

Rédigé par ANAB

Publié dans #Insectes de chez nous

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P
Ça alors, le dernier quizz concernait une araignée...merci pour ces explications fort intéressantes. J'ai eu récemment l'occasion d'assister à une conférence sur les araignées, organisée par le Parc Livradois Forez, à côté de chez moi. Passionnant. Cela m'a donné envie de m'intéresser d'un peu plus près à ces "bêtes" drôlement futées. Et celle-là est vraiment curieuse. Merci.
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R
Bonjour Pomme63,<br /> <br /> merci de ce retour et de cette appréciation. J'avais déjà "commis" quelques articles sur les araignées mais là en lisant la littérature, j'ai découvert l'immensité de leur diversité et de leur biologie. La nature est passionnante,une raison de plus pour la protéger
J
Bonjour, encore un article passionnant ! <br /> J'ai appris beaucoup de choses, de manière très accessible, sans oublier les touches d'humour !!! Vraiment top... <br /> <br /> Juste une petite chose : le lien vers la clef de détermination des principales arraignées de Belgique ramène à la page d'accueil du Cercle des naturalistes de Belgique (CNB) et non à la clef elle-même... <br /> <br /> Et dans le paragraphe qui commence par "Chers aranéologues... " À la fin, petite faute de frappe : " aNanéologues, veuillez nous en excuser ", voilà... <br /> <br /> Encore 1000 mercisss car vraiment votre blog sera une vraie mine d'or pour moi qui commence la formation des CNB cette année, bav, Laëtitia.
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R
Bonjour Laetitia,<br /> <br /> merci beaucoup de tes commentaires positifs et content de t'avoir rendu la lecture agréable.<br /> J'ai rectifié les anomalies, merci de me les avoir signalées. Il est possible que le lien de la clé araignée change. Le lien guide vers "nouvel ouvrage" et demain il ne sera plus nouveau, ce sera un autre...<br /> Un grand bonjour à nos amis belges, le top des naturalistes. Martine qui en fait partie nous aide beaucoup pour certain articles pointus. Bonne route avec le CNB.