Le Sucepin, Monotrope sucepin (Monotropa hypopitys)
Publié le 27 Février 2022
ceux d’entre vous qui ont déjà vu cette curieuse plante en forêt ont tout de suite remarqué son originalité. Le Sucepin a une texture particulière et sa couleur blanche ne laisse voir aucune partie verte. Vous avez deviné, cette plante sans chlorophylle est un parasite.
Roland
Nom scientifique : Monotropa hypopitys L., 1753
synonyme Hypopitys monotropa
Origine du nom : du grec « Mono » unique et « trepo», tourner, car les fleurs sont tournées d’un seul côté et de « hypopitys», qui vit sous les pins, un de ses habitats préférés.
Nom commun dialecte / allemand : Fichtenspargel
Nom anglais : Yellow Bird's-nest
Date de l’observation: le 12 juillet à Eguelshardt (Bas-Rhin)
Famille de plantes : les Ericacées, celle des bruyères, des azalées, des cranberries et des myrtilles. Elles sont surtout présentes dans l’hémisphère nord dans les zones froides et tempérées. Ces plantes sont basses et constituent souvent des arbrisseaux rampants.
C’est une famille représentée par une centaine de genres, comprenant plus de 4300 espèces. Les fleurs sont en majorité de symétrie axiale et en forme de tube plus ou moins long. Ces plantes développent des réseaux mycorhiziens avec les champignons du sol. Ceci explique leur survie sur des zones très peu riches en éléments nutritifs comme les tourbières ou sols rocailleux.
Catégorie: Plante sans chlorophylle, vivace et parasite
Hauteur: 10 à 30 cm
Tiges et racines: tige charnue, blanche à nuance jaune, à poils glanduleux
Feuilles : pas de feuilles vertes. Les feuilles correspondent aux petites écailles blanches (5 à 10 mm) sur la tige). Elles sont alternes et non découpées.
Floraison: de juin à août
Couleurs des fleurs: blanc-jaune. Les fleurs sont disposées en grappes gracieuses graciles et grêles (ne vous inquiétez pas pour la 4g, c’est une proposition de texte de Bernard que j’ai aussitôt adoptée) à allure de crosse à l’extrémité de la tige. Penchées avant leur floraison elles se redressent après. Elles sont odorantes et leurs pétales et sépales sont libres. Les ovaires et fruits sont plus longs que larges.
Des poils hérissent l’intérieur de la corolle, les étamines et le pistil.
Pollinisation : par les insectes. La plante produit beaucoup de pollen et du nectar et attire de nombreux insectes, abeilles et bourdons en particulier. Cette plante est capable d’autogamie ; c'est-à-dire qu’elle peut se féconder elle-même sans croisement avec le pollen d’un autre pied.
Confusion : difficile même si elle ressemble à certaines orchidées parasites comme la Néottie-Nid-d’oiseau. La forme du fruit permet de distinguer une sous espèce.
Biologie : ou la nourriture d’un parasite
Le Sucepin ne peut pas (en fait, il ne peut plus) fabriquer de sucres, les briques nécessaires pour construire son squelette. Il est devenu un parasite intégré dans une association à trois espèces. C’est une véritable SA, Société Anonyme non équitable, générant des profits ou des pertes pour chaque adhérent...
Notre Sucepin vit en symbiose avec un champignon qui puise des éléments nutritifs, la sève élaborée sur les racines des arbres résineux. En échange ce champignon fournit en eau et sels minéraux ces arbres. Le Sucepin est une plante dite myco-hétérotrophe. Le « Pape français », des associations plantes-champignons, le très médiatique André Sélosse, pense que la myco-hétérotrophie, est une adaptation des plantes à se développer dans les couches sombres du couvert végétal ou forestier.
Elle est apparue de nombreuses fois et de manière indépendante dans les temps préhistoriques dans différentes familles de végétaux.
Les champignons du Monotrope sucepin, appartiennent exclusivement au genre Tricholoma comme Tricholoma flavovirens, Tricholoma terreum et d’autres Tricholoma. La présence de ce genre de champignons permet de distinguer ce Sucepin d’autres plantes très proches comme Monotropa uniflora, associées à une famille différente, les russules. Pour fonctionner en une association profitable à deux espèces il est nécessaire d’avoir une longue histoire évolutive commune. Cette coévolution se traduit par des modifications génétiques importantes des ADN. Les transports de l’azote, du phosphore, l’échange des sucres nécessitent l’élaboration de nouveaux gènes qui pilotent chaque opération. A noter que les deux plantes, Sucepin et l’arbre, doivent aussi modifier leurs défenses pour ne pas traiter le champignon en intrus ou pathogène. On constate que le développement du champignon est dynamisé par la présence du Sucepin.
Pour cette raison, une différence de famille de champignons symbiotiques, avec des ADN différents, serait suffisante pour les chercheurs, pour séparer le genre Monotropa en deux genres distincts, l’un symbiote des tricholomes l’autre des russules.
Ces chercheurs ont observé, suivi et décrit la formation de liens de contacts entre les racines des arbres et le champignon. Il s’agit des « ectomycorhizes ». Elles permettent au champignon de prélever les sucres synthétisés par l'arbre grâce à la chlorophylle présente dans les feuilles et à l'apport énergétique du soleil.
Ils sont véhiculés dans tout le végétal via un liquide, « la sève élaborée » dans des vaisseaux spécialisés.
Le champignon transfère ces sucres au Sucepin. Les liens de contacts entre le champignon et le Sucepin sont des mycorhizes de structures différentes, nommées « monotropoïdes ».
Les tiges florales se développent toute l’année. Certaines peuvent déjà avoir des fruits au début de l’été alors que les autres vont fleurir et fructifier en automne.
Fruits : les fruits sont des capsules ovoïdes à 4 ou 5 loges qui brunissent après maturité. Elles contiennent plusieurs milliers de minuscules graines sans aucune réserve pour leur développement. Ces graines très légères sont véhiculées très facilement par le vent ou par les animaux, sur de longues distances. Pour germer, elles doivent établir un contact avec des filaments du champignon. Ces filaments vont apporter la nourriture prélevée sur l’arbre pour permettre la croissance de l’embryon.
Habitat: le Sucepin n’a pas besoin de lumière. Il pousse dans les forêts de résineux et les hêtraies riches en humus. On le trouve aussi dans des endroits humides côtiers couverts de saules.
Protection : plante classée vulnérable (VU) en Ile de France, Normandie, et quasi menacée en Bretagne et dans les régions du nord (Picardie, Nord-Pas-de-Calais).
Utilisation alimentaire : la plante cuite serait comestible comme légume. Etant donné sa rareté mieux vaut ne pas la consommer.
Utilisation médicinale et toxicité :
Elle aurait été employée autrefois pour lutter contre les maladies respiratoires : coqueluche, toux spasmodique, bronchites chroniques.
Wikiphyto indique cet usage médicinal qui est dû à la présence des composants actifs suivants :
monotropitoside ; chloromycorrhizinol, coumarines.
Comme toujours, et avant toute utilisation, il faut consulter un médecin pour être averti des éventuels effets indésirables ainsi que des interactions possibles avec les médicaments classiques.
Texte et photos Roland Gissinger et Bernard Weinzaepflen (Anab)
Coupe transversale de la racine de Monotropa hypopitys avec l'origine d'une radicelle : 1. le mycélium enveloppant la racine ; 2. l'épiderme de la radicelle à l'état mort. X300 (Wikipedia)
Sources bibliographiques voir index biodiversité
Monotrope sucepin wikipedia
Interactions of saprotrophic fungi with tree roots: can we observe the emergence of novel ectomycorrhizal fungi?
Symbiotic germination and development of the myco-heterotroph Monotropa hypopitys in nature and its requirement for locally distributed Tricholoma spp.
Marc‐André Selosse, Duncan D. Cameron, Introduction to a Virtual Special Issue on mycoheterotrophy: New Phytologist sheds light on non‐green plants, New Phytologist, 10.1111/j.1469-8137.2009.03151.x, 185, 3, (591-593), (2010).