Dix commandements pour sauver la biodiversité

Publié le 23 Mai 2022

Syrphes sur un Chardon marie (Silybum marianum )

Syrphes sur un Chardon marie (Silybum marianum )

prairies fleuries alpines
prairies fleuries alpines
prairies fleuries alpines

prairies fleuries alpines

publié sur les échos le 6/5/2022

Un million au moins d'espèces vivantes sont menacées de disparition. Pour protéger ce patrimoine aussi vital pour l'homme que pour la planète, l'engagement des Etats est indispensable, notamment au sein de la COP15 sur la biodiversité. Mais chacun peut aussi agir au quotidien, à son niveau, et sans même bouleverser ses habitudes.

Par Jessica Berthereau

Il y a près de trois ans, le groupe international d'experts sur la biodiversité IPBES alertait sur le déclin de la nature « à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine ». Un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction au cours des prochaines décennies et certains scientifiques parlent même d'une « sixième extinction de masse ».

Les cinq principaux facteurs de cette crise de la biodiversité sont le changement d'utilisation des milieux naturels (terres et mers), la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions et la propagation d'espèces exotiques envahissantes. Si de nombreuses actions doivent être entreprises au niveau des Etats, qui pourraient s'engager à protéger au moins 30 % des surfaces terrestres et maritimes du globe dans le cadre de la COP15 (1), chacun(e) peut aussi agir à son niveau pour sauvegarder la biodiversité, avec des résultats rapides et concrets.

1. Comprendre ce qu'est la biodiversité

Quand on parle de biodiversité ou d'extinction, ce sont souvent les grandes espèces emblématiques qui viennent à l'esprit. Or le terme de biodiversité englobe non seulement toutes les espèces vivantes mais aussi les différents écosystèmes leur servant d'habitat ainsi que la diversité génétique. « La biodiversité, c'est l'ensemble du vivant, résume Christophe Aubel, directeur général délégué du département Mobilisation de la société à l'Office français de la biodiversité (OFB). Ce n'est pas une collection de timbres. Ce qui compte, ce sont les interactions entre les espèces et leurs milieux de vie, espèce humaine comprise. » Un exemple simple est notre microbiote intestinal, dans lequel il y a davantage de bactéries que de cellules dans notre corps et sans lequel nous ne pourrions pas digérer ce que nous mangeons. La biodiversité rend de nombreux autres « services » aux êtres humains : production de denrées alimentaires, purification de l'eau, protection contre les crues… « L'habitabilité de la Terre pour l'espèce humaine dépend des autres espèces et du bon fonctionnement de la biodiversité », rappelle Christophe Aubel.

2. Ouvrir les yeux sur la nature

Cet expert de l'OFB se garde bien de porter seulement un discours alarmiste. « L'IPBES, c'est-à-dire l'équivalent du GIEC [Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat, NDLR] pour la biodiversité, le dit bien : il est encore possible d'agir à tous les niveaux car la biodiversité est résiliente et dynamique », souligne-t-il.

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L'un des premiers gestes qu'il conseille est d'ouvrir les yeux sur la nature qui nous entoure. « Amusez-vous à identifier les espèces animales et végétales que vous croisez en chemin en vous rappelant qu'il ne s'agit pas juste d'un décor mais d'un ensemble dont nous faisons partie », dit-il. « La découverte de la biodiversité est vraiment le premier pas vers sa protection », croit aussi Maxime André Shaughnessy, responsable bénévolat nature à la Fondation pour la nature et l'homme (FNH) qui a créé la plate-forme « J'agis pour la nature ». Sur ce site, de nombreuses activités sont proposées, catégorisées en six formes d'actions, dont celle intitulée « Je découvre la biodiversité ». « Il s'agit de sorties nature avec un animateur pour découvrir près de chez soi une espèce faunistique ou floristique », décrit le jeune homme.

3. Savoir se comporter en extérieur

Lors d'une balade en forêt, en montagne, au bord de la mer ou dans tout autre espace naturel, il importe de ne laisser aucun détritus, de rester sur les sentiers pour ne pas perturber la biodiversité locale et de respecter les éventuelles règles. « Les réglementations ne sont pas là pour embêter les promeneurs mais pour protéger une nature qui peut être fragile à cet endroit, explique Christophe Lépine, président de la Fédération des Conservatoires d'espaces naturels. Il faut par exemple se retenir de cueillir des fleurs car même s'il semble y en avoir beaucoup là où vous vous trouvez, c'est peut-être une espèce menacée. »u.
L'idée n'est pas de mettre la nature sous cloche mais d'interagir avec elle en étant conscient de ses impacts. « Il ne s'agit pas d'être dans l'interdit, affirme Christophe Aubel, mais de considérer que nous sommes dans un milieu partagé avec d'autres êtres vivants. Ce n'est pas n problème de soulever une petite pierre à marée basse pour regarder dessous ; remettez-la simplement à sa place. »

4. Faire attention à ses animaux de compagnie

Les chats - 20 millions en France, dont 8 à 10 millions d'animaux errants - sont d'excellents chasseurs. Des démarches simples peuvent être entreprises pour limiter leur impact sur la biodiversité : stériliser son animal, bien le nourrir, éviter de le faire sortir la nuit et, si l'on a un jardin, installer les nichoirs pour oiseaux hors de sa portée. « On peut aussi équiper son chat d'un collier qui fait du bruit, il ratera ainsi plus souvent sa cible », suggère Christophe Aubel.

Du côté des chiens, le plus important est de les tenir en laisse lors de balades dans des espaces naturels où cela est demandé et ailleurs en période de nidification (printemps et début d'été). « S'ils ne sont pas tenus en laisse, ils peuvent faire peur ou déranger d'autres animaux », pointe Christophe Lépine. Attention également aux animaux de compagnie exotiques, parfois relâchés dans la nature avec d'importantes conséquences. C'est le cas de l'écureuil de Corée, maintenant répandu dans certaines forêts d'Île-de-France et jouant un rôle dans la propagation des tiques.

5. Accueillir la biodiversité dans son jardin ou sur son balcon

Pour celles et ceux qui ont la chance d'avoir un bout de terrain, c'est l'endroit rêvé pour voir les impacts concrets d'initiatives en faveur de la biodiversité. « Il suffit d'arrêter tout pesticide et de faire attention à mettre des plantes favorables aux pollinisateurs pour voir rapidement revenir les papillons », assure Christophe Aubel. On peut aussi « réserver un coin de son jardin pour laisser la nature s'épanouir, sans tondre, et préserver des abris pour les insectes et les petits animaux, par exemple un tas de bois », suggère Sandrine Bélier, directrice d'Humanité et Biodiversité.

Cette association a lancé le concept des « Oasis nature », des endroits (jardins, parcs, domaines…) où la nature est respectée et où la biodiversité s'épanouit. La charte est simple et peut être appliquée sur quelques mètres carrés seulement. Il est même possible de créer une Oasis nature sur son balcon ou sa terrasse : il existe un petit livret pour guider les futurs «oasiens» (voir encadré).

6. Privilégier les espèces locales

« Il existe de nombreuses plantes et arbres que l'on trouve très jolis mais qui peuvent être envahissants et menacer les espèces locales », prévient Christophe Lépine. En France métropolitaine, 45 plantes indigènes sont ainsi menacées de disparition à cause de plantes exotiques envahissantes. Si ces dernières sont parfois interdites, ce n'est pas le cas de toutes. L'OFB conseille donc d'être attentif à certaines plantes envahissantes comme les renouées d'Asie, les griffes de sorcière et l'herbe de la pampa, pour éviter toute propagation.

« Il est important de planter local, les plantes étant toujours associées à un terroir. Privilégier les espèces locales contribue à maintenir des écosystèmes correspondant au climat et la faune présents dans cette région et au fonctionnement optimum de la biodiversité », souligne Christophe Aubel. Pour se renseigner, deux sites sont très utiles : celui du Centre de ressources sur les espèces exotiques envahissantes et celui du label Végétal local .

7. Être attentif à sa consommation

Consommer bio, local et de saison est un conseil qui vaut aussi pour la protection de la biodiversité. « L'agriculture biologique n'utilise pas de pesticides de synthèse, favorise la diversité des cultures et la préservation des prairies, des haies et des talus », met en avant Christophe Aubel. Il faut aussi « être vigilant sur les produits d'hygiène corporelle et ménagers car même si les eaux usées passent par des stations d'épuration, tout n'est pas filtré et cela termine dans les rivières et les océans », prévient Maxime André Shaughnessy, ancien marin.

Notre consommation impacte aussi la biodiversité plus lointaine. « Celle des forêts tropicales d'Asie du Sud-Est détruites par des plantations de palmiers à huile est loin de nos yeux mais interroge nos actes d'achat. La première démarche est d'être attentif à ce que l'on consomme et d'essayer de choisir les produits avec l'impact le plus faible », recommande Hélène Soubelet, directrice de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

8. Rejoindre des programmes de sciences participatives

« Les programmes de sciences participatives sont des protocoles simplifiés créés par des scientifiques pour le grand public », explique Maxime André Shaughnessy. L'Office pour les insectes et leur environnement propose par exemple depuis 2010 le programme Spipoll de suivi photographique des insectes pollinisateurs. Il s'agit d'observer et de photographier les insectes pollinisateurs dans une zone précise pendant 20 minutes et de remonter les informations. Une application dédiée rend le processus encore plus facile.

« Les données récoltées via ce type de programme permettent aux scientifiques de réaliser des études, des cartes de localisation des espèces et des projections sur les impacts du changement climatique », détaille Maxime André Shaughnessy. La plateforme « J'agis pour la nature » propose d'ailleurs de nombreuses activités en sciences participatives dans la catégorie « J'observe la faune et la flore ».

9. Inciter ses élus à défendre la biodiversité

« Pour répondre aux enjeux, la société doit agir dans toutes ses composantes. Il y a des actions qui dépendent des élus et des décideurs économiques », appuie Christophe Aubel. Chacun(e) peut donc encourager son maire ou son entreprise à agir en faveur de la biodiversité. Les collectivités locales peuvent par exemple intégrer le dispositif « Territoires engagés pour la nature », créer des espaces dédiés à la biodiversité, mettre en place des trames vertes et bleues pour assurer la continuité écologique ou encore réaliser un atlas de la biodiversité communale.

« Ce type d'atlas permet à la commune de faire des choix d'aménagement en ayant conscience des enjeux de biodiversité », relève Christophe Aubel. Le programme des Oasis nature ne s'adresse pas qu'aux particuliers et aux collectivités, mais aussi aux entreprises. « Nous avons une oasis dans une boîte du côté de Bordeaux, où il y a même des ruches », fait savoir Sandrine Bélier.

10. S'engager collectivement

« Rejoindre des associations de protection de la nature est important : même si elles ont des salariés, elles sont toujours à la recherche d'adhérents et de bénévoles, souligne Christophe Lépine, de la Fédération des Conservatoires d'espaces naturels. Plus nous sommes nombreux, plus nous pouvons peser dans les décisions publiques. »

Ce conseil « peut sembler galvaudé, ajoute Sandrine Bélier, d'Humanité et Biodiversité, mais s'engager collectivement est très complémentaire des actions que l'on peut faire individuellement. » Le site « J'agis pour la nature » permet de trouver des activités collectives autour de chez soi comme des collectes de déchets, des projets d'aménagement d'espaces naturels ou encore des chantiers de protection de la nature.

(1) La COP15 biodiversité est censée définir le futur cadre mondial de la biodiversité post-2020. Initialement prévue en octobre 2020, elle a d'abord repoussé d'un an en raison de la pandémie de Covid-19, puis a été scindée en deux parties. La première s'est tenue virtuellement en octobre 2021, la seconde devait avoir lieu en présentiel à Kunming, en Chine, du 25 avril au 8 mai 2022. Elle risque elle aussi d'être retardée.

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M
Article très intéressant. Si les uns et les autres avions la volonté d'appliquer certaines des mesures proposées, ce serait un pas. Mais sans omettre les pas suivants. La Nature est, à mon sens, en très grand danger. La pédagogie, l'exemple, oui bien sûr. Et la sanction pécuniaire des négligents, pourquoi pas.
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A
Merci Mougin de ce commentaire. Certains croient que tout est déjà fait et que les petits gestes de chacun ne comptent pas. Tous les gestes comptent pour diminuer les effets de la perte de biodiversité. La sanction est là pour rappeler que c'est pour le bien de tous;<br /> <br /> Roland