Enquête mycologique, épisode 52, La Girolle - Cantharellus cibarius
Publié le 11 Juin 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 25 juillet, dans une hêtraie charmaie à Keskastel
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, sans débris organique à la base du pied. Nul doute qu’il s’agit d’un champignon mycorhizien.
Profil du suspect
Le champignon est de morphologie classique, pied/chapeau. Il possède, et c’est un caractère important, des plis sous le chapeau. Il n’y a donc pas de lames. Le chapeau est de couleur jaune orange. Une autre observation à retenir est la subtile et délicieuse odeur fruitée ou de mirabelle.
L’enquêteur a tous les éléments pour conclure qu’il s’agit de la Girolle ou Chanterelle commune (Cantharellus cibarius).
Nul besoin de faire appel à la police scientifique.
Les chanterelles et girolles
Dans l’esprit du grand public, ces termes sont souvent confus. Pour le mycologue habitué au latin, ces notions ont peu de signification.
Le terme « chanterelle » provient du terme grec Kantharos, coupe à boire, en raison de leur morphologie en forme de coupe.
Chanterelle est un nom français ambigu recouvrant plusieurs espèces de champignons distinctes :
- dans certaines régions, et notamment dans l'est de la France, il est quasiment synonyme de Cantharellus cibarius, bien que le nom recommandé pour cette espèce soit girolle
- plus généralement, il peut désigner, avec ou sans qualificatif, toutes les espèces du genre Cantharellus, comme par exemple la trompette des morts (Craterellus cornucopioides) .
- plus largement il peut s'appliquer à d'autres Cantharellacées : à Paris, on vend sous l'appellation chanterelle non pas des girolles mais indifféremment des Craterellus tubaeformis ou des Craterellus lutescens, espèces naguère classées parmi les Cantharellus. D'autres craterelles moins courantes sont également pour le grand public des chanterelles.
- plus largement encore, il s'emploie par abus de langage pour des champignons d'autres ordres comme la fausse chanterelle ou fausse girolle (Hygrophoropsis aurantiaca ) dans l'ordre des boletales.
Girolle ou Girole, les deux orthographes sont possibles. Ce qu’on devrait désigner par le terme de girolle est Cantharellus cibarius qui se reconnaît à sa magnifique couleur jaune et à une chair qui ne roussit pas après manipulation.
En conclusion, on met beaucoup de choses dans le nom de chanterelle. La girolle au sens large est une espèce de chanterelle et tout dépendra de la région, ou du secteur dans lequel le mot est utilisé. Le latin heureusement permet de s’en sortir.
La conclusion de l’enquêteur
Les girolles semblent régresser en Europe, alors que la demande est en augmentation. En Autriche, aux Pays-Bas et en Allemagne, Cantharellus cibarius est sur la liste des espèces rares et en danger. La récolte n’aurait aucun impact, cependant, le piétinement pourrait détruire les sporophores en devenir.
Les arbres sont les maîtres du temps, les animaux les maîtres de l’espace mais en dessous d’eux, des organismes discrets veillent à un équilibre sans lequel toute l’histoire de la vie sur notre planète n’aurait été pareil.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)