Enquête mycologique, épisode 53, Le Bolet- Le Cèpe (Boletus edulis)
Publié le 18 Juin 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 1er octobre , dans une hêtraie charmaie à Butten.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, sans débris organiques à la base du pied. Nul doute qu’il s’agit d’un champignon mycorhizien.
Profil du suspect
Le champignon est de morphologie classique, pied/chapeau. Il est massif, avec un gros pied ventru. Il possède, et c’est un caractère important, des tubes sous le chapeau. Il n’y a donc pas de lames. Le chapeau est de couleur chamois. Il dégage une très agréable odeur boisée.
On observe sur le pied, surtout en hauteur, un réseau de couleur blanche, pareil à un filet plaqué sur le pied. La chair du champignon ne change pas de couleur lorsqu’on coupe le champignon dans le sens de sa longueur.
Enfin, on observe un liseré blanc sur la marge du chapeau.
L’enquêteur a tous les éléments pour conclure qu’il s’agit du très célèbre cèpe de Bordeaux (Boletus edulis).
Nul besoin de faire appel à la police scientifique.
Cèpes et bolets
Bolet ou cèpe, quelle est la différence? Pour le mycologue, la question ne se pose pas puisque les noms scientifiques ne font pas ressortir cette différence. Le mycologue parlera des genres Boletus, Suillus, Suillelus, Xerocomus, etc.
Le nom bolet provient du mot latin bōlētus, « champignon » qui dérive à son tour du grec ancien βωλίτης, « champignon terrestre ». Ce dernier mot dérive de βῶλος, bolos, signifiant « motte de terre » et, métaphoriquement, champignon. Toutefois, le βωλίτης de Galien, comme les cèpes des écrivains latins comme Martial, Sénèque et Pétrone sont souvent identifiés comme correspondant au plus prisé amanite des césars (Amanita caesarea ). Donc ce terme de bolet a au cours de l’histoire désigné des champignons bien différents. Le lecteur curieux pourra lire l’excellent ouvrage « Des champignons et des hommes » de Guy Gaudreau, Annette Ribordy, François-Xavier Ribordy, Micheline Tremblay, dont un chapitre traite de ce sujet.
Pour simplifier, tous les Cèpes sont des Bolets mais tous les Bolets ne sont pas des Cèpes. Le terme cèpe est avant d’usage gastronomique et est réglementé. Ne peuvent s’appeler cèpe que les espèces suivantes : cèpe de Bordeaux (Boletus edulis), cèpe à tête noire (Boletus aerus), cèpe d’été (Boletus aestivalis) et cèpe des montagnes (Boletus pinicola)
La conclusion de l’enquêteur : comment identifier un bolet ?
On prêtera notamment attention à la couleur des pores, le bleuissement de la chair après coupe, l’ornementation du pied, la viscosité du chapeau et aussi l’arbre sous lequel il pousse. Les bolets sont en effet des champignons mycorhiziens, donc leur mycélium établit des symbioses avec les racines des arbres. Certains bolets sont spécifiques à une essence d’arbre comme d’autres peuvent se retrouver sous différentes espèces d’arbre.
Contrairement à une idée reçue fausse, le bleuissement ou pas d’un bolet ne renseigne pas sur sa comestibilité. Une fois de plus, gare aux phrases toutes faites en mycologie.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)