Le Bourdon des pierres (Bombus lapidarius )

Publié le 31 Août 2022

Mâle et femelle de Bourdon des pierres (Bombus lapidarius ) sur une Centaurée scabieuse (Centaurea scabiosa)
Mâle et femelle de Bourdon des pierres (Bombus lapidarius ) sur une Centaurée scabieuse (Centaurea scabiosa)

Mâle et femelle de Bourdon des pierres (Bombus lapidarius ) sur une Centaurée scabieuse (Centaurea scabiosa)

Nom scientifique :  Bombus lapidarius (Linnaeus, 1758)
Autres noms communs : Bourdon lapidaire, Cul-brun.

Origine du nom  : vient du latin  « bombus » , « le bourdonnement » et du latin « lapidarius », les pierres.

Nom  en dialecte:  de Brümmler (Herrlisheim) , d'r Brummler (Colmar)

 
Nom Allemand: Steinhummel

Nom anglais : Red-tailed bumblebe

Classification : Le bourdon des pierres  fait partie de l’ordre des Hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis…) : insectes à 2 paires d’ailes membraneuses et aux  pièces buccales de type broyeur- lécheur.
Les Hyménoptères regrouperaient  environ 130 000 espèces sur notre planète dont 8000 en France.

Ils  représentent probablement l’ordre d’insectes qui a le rôle écologique le plus important et le plus diversifié. Ils jouent un rôle indispensable en tant que phytophages, régulateurs de populations d’arthropodes, prédateurs et pollinisateurs.

Ce sont des insectes à métamorphose complète comme les coléoptères et les papillons. Ils ont par conséquence des stades larvaires et un stade nymphal morphologiquement et biologiquement différents du stade adulte.
Les adultes ( imago ) se distinguent donc  par leurs pièces buccales broyeuses- lécheuses et dans une grande majorité des espèces, par  2 paires d’ailes membraneuses, dépourvues d’écailles et de dense pilosité.

Ces 2 paires d’ailes se distinguent nettement par leur  taille. L’aile antérieure, plus grande est rabattue en une gouttière sur son bord postérieur sur laquelle vient s’engager une série de petits crochets ( hamules ) situés sur le bord antérieur de l ‘aile postérieure couplant ainsi les 2 ailes en vol. 

 A remarquer le cas des fourmis également classées parmi  les Hyménoptères. Dans cette famille,  toutes les fourmis ailées sont des reines et des mâles qui s’accouplent la plupart du temps hors de la fourmilière. Une fois fécondée et à l’abri, la reine arrache ou coupe ses ailes devenues gênantes.

 Parmi les pièces buccales des abeilles, les mandibules n’ont qu’une importance secondaire pour l’alimentation mais sont utilisées pour le ramassage du pollen, le nettoyage des pattes, le malaxage de la cire, la confection du nid. D’autres pièces buccales ( le labium et les maxilles ) forment un tube lécheur- suceur permettant l’alimentation mais de type liquide uniquement.

Du point de vue génétique, l’ Hyménoptère  femelle pond 2 types d’œufs : des œufs à 2n chromosomes issus de la fécondation de l’ovule par un spermatozoïde, qui donneront des femelles et  des œufs à n chromosomes issus d’ovules non fécondés  qui donneront des mâles.
C’est la femelle qui  choisit si l’ovule sera fécondé ou non. C'est en déclenchant l'ouverture du  couvercle de la spermathèque qu'elle permet l'arrivée de spermatozoïdes pour féconder un œuf.  Si elle ne déclenche pas l'ouverture, l'oeuf non fécondé deviendra  un mâle

 

Nombre d’espèces de bourdons :Il existerait 218 espèces du genre bombus dans le monde selon une étude de Cameron de 2006 et probablement quelques- unes de plus aujourd’hui.
En France il existe une quarantaine d’espèces et 80 en Europe.
L’Atlas des bourdons très précis réalisé par Sapoll indique 24 espèces de bourdons dans le nord de la France et la Belgique pour la  période 2000 à 2019. Il note que 7 espèces vues  entre 1950 et 1999 ont déjà disparu !                                                                                                                               
Tout le monde connait ces êtres sympathiques, velus et colorés que sont les bourdons.
Ce sont des abeilles à part entière, au même titre que la célèbre abeille mellifère ( Apis melifera ) mais s’en distinguent sensiblement par leur écologie et leur mode de vie. Ils sont actifs à des températures bien plus basses, butinent une plus grande partie de la journée et peuvent être observés en conditions de gel, de tempêtes ou de fortes pluies.

Le Bourdon des pierres est un bourdons assez commun.
Il est le deuxième bourdon le plus abondant dans le Nord
selon Sapoll.
A
vec 19.4 % de spécimens, il arrive derrière le Bourdon des champs, Bombus pascuorum.

Il appartient donc à la famille des  Apidae ( abeilles solitaires, sociales, parasites ou cleptoparasites *  ), à la sous famille des Apinae ( abeilles le plus souvent sociales et formant des colonies ), à la tribu des Bombini (pollinisateurs, ils se nourrissent de nectar et récoltent le pollen des fleurs pour nourrir leurs larves, exception faite des psithyrus).
* les abeilles cleptoparasites ou abeilles coucou sont solitaires, ne font pas de nid et se nourrissent au dépend des réserves d’autres abeilles comme le font entre autre les psithyrus ( voir plus loin ).

De nombreuses espèces de bourdons  vivent donc  en colonies très organisées comme l’abeille domestique.
 

Observation : le 13 juillet à Bettwiller (Bas-Rhin)

Dimensions : Les reines mesurent  20 à 22 mm, les ouvrières 12 à 16 mm et les mâles 14 à 16 mm.
A remarquer la différence de taille entre la  reine d’une part , les ouvrières  et les mâles d’autre part !

Durée d’observation: mai à septembre

Description: La reine et les ouvrières ont une pilosité noire sur tout le corps à l’exception des derniers segments abdominaux rouges, l’abdomen est plus long que large. Le mâle a une pilosité faciale jaune ainsi qu’une bande jaune sur le thorax mais garde l’abdomen noir avec l ’extrémité rouge d’où leur surnom de Cul brun !
Sa langue est courte, caractéristique importante quant au choix des plantes visitées, il s’agit généralement de fleurs à symétrie radiaire, aux pétales libres  ( pas de tube ) : composées tubulaires, brassicacées, papavéracées, ombellifères, renonculacées, rosacées.



Nourriture:
Le Bourdon des pierres se nourrit  du nectar de différentes plantes citées plus haut  ( on dit qu'il est « polylectique ») …

Des études précises ont mesuré les distances de collecte de nourriture. Ce Bourdon des pierres est un bourdon de « distance intermédiaire ». Il recherche sa nourriture le plus souvent à moins de 500 m de sa colonie. Des individus peuvent s’éloigner à plus de 1500m. La distance maximale de butinage est corrélée, semble-t-il avec la taille des bourdons. Certaines espèces s’éloignent de plus de 10 km.

Comportement particulier : les ouvrières mangent ou tentent de manger les œufs pondus par la reine. Ce comportement reste inexpliqué. La reine, bien plus imposante, ne tue pas les ouvrières qui agissent ainsi mais les repousse ou les frappe avec sa mandibule.

Pollinisation vibrante:
Des insectes pollinisateurs de type hyménoptères comme les bourdons, des xylocopes, des abeilles mélipones et d’autres  produisent chez certaines fleurs, par un effet de vibration , une libération brusque de pollen.  Ce phénomène de  pollinisation vibratile ou sonication en français (appelé buzz pollination en anglais) est  produit par Bombus hortorum, chez qui il est  important.
Pour produire cette vibration, le bourdon actionne tous les muscles du vol très rapidement tout en se maintenant sur la fleur. Un bourdonnement aigu est perceptible à ce moment- là. Ces vibrations rapides suffisent  à déchirer les membranes des sacs polliniques arrivant à maturité qui libèrent les grains de pollen en partie sur l’insecte et ses poils. Il va récolter ces grains de pollen et en transporter  à son insu sur d’autres fleurs de la même espèce assurant ainsi un croisement des gènes.

Certaines fleurs comme les solanacées (tomates, pomme de terre)  dépendent beaucoup de ce type de pollinisation. Dans les serres de  tomates cultivées, des vibrateurs électriques ont été utilisés pour en améliorer le  rendement. A présent de nombreux tomaticulteurs introduisent des colonies de bourdons dans leurs serres car ils sont plus rentables que les vibrateurs. Parmi toutes les plantes connues, 9% d’entre elles dépendent de ce système de pollinisation et toutes ces fleurs ont les extrémités de leurs étamines, les anthères, en forme de tube.

Préférences florales de ce bourdon : le colza, les centaurées, les chardons et les astéracées à ligules type pissenlit mais aussi les lotiers.

Quand le bourdon est routinier?
Pour être encore plus efficace dans ses récoltes, notre bourdon utilise le « traplining ». Ce terme signifie que les ouvrières de ce  bourdon ne cherchent plus les fleurs au hasard mais  utilisent des routines de visite de leur zone d’alimentation pendant plusieurs jours successifs pour économiser du temps de visite aléatoire. Ces routes journalières sont brisées uniquement par de brusques changements de conditions physiques comme le vent et la météo.


Colonies de bourdons :
En hiver, les ouvrières et les mâles meurent. La reine hiberne dans une cavité souterraine comme une galerie abandonnée de campagnols  ou toute autre cavité sèche et abritée. Au printemps suivant la reine pond et féconde ses œufs  pour en faire des ouvrières grâce à sa spermathèque où elle conserve les spermatozoïdes résultant de son unique accouplement. La colonie peut attendre 300 à 400 individus.

Cycle biologique et activité: Une à deux générations par an dont la première démarre mi-mai et se termine fin juillet tandis que la seconde génération démarre fin juin et se termine fin août


Reproduction: Les chercheurs ont remarqué que les mâles s’éloignent d’avantage du nid  que les ouvrières, ce qui favorise le croisement génétique. Ils vont attirer les femelles en marquant certains endroits au moyen  de phéromones contenues dans leur langue, du z9hexadécénol et hexadecanal. Ces composants sont propres à chaque espèce ce qui évite des fécondations entre espèces voisines.
Le Bourdon des pierres vole souvent au-dessus des arbres, partie la plus exposée au soleil et au vent. Il doit donc sécréter plus de phéromones que les autres bourdons inféodés aux parties basses.
Les phéromones des ouvrières sont différentes de celles des reines. Il est presque acquis que l’hormone des reines bloque le développement ovarien des ouvrières du même nid.

D’autre part des bourdons coucous, du genre Psithyrus, parasitent les nids de Bombus.
Ils ont le pouvoir de sécréter les mêmes phéromones que ces derniers, ce qui rend possible leur acceptation dans la colonie et permet en particulier l’élevage de leurs jeunes par les espèces parasitées.
Au passage, le bourdon coucou avalera les œufs de l’espèce parasitée s’ils sont trop nombreux. Le parasitisme peut prend toutes les formes possibles, c'est un bon exemple.

Après son accouplement, la femelle profite d’une cavité dans le sol ou ailleurs pour y faire un nid. Elle pond un œuf par cellule et la larve se nourrira du pollen récolté par la reine pondeuse. Quand les ouvrières ont terminé leur croissance et sont sorties de leur cocon, elles prennent le relais de la reine pour nourrir les larves.
Ce bourdon affectionne les espaces entre les pierres dans d’anciens murs. Il est capable de ronger le joint ciment entre les pierres pour y construire des cellules.

Habitat: dans les pierres mais aussi dans la paille des écuries par exemple  ou dans des nids d’oiseaux abandonnés.
Présent partout dans notre pays mais moins dans le sud-ouest. Présent dans toute l’Europe jusqu’en Russie et au Magreb.



Confusion : Les bourdons se ressemblent. Certains comme ce Bourdon des pierres, sont identifiables par certaines caractéristiques de couleurs. Pour les autres, il faut examiner l’individu sous la loupe binoculaire et les différencier par les pièces buccales ou les genitalia. (organes sexuels)

Prédateurs et dangers: Chauve- souris, oiseaux et surtout pesticides de l’agriculture intensive.
Les pesticides tuent directement ou indirectement les insectes . Les néonicotinoïdes  produisent chez les bourdons les mêmes effets dévastateurs que chez les abeilles à miel domestiques. Les insectes perdent la mémoire et ne retrouvent plus leurs nids. La colonie perd ses membres et peut disparaitre complètement. Les néonicotinoïdes  réduisent aussi la viabilité de spermatozoïdes et impactent les glandes hypo pharyngées qui secrètent les phéromones  de reproduction. Il est donc important de préserver de larges zones non traitées tant les services rendus à la pollinisation des plantes par les bourdons et les autres hyménoptères sont importants.



Statut de protection : espèce non protégée par la loi mais très importante au niveau pollinisation


Texte : Martine Devondel et Roland Gissinger (ANAB)
Photos :
Nicolas Vereecken
 

Bibliographie :
Guide des Abeilles, Bourdons, Guêpes et Fourmis d’Europe , H. Bellmann
Hyménoptères d’Europe 3, Bourdons d’Europe et contrées voisines, Denis Michez

Field Guide to the Bumblebees of Great Britain & Ireland, Mike Edwards

Bombus lapidarius
Étude de la génétique et du marquage olfactif de Bombus lapidarius 2013
Étude sur les hydrocarbures émis par Bombus lapidarius en lien avec le stress climatique et environnemental 2022
Impacts des néonicotinoïdes sur les spermatozoïdes et glandes hypo pharyngées de Bombus (2021)

                             

Rédigé par ANAB

Publié dans #Insectes de chez nous

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B
Bravo pour cet article très complet !
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R
Merci Bernard