Le Méconème fragile (Meconema meridionale)

Publié le 10 Août 2022

Mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale)
Mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale)

Mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale)

Mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale) - Photo Martine Devondel (Anab)

Mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale) - Photo Martine Devondel (Anab)

L’été, c’est la saison des sauterelles et criquets. Certains d’entre nous ont pu apercevoir cette petite sauterelle verte très mimétique dans la végétation. Pour cette raison, elle est difficile à voir sur les arbres et en plus c’est une noctambule. Elle peut se retrouver piégée dans une maison. 


Nom scientifique :  Meconema meridionale A. Costa, 1860
Origine du nom scientifique: « Meconema» vient de la fusion de deux mots grecs, « meco », long et « nema », fil.
Ce nom « longs fils «  fait allusion aux cerques vraiment inhabituels chez le mâle de cette sauterelle. (voir photo).
 « 
meridionale», signifie en latin  « du midi ou méridionale » parce que cette espèce était un orthoptère à distribution méditerranéenne.
Ce n’est  que depuis quelques années qu’elle a colonisé le nord de l’Europe.
Autres noms communs : Le Méconème fragile.
Nom allemand : Südliche Eichenschrecke, Südeuropäische Eichenschrecke
Nom anglais : Southern Oak Bush cricket.
Observation : un  8 septembre  à Sarre-Union (67)

Classification :  le Méconème fragile appartient à l’ordre des Orthoptères (sauterelles , criquets, grillons)  qui comprend  la  famille des Tettigoniidae ( Sauterelles ) et la sous - famille des Meconematinae (Méconèmes ).
Les Méconèmes sont de petites sauterelles arboricoles caractérisées par leurs tympans ovales ( organes auditifs situés sur le tibia des pattes antérieures )  et l’absence ( ou la régression ) des organes alaires phonateurs.

Dimensions: 11 à 13 mm pour les mâles et 11 à 17 mm pour les femelles qui  portent un long organe de ponte en forme d’épée ou oviscape.

Période d’observation : de juin  à octobre. Elle est observée à 90% en septembre – octobre.

Description : Son corps est petit, cylindrique et mince, sa tête anguleuse. Ses yeux blancs chez le mâle sont  brun-violacés chez la femelle. Les antennes sont démesurées, plus de trois fois plus  longues que le corps.
Le Méconème fragile revêt une belle teinte vert clair assez uniforme et brillante. Sa tête est traversée longitudinalement par une bande médiane jaunâtre, se prolongeant sur le pronotum ( partie avant du thorax ) orné en sa partie postérieure de deux tâches brunes.
Particularité : les organes de vol ont très fortement régressé, les 2 ailes en forme d’écailles se recouvrant à peine, sont réduites et ne permettent pas à cette sauterelle de voler ni de striduler.
Chez le mâle, les cerques (appendices situés à l’extrémité de l’abdomen)  sont longs et en forme de fine pincette.  La femelle, quant à elle présente un oviscape (ovipositeur )  en forme de sabre.                                                                                                                        
Cerques courbés d'un mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale)

Cerques courbés d'un mâle de Méconème fragile (Meconema meridionale)

Biologique et activité
Cette sauterelle est arboricole et vit dans le feuillage des arbres comme le tilleul, le marronnier d’Inde, les érables, le chêne, le noisetier. Elle fréquente également d’autres essences : rosiers buissonnants, vignes en espaliers, chèvrefeuilles grimpants.
 Elle reste cachée la journée sous les feuilles et  s’active essentiellement la nuit, même s’il est possible de l’observer en journée comme nous avons pu le faire.


 Chant +Stridulation: Les mâles bien qu’ils  ne possèdent pas d’organe stridulatoire, produisent quand même une émission sonore. Le son émis  par le mâle est obtenu par le tambourinement  de ses pattes postérieures sur une branche ou une feuille.  Ce ne sont  pas  des notes musicales. Cela ressemble à un tapotement discret de 4 à 7  petites frappes successives sur un carton,  de faible  intensité et  difficilement audible, de 4 à 7  petites frappes successives sur un carton.

Ses mœurs discrètes, son aspect juvénile, sa phénologie tardive ( l’insecte se montre essentiellement en septembre - octobre ) et ses émissions acoustiques à peine audibles, en font un animal peu remarqué, passant facilement inaperçu.
Reproduction: Au début de l’été, fin juillet,  attirée par le chant d’un mâle, la femelle  va s’accoupler. 
Elle enfouit  ses  d’œufs au moyen de son oviscapte dans les fissures des écorces. Les hêtres et frênes sont évités car ils ont moins de fissures que les chênes ou les érables. Les œufs en diapause embryonnaire permettent à l’espèce de survivre  l’hiver.
Ils vont éclore et donner naissance à de petites  larves de 1 mm  au printemps suivant.
Après avoir vécu en petits groupes, les jeunes vont se disperser et, après 5 mues successives, devenir des adultes  fin juillet.


Nourriture des adultes : cette sauterelle chasse la nuit  de petits insectes, notamment des  pucerons, et des chenilles.

Habitat: le Méconème fragile vit dans les arbres comme déjà énoncé, en particulier dans leur cime.
C’est d’abord  une sauterelle de milieux chauds ou tempérés. Elle est absente au- dessus de 1000 mètres et affectionne les milieux arborés et chauds y compris les parcs et jardins.
 L’environnement urbain, en moyenne plus chaud que les milieux naturels semble bien convenir à ce Méconème aux exigences de chaleur et de sécheresse particulièrement marquées. Ce qui expliquerait sa présence dans ma maison (Roland)!

Il n’existait pas dans notre région (Alsace) voici une vingtaine d’années et serait  venu coloniser  nos régions et le sud des Alpes et de l’Allemagne  par suite du changement climatique en cours.
Il a été découvert en Pologne en 2014 et en Serbie en 2015.

Explications sur cette migration et  que nous devons à Gilles San Martin, orthoptériste. Nous le remercions chaleureusement:

Je ne sais pas si il y a des études précises sur les modes de dispersion de Meconema meridonale en particulier mais il y a une hypothèse qui est très plausible à mon avis : elle prend tout simplement
la voiture ... Des individus se font passivement transporter en restant accrochés aux voitures.
Ce type de transport a déjà été documenté par exemple chez la mineuse du marronnier https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.0021-8790.2004.00820.x
Dans cette étude, on a pas observé visuellement le déplacement de ces microlépidoptères mais les chercheurs montrent qu'on prédit beaucoup mieux la dispersion de cette espèce au début de son invasion si on tient compte de la densité de population humaine et des réseaux de transport.
Dans ce cas vraisemblablement, les feuilles minées tombent sur des voitures et se font transporter d'un endroit à l'autre.
Ce type de transport par voiture ne fonctionne pas avec toutes les espèces mais avec M.meridionale je pense que c'est extrêmement plausible. Il s'agit en effet d'une espèce arboricole qui s'accroche en général très fermement à son substrat. Un classique en animation avec des enfants : vous prenez
une Meconema en main et vous la jetez sur le feuillage d'un arbre. Dans 99% des cas elle reste accrochée grâce aux petites soles adhésives qu'elle possède au niveau des tarses. Une Meconema sur une voiture en train de rouler va très probablement s'accrocher fermement à la carrosserie (je l'ai
déjà observé plusieurs fois) et pourrait se faire transporter sur de nombreux kilomètres.

Par ailleurs les schémas de dispersion dans les régions nouvellement envahies sont très similaires à celles de la mineuse du marronnier et suivent les zones de haute densités humaines. En Belgique, la première observation a eu lieu sur une aire d'autoroute (E411 Aische-en-Refail). Ensuite elle s'est
répandue dans les villes : Bruxelles, Gand, Louvain-La-Neuve, Namur,... La première fois que je l'ai observée en dehors d'une ville c'était à Vierves-sur-Viroin, dans un lieu très fréquenté par des naturalistes Bruxellois motorisés. Une autre observation en pleine Ardrenne était sur la carrosserie
d'une voiture qui me conduisait à la gare de Graide Station...

Bien sûr, le fait qu'on les trouve essentiellement en ville dans un premier temps est sans doute lié aussi au fait que les conditions climatiques des villes leur sont particulièrement favorables (nuits et hivers plus doux).
 

Confusion : possible, oui, avec son cousin, le Méconème tambourinaire, Meconema thassalinum moins thermophile et  qui présente des tegmina ( ailes antérieures ) longs atteignant l’extrémité de l’abdomen.

Prédateurs: Mantes, lézards, chauve- souris, oiseaux, mammifères, amphibiens.

Protection et Prédateurs :
L’espèce est en progression dans le Nord, ce phénomène est  sans doute lié à la succession des étés favorables.  Elle est passée en 12 ans du statut  très rare à commun. Si elle est  assez présente, elle serait cependant sous détectée.
Elle reste encore fragile par  la raréfaction de son biotope et la fragmentation de celui-ci.
Quelques départements  voient ainsi leurs populations diminuer, en cause aussi les pesticides et la disparition des haies.

Elle est classée en  statut Znieff dans les régions  Centre-Val de-Loire, Champagne-Ardenne et  Haute-Normandie.

Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ont  pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation.

 
Intérêt alimentaire : vous prendrez bien un  steak aux sauterelles ?
Voir cet article sur le Conocéphale gracieux



Texte,  bibliographie  Martine Devondel, Roland Gissinger (Anab)- photos Roland




Articles de référence et bibliographie :

https://www.orthoptera.ch/arten/item/meconema-meridionale
Identification de Meconoma meridonale

Guide des Sauterelles, Grillons  et Criquets d’Europe occidentale, H.Bellmann - G.Luquet, Ed. Delachaux et Niestlé

Clé photographique des criquets, sauterelles, grillons et tétrix de Belgique, S.Claerebout, Ed. CNB

 

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M
Bien présent dans mon jardin en banlieue liégeois(.be): ce 12/8 j'ai vu (et photographié) un mâle sur une feuille de vigne.<br /> Je les vois aussi régulièrement sur un rosier grimpant.
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R
Bravo Marie Anne, pour la photo de ce Mécomène et cette coïncidence avec notre article. Je vous souhaite d'autres belles découvertes.
B
Article intéressant et complet. Quant aux tapotements, je dirais " Esprit es-tu là ?"
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A
Merci BernardW de ce commentaire. Lire ton écriture pleine d'esprit est toujours une joie.<br /> Roland