Enquête mycologique, épisode 63, Cystolepiota seminuda (Lépiote demi-nue)
Publié le 15 Octobre 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 13 septembre 2022, dans la forêt de Siltzheim, une forêt à tendance acidiphile à tendance limoneuse. Après des semaines et des semaines de sécheresse, c’est à la faveur de pluies orageuses que les gangs fongiques sortent du sol. Le spécimen a été trouvé le long de la route forestière.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, avec des débris agglomérés à la base du pied. Aucun doute qu’il s’agit d’un champignon saprophyte.
Profil du suspect
C’est un champignon de morphologie classique, pied/chapeau. Il possède des lames, mais on distingue mal si ces lames sont libres ou fortement échancrées.
Cette difficulté survient souvent sur le terrain. Dans ce cas, une coupe longitudinale permet de statuer.
Les lames sont libres.
Elles sont de couleur blanche crème. À ce stade on peut soupçonner fortement soit un membre du groupe des lépiotes, ou une amanite.
Une réflexion complémentaire va nous permettre de statuer.
Le réflexe suivant est de réaliser une sporée. Elle est blanche.
La sporée blanche confirme le groupe des lépiotes ou des amanites.
Opération suivante, l’examen des voiles. Le chapeau et le pied sont farineux, ainsi qu’une marge appendiculée sur les sujets jeunes. Il n’y a pas de volve à la base du pied, ni d’anneau, ni d’écailles ou de flocons. On ne s’oriente donc pas vers une amanite et dès le départ on pouvait l’exclure puisque les amanites sont mycorhiziennes. On est dont bien en présence d’une lépiote au sens large. D’habitude les lépiotes ont le chapeau écailleux mais il existe des groupes un peu différents.
Les lambeaux sur la marge, l’aspect farineux, le pied blanc en haut, violacé rougeâtre en bas et l’habitat (bord de chemin) permettent sans hésitation d’identifier la lépiote demi-nue (Cystolepiota seminuda).
La police scientifique
Pour le plaisir, une vue des spores.
Spores. Microscopie x 1000 de Cystolepiota seminuda (Lépiote demi-nue) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
La conclusion de l’enquêteur :
Finalement, un peu de méthodologie et des connaissances de base permettent déjà de dégrossir une identification et au moins éviter de grossières erreurs qui pourraient être fatales pour le cueilleur trop gourmand. Mais pour cela il faut observer et manipuler le champignon. Cette lépiote est assez typique et affectionne les milieux rudéralisés. Nul doute que les promenades canines sur ce chemin forestier font son bonheur mais aussi celui du mycologue. Il ne faudra pas la confondre avec Cystolepiota hetieri qui rougit à la manipulation.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)