Enquête mycologique, épisode 66, Amanita phalloides (Amanite phalloïde )
Publié le 5 Novembre 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 14 octobre 2022, dans la forêt de Zetting. L’enquêteur s’apprête à rencontrer celui qu’il considère comme un des rois de la forêt, aussi beau que dangereux. Il a envoyé il y a quelques semaines une Iséroise de 80 ans à la mort.
Arme du crime
C’est un champignon qui n’agglomère pas de débris à la base du pied. Nul doute qu’il est mycorhizien.
Profil du suspect
Son profil est classique, pied chapeau. Ses lames sont blanches, libres et serrées. Il arbore un bel anneau sur le pied.
À la base du pied se trouve un impressionnant sac d’où émerge le pied. C’est ce qu’on appelle une volve. À ce moment-là, l’enquêteur, avec des lames blanches et une volve, pense immédiatement au groupe des amanites. Chez le cueilleur, un signal « danger » doit retentir dans la tête.
Combien de cueilleurs coupent le pied du champignon. C’est absolument une pratique à bannir, surtout chez les champignons à lames blanches. En coupant le pied, vous passez à côté de la volve. Déterrer et regarder la base du pied aurait sauvé plus d’un cueilleur d’une mort atroce ou, dans le meilleur des cas, évité une greffe de foie. Car effectivement, ce magnifique champignon ne doit surtout pas être mangé. Il contient des toxines très dangereuses qui détruisent le foie, rappelons-le, un organe vital.
Il arbore une belle couleur de chapeau vert olive, vergeté de fibrilles foncées. Son pied arbore le même type de vergetures.
Sans difficulté, l’enquêteur identifie immédiatement l’Amanite phalloïde, Amanita phalloides.
La volve, une observation qui sauve la vie.- Amanita phalloides (Amanite phalloïde) Photos Gilles Weiskircher (Anab)
Un mot sur l’amanite phalloïde et les amanites
Identifier une amanite n’est pas en soi difficile. Lames blanches serrées et libres, présence d’un anneau et une volve et/ou des flocons sur le chapeau.
Pour schématiser, l’amanite, dans son état juvénile, se trouve dans un « cocon », un genre « d’oeuf », le voile universel. Le champignon, en grandissant, déchire ce voile pour se déployer. Il restera finalement des restes de ce voile sur le chapeau et/ou à la base du pied. La présence de ces voiles est une des caractéristiques de l’espèce. Par exemple, l’amanite citrine a des flocons sur le chapeau mais pas de volve à la base du pied. Tout le contraire de l’amanite phalloïde qui n’a pas de flocons sur le chapeau mais une volve ample à la base du pied.
Sa bonne odeur de rose est trompeuse sur ses intentions culinaires. Pour compliquer la tâche, il existe une forme blanche de la phalloïde mais néanmoins, la volve et les vergetures ne trompent pas.
Donc observez, manipulez, questionnez
La conclusion de l’enquêteur
Considéré comme l’ennemi public n°1 (et c’est vrai qu’il est en pôle position pour le nombre de décès), l’enquêteur pourtant prendra sa défense. Ce n’est pas le champignon qui est responsable de ces désastres, mais bien la méconnaissance et la précipitation humaine.
Il faut le répéter : OBSERVEZ LA BASE DU PIED, NE COUPEZ SURTOUT PAS LE PIED. De façon générale, dès qu’il y a des lames blanches : ATTENTION DANGER EN VUE.
Et pour cela : IL FAUT RETOURNER LE CHAMPIGNON ET REGARDER EN DESSOUS. AUCUN CHAMPIGNON DANS LE PANIER AVANT D’AVOIR REGARDE EN DESSOUS !!
C’est en compagnie de ce magnifique champignon que l’enquêteur invite tous les cueilleurs à retenir attentivement les phrases ci-dessus. Du plaisir du palais à l’oubli du cercueil, la différence tient à peu de choses avec les champignons.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)