La Vanesse des Chardons, La Belle-Dame (Vanessa cardui)
Publié le 30 Octobre 2022
Martine et Roland
Nom scientifique : Vanessa cardui (Linnaeus, 1758)
Origine du nom : « vanessa», dérive probablement du grec « phainein » briller. Les papillons de genre vanessa sont très colorés.
Une autre étymologie serait une allusion à un livre du romancier Swift « Cadenus et Vanessa ».
Voir l’article fleuve sur ce sujet sur le site très intéressant de Jean-Yves Cordier sur la zoonymie (étymologie et étude du sens des mots) de ce papillon et de beaucoup d’autres.
Autres noms communs : Vanesse de L'Artichaut (La), Vanesse du Chardon (La), Nymphe des Chardons (La)
Nom allemand : Distelfalter
Nom anglais : Painted Lady
Observation : le 1er octobre à Oermingen (Bas-Rhin)
Famille : la Belle Dame appartient à la famille des Nymphalidae qui comprend le Vulcain, le Paon du jour que tout le monde connait ainsi que les Nacrés, ces grands papillons oranges des forêts.
Cette famille compte plus de 5000 espèces différentes de par le monde dont seulement 70 en Europe !
Points communs : ces papillons de jour sont de taille moyenne et ont des couleurs très vives.
Ils ont la particularité de ne marcher que sur 4 pattes. Celles du mâle sont à longues écailles poilues, celles de la femelle à poils courts.
Il existe deux papillons du genre Vanessa dans notre région. L'autre est le Vulcain, Vanessa atalanta.
Dimensions: envergure 64 mm (45 à 73 mm). Durée de vie : maximum 1 an (de l’œuf à la mort)
Description : ce papillon présente deux faces très différentes : le dessus de l’aile antérieure est fauve marqué de noir, son apex est noir à tâches blanches. Le dessous de l’aile antérieure est fauve rosé.
Le revers de l’aile postérieure est chamarré de beige et de blanc, type camouflage avec des nervures blanches et une série d’ocelles postdiscaux pupillés de bleu.
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Les antennes, annelées présentent une extrémité enflée orangée.
Chez cette espèce, les sexes sont semblables., le mâle ne se distingue pas de la femelle.
Les papillons en cours ou en fin de migration ont des couleurs ternes comme délavées, usées.
Confusion : pas de risque, aspect unique
Période d’observation: début avril à octobre
Biologie et activité :
Reproduction:.
Les mâles sont territoriaux et attendent qu’une femelle passe dans leur territoire pour lui faire la cour.
Les mâles s‘accoupleront avec plusieurs femelles si cela leur est possible pour assurer une transmission plus abondante de leurs gènes .
Ils communiquent entre eux au moyen de substances chimiques ( phéromones) ou par la perception de couleurs ou de sons.
La femelle pond environ 500 œufs un à un sur la face inférieure des feuilles de la plante hôte qui servira de nourriture aux chenilles phytophages.
Les préférées sont des astéracées comme les chardons, les cirses, la Bardane, le Tussilage mais elle ne dédaigne pas d’autres plantes comme l’Ortie dioïque.
Les larves peuvent comme les adultes se nourrir de 100 plantes, pas forcément les mêmes, alors que d’autres papillons sont monophages et liés à une ou deux espèces de plantes.
Migration :
Cet insecte nous vient de l’autre côté de la Méditerranée, du Maghreb où il est actif toute l’année.
II peut y produire 4 générations. Il est donc dit polyvoltin.
Certains, au début du printemps, migrent grâce à leur vol puissant sur la côte méditerranéenne où ils se reproduisent dès leur arrivée.
Les individus issus de cette 1 ère génération migrent ensuite vers nos régions où ils arrivent en mai-juin.
Chez nous, ce papillon a de un à trois cycles de reproduction.
En octobre, les derniers papillons repartent vers l’Afrique. Ils continueront à se reproduire pendant le retour de migration.
En principe, il n’hiverne pas chez nous même si certains individus survivent dans nos régions les plus méridionales, à l’état nymphal ou imaginal.
La migration des papillons peut totaliser 15 000 km. Ce ne sont donc pas les mêmes papillons au début et à la fin de cette » transhumance ».
Il a été prouvé qu’un papillon d’une génération peut parcourir 4000km. (3)
Le vol de la Belle Dame atteint 25 à 30 km/h. Porté par les vents, il peut parcourir 500 km par jour.
Elle migre de jour et de nuit et vient parfois, lorsqu’elle traverse la Méditerranée aux lumières des bateaux en pleine mer, pièges lumineux à Hétérocères.
Un nouvel article communiqué par Paul (5) complète la faculté incroyable de ce papillon à migrer puisqu’il porte à 7 000 km la distance de migration. Les chercheurs ont utilisé des logiciels de simulation des courants aériens pour trouver les vents capables d’aider ce papillon. Ils ont trouvé des conditions favorables, dans les historiques météo, quelques jours avant la découverte de l’arrivée de ces papillons en Guyane.
Au retour de migration, certains papillons ne peuvent franchir certaines barrières naturelles comme les Alpes et meurent par milliers sur place.
Les spécialistes suivent chaque année ces migrations qui sont documentées dans certains pays depuis une centaine d’ années.
En 2009, 11 millions de Belles-Dames sont arrivées au Royaume -Uni et 29 millions en sont reparties au début de l’automne vers l’Europe.
Ces chiffres ont été compilés sur la base de plus de 10 000 observateurs bénévoles.
Il n’a pas été trouvé (en date de 2017) l’endroit précis où se produisaient les reproductions phénoménales à l’origine de ces migrations massives.
L’hypothèse retenue serait que ce soit en Afrique subtropicale au sud du Sahara !
Nourriture des adultes :
Ils se nourrissent du nectar des chardons, de Trèfle des prés, de Buddléia, de malvacées, de Troène et autres.
Au total une centaine de plantes sont visitées et pollinisées.
Cycle de reproduction :
Les œufs des Belles Dames sont ronds et verdâtres et comportent 12 à 14 crêtes longitudinales. Ils sont tous munis d’un orifice à leur extrémité, le micropyle.
La paroi de l’œuf en chitine est solide. Il est donc indispensable d’avoir une entrée d’air pour la respiration de l’œuf puis de la chenille qui va s’y développer.
La croissance de la chenille se fait par le passage en 5 stades successifs ou mues jusqu’à former une chrysalide grise parsemée de points orange.
Ce cycle dure de 33 à 44 jours et 60 jours sous les climats frais.
Les chenilles sont noires puis brun-vert. Elles sont bardées de touffes de poils épineux dressés sur des tubercules orangés.
La tête est très velue, peu distincte.
Elles fabriquent de petites tentes en tissant des fils pour plier la feuille hôte. Le résultat est un toit qui sert d’abri.
Elles peuvent atteindre une taille de 30 à 40 mm. L’entrée en nymphose permet aux chenilles de quitter leur stade larvaire et d’émerger en tant que papillon.
La chrysalide de la Belle Dame ressemble à une feuille morte ponctuée de points blancs pour se fondre dans le paysage.
Après être sorti de sa chrysalide, le papillon doit trouver un endroit sans obstacle pour déployer ses ailles.
Il remplira d’air les trachées qui parcourent son corps et ses ailes pour leur permettre de se gonfler et de se rigidifier.
Il faut plus d’une heure pour lui permettre de déployer et de faire durcir ses ailles.
Pendant cet instant, le papillon est très vulnérable puisqu’il ne peut pas voler sans risque de déformer ses ailes ce qui altérerait à jamais sa capacité ultérieure de vol.
Après un délai de 5 à 7 jours les individus mâles et femelles peuvent se reproduire.
Menaces par fragmentation des habitats
Le morcellement des écosystèmes est une problématique peu prise en compte par les politiques et les spécialistes de l’aménagement du territoire.
Les routes et zones commerciales, industrielles et pavillonnaires fragmentent les habitats. Ces îlots d’habitats se trouvent ainsi isolés, séparés: il y a perte de connectivité, limitation de la dispersion et des échanges entre populations .
Les nouveaux projets ont d’autant plus d’incidence qu’ils surviennent dans un contexte de raréfaction majeure des insectes .
Deux populations de 20 papillons ont moins de chance de survie qu’une de 40.
Habitat: la Belle Dame fréquente les espaces fleuris et ensoleillés, les lisières ou friches riches en plantes hôtes, en particulier les cirses et chardons.
C’est le papillon le plus cosmopolite qui existe. Il est présent dans toute l’Europe, l’hémisphère nord et l’ Afrique jusqu’à 3 000 mètres d’altitude.
Grâce à ses capacités de vol, il migre partout.
Une migration identique a lieu en Amérique du Nord depuis le Mexique vers le grand Nord du Canada.
Il serait plus rare en Amérique du Sud et absent, ce qui est évident, au de là du Cercle polaire.
Prédateurs: Chauve- souris, oiseaux, guêpes, araignées, fourmis.
Des diptères ( Tachinidae) ou hyménoptères ( Ichneumonidae ) peuvent aussi parasiter les œufs, les chenilles ou les chrysalides.
Protection et statut : Ce papillon, est présent avec de petits effectifs en Lorraine et Alsace et dans toute la France.
Par suite de l’usage des pesticides, de la fragmentation de ses habitats, de l’agriculture intensive, des coupes de haies et friches, sa population reste limitée.
Malgré cela, il n’a pas de statut de protection ou de classement !
Texte, Martine Devondel et Roland Gissinger (Anab) photos Roland
Bibliographie :
Livres
1/ Très joli et instructif livre : Guide complet des papillons de jour de Lorraine et d’Alsace –JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise
Papillons de France, Tristan Lafranchis
2/ Fiche Vanessa cardui Université du Michigan
3/ Migration de Vanessa cardui Europe-Afrique (11 pages) -2017
4/ Biology of Vanessa cardui (1973)
5/A trans-oceanic flight of over 4,200 km by painted lady butterflies Tomasz Suchan juin 2024