Enquête mycologique, épisode 67, Pholiota jahnii (la Pholiote de Jahn)
Publié le 12 Novembre 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 16 octobre 2022, dans la forêt de Siltzheim. Difficile de rater ce champignon avec sa belle couleur jaune flashante.
Arme du crime
C’est un champignon qui pousse au sol et agglomère des débris de bois à la base du pied. Nul doute qu’il est saprophyte.
Profil du suspect
Son profil est classique, pied chapeau, avec une silhouette tricholomoïde (donc une silhouette de tricholome, pied et chapeau imposants). Les lames sont échancrées, avec une arête jaune. Sa magnifique couleur jaune attire l’attention. Son chapeau est visqueux et couvert d’écailles triangulaires plus ou moins épineuses. Le pourtour du chapeau est habillé de lambeaux de voile.
Le pied est jaune, avec des mèches rousses. La saveur est douce, l’odeur faible.
A ce stade, on peut déjà faire une synthèse d’observations importantes :
- lames non libres mais échancrées
- voile général : absent ; pas de volve et/ou de flocons sur le chapeau
- voile partiel : présent sous forme de lambeau sur la marge du chapeau ; pas d’anneau
- ornements : des mèches sur le chapeau et le pied.
La suite des investigations va nécessiter la réalisation d’une sporée.
Sporée
Elle de couleur brun rouille.
Avec les éléments suivants : lames échancrées, pousse liée au bois, absence d’anneau, sporée brun rouille, chapeau avec des mèches, le genre Pholiota ressort immédiatement.
Avec le chapeau visqueux, recouvert de mèches pyramidales et noirâtres, le champignon trouvé est la pholiote de Jahn, Pholiota jahnii.
Examen part la police scientifique
Les spores sont elliptiques et lisses. Le pore germinatif est peu visible (ce pore est l’endroit d’où se développera le mycélium lors de la germination de la spore. C’est une zone circulaire amincie de la paroi de la spore, observable au microscope). Les spores font entre 5 et 7 microns.
Spores (au microscope X1000) de Pholiota jahnii (la Pholiote de Jahn) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Les cheilocystides sont cylindriques, tortueuses, capitées pour certaines.
Cheilocystides - (au microscope X1000) de Pholiota jahnii (la Pholiote de Jahn) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Enfin, on note la présence de chrysocystides. Ce sont des cystides particulières avec une vacuole énorme dont le contenu devient jaune d’or en présence d’ammoniaque. C’est une particularité du groupe des strophaires et des pholiotes.
Chrysocystide (au microscope X1000) de Pholiota jahnii (la Pholiote de Jahn) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Les pholiotes
C’est un groupe de champignons de morphologie collybioïde (pied mince/grand chapeau) ou tricholomatoïde (pied large/grand chapeau), avec un chapeau très souvent visqueux, des lames adnées ou echancrées, avec un voile partiel, une sporée brun rouille et majoritairement saprotrophes.
Le terme de pholiote regroupe différents genres, souvent sans affinités. Comme tous les termes vernaculaires, il faut être prudent. Par exemple, la Pholiote ridée a pour nom scientifique Cortinarius caperatus.
La conclusion de l’enquêteur
La pholiote de Jahn apprécie aussi bien les feuillus que les conifères. C’est la plus sombre des pholiotes écailleuses. D’autres membres du genre Poliota lui ressemble et il faudra un examen attentif des écailles et de la mesure des spores pour réaliser une détermination correcte.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)