Enquête mycologique, épisode 68, Russula zvarea (Russule rose tendre )–
Publié le 19 Novembre 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 16 octobre 2022, dans la forêt de Siltzheim. Voilà un très beau champignon avec une couleur rouge pourpre qui attend notre enquêteur.
Arme du crime
C’est un champignon qui pousse au sol, sans agglomérer des débris de bois à la base du pied. Nul doute qu’il est mycorhizien.
Profil du suspect
Son profil est classique, pied chapeau, avec une silhouette tricholomoïde (donc une silhouette de tricholome, pied et chapeau imposants). Les lames sont adnées.
On pense immédiatement, avec ce type de couleur, à une russule. C’est effectivement un bon réflexe mais attention toujours aux exceptions.
On réalise le test de cassure du pied ; ce dernier brise net comme de la craie, pas d’écoulement de lait, on est bien dans le genre Russula. Dès qu’on est en présence de ce genre, il y a des observations immédiatement à faire :
- nombre de lames par rapport au nombre de lamellules : nettement supérieur
- odeur : sans particularité, légèrement fruitée
- saveur : douce. Hé oui, il est indispensable de goûter une russule, sans oublier de recracher après, pour avoir cette information essentielle. Douce ou piquant, c’est une observation déterminante
- couleur du pied : rose saumon à la base
- éventuelle coloration de la chair : pour cela on coupe le champignon dans la longueur et on observe la chair ainsi mise à nue. Elle reste blanche
- quels sont les arbres en présence, le type de sol. On est en présence de hêtres, de charmes, quelques chênes, sur un sol légèrement acide.
- test aux réactifs : pour les russules on utilise principalement le gaïac et le sulfate de fer. Les néophytes n’auront pas ces réactifs chez eux ; s’ils se contentent déjà de bien relever les points précédents, c’est déjà beaucoup. Ici, le gaiac est faible sur les lames et le pied.
Ces observations déjà consignées, il reste à établir la couleur de sporée. Chez les russules, elle va du blanc au jaune. Il existe d’ailleurs un nuancier pour affiner cette couleur
Sporée
Elle est blanche
On a désormais tout en main pour se lancer dans les guides d’identification. Sans difficulté, on détermine la russule de Zvara, Russula zvarae. C’est une russule qui affectionne les forêts de feuillus. Elle n’est pas courante, sans pour autant être rare.
Examen part la police scientifique
Pour le plaisir, une vue au microscope x1000 des poils de la cuticule. Dans certains cas, cette observation est déterminante pour confirmer une identification.
Poils de la cuticule. Microscopie x1000-Russula zvarea (Russule rose tendre )– Photo Gilles Weiskircher (Anab)
La conclusion de l’enquêteur
Les russules sont un genre passionnant, en plus d’être de beaux champignons avec leurs couleurs exubérantes. Identifier une russule demande de la méthodologie (c’est le cas pour tous les champignons). Certains mycologues, les russulologues, se sont spécialisés dans ce genre.
J’ai l’habitude d’avoir en forêt (d’ailleurs partout où je vais) un carnet pour prendre des notes. Toute information concernant un champignon est bonne à inscrire pour s’y référer.
Statut de protection légal :
Espèce déclarée en danger en Franche-Comté et classée Znieff. Classée Znieff également en Lorraine.
Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ont pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation à partir de listes d’espèces peu courantes ou rares.
Vous trouverez ci-après une clé de détermination pour les russules, certes non exhaustive : http://smp24.fr/index_htm_files/Cle%20des%20Russules%20du%20Perigord.pdf
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)