Enquête mycologique, épisode 72, Inocybe subtigrina
Publié le 24 Décembre 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 22 octobre 2022, dans la forêt de Siltzheim, au bord d’un chemin forestier, dans l’herbe. Après avoir, la semaine dernière, ferraillé avec le difficile groupe des hébélomes, c’est un autre redoutable gang qui attend l’enquêteur.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol et la base de son pied n’agglomère pas de débris organiques. Il s’agit donc vraisemblablement d’un champignon mycorhizien.
Profil du suspect
La morphologie du champignon est classique, avec un pied et un chapeau. C’est un petit champignon, d’un diamètre de chapeau 3 cm. Il possède des lames, non libres et adnées. Le chapeau présente une belle coloration ocre, des lames beige puis ocre rouille et son chapeau est couvert de mèches radiales fauves.
Avec son chapeau en forme de cloche, l’enquêteur soupçonne immédiatement un membre du gang des inocybes. Il n’y a pas d’odeur particulière.
Un mot sur les inocybes
Les membres de ce gang présente souvent une odeur distincte dite spermatique, la couleur de sporée est brun tabac et le chapeau est fibrilleux (inocybe d’ailleurs signifie littéralement chapeau fibreux). C’est un groupe avec lequel il faut être prudent, surtout quand on le collecte. Il faut éviter de trop manipuler le pied car il présente des structures microscopiques souvent déterminantes et il faut aussi observer s’il y a un bulbe à la base du pied. En résumé, un inocybe se manipule avec délicatesse et, sauf exception, il faudrait souvent passer par le microscope pour affiner la détermination. Celui-ci ne fera pas exception
Sporée
La sporée est de couleur brun tabac, ce qui est conforme pour un inocybe.
Examen part la police scientifique
Les spores sont amygdaliformes, c’est-à-dire en forme d’amande.
De nombreuses caulocystides (cystides de pied) sont présentes en haut du pied, lagéniformes (en forme de bouteille) ce qui se traduit visuellement par un aspect floconneux du haut de pied. Il faut rappeler, qu’en présence d’un inocybe, il faut manipuler le moins possible le pied pour éviter de perdre ces caractéristiques.s
Les cheilocystides sont présentes, métuloïdes (à paroi épaisse et des cristaux au sommet), ventrues fusoïdes
Les pleurocystides sont cylindriques, à apex arrondi
Une observation intéressante est à faire dans l’ammoniaque. La paroi des cystides jaunit dans ce réactif.
Cystide, préparation au rouge congo ammoniacal. Microscopie x1000.- Inocybe subtigrina-Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Cette observation nous permet de classer notre spécimen dans le sous-groupe des Gausapatinae. C’est un petit groupe d’inocybes dont les représentants sont si difficiles à séparer que certains mycologues pensent qu’il ne s’agit que d’une espèce. Le spécimen repéré ici est identifié comme Inocybe subtigrina Kühner, nom qu’on va proposer avec précaution et prudence. Il n’existe pas de nom commun français.
De manière générale, les Gausapatinae ont un chapeau feutré, le pied poudré uniquement au sommet, des spores lisses et des cystides qui réagissent en jaune à l’ammoniaque.
Statut selon l’INPN : sans protection légale – Données insuffisantes en Alsace - Espèce déterminante Znieff en Haute Normandie.
Comestibilité : Toxique
La conclusion de l’enquêteur
Un inocybe, ce n’est jamais une mince affaire. Il reste un genre encore aujourd’hui mal connu des mycologues et peu de mycologues s’y frottent vu la complexité de ce groupe. D’identification difficile, certains restent faciles à déterminer sur le terrain avec un peu d’expérience. Pour d’autres, l’enquêteur doit rester très prudent, comme ici. On croît, à tort, que l’enquêteur arrive toujours à identifier formellement son suspect. Ce n’est pas vrai pour tous les gangs. Certains demandent encore à être mieux caractérisés et connus.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)