La Dolomède des marais, Dolomède bordée (Dolomedes fimbriatus)
Publié le 27 Novembre 2022
La Dolomède des marais, Dolomède bordée (Dolomedes fimbriatus)- Sur la seconde photo, la Dolomède tient un objet gris. C'est son exsuvie, 'enveloppe que le corps de l'animal a quittée lors de sa dernière mue
Voici une araignée présente un peu partout mais uniquement dans les lieux humides.
On a du mal à l’imaginer, c’est vrai !
Cette espèce utilise l’eau comme habitat et terrain de chasse.
Martine et Roland
Nom scientifique: Dolomedes fimbriatus (Clerck, 1758)
Nom commun : Araignée radeau
Origine du nom scientifique: du grec «Dolomedes» qui emploie des ruses et de « fimbriatus», qui signifie frangé .
Nom allemand : Uferjäger
Nom anglais : l Bog Raft Spider, Fishing Spider
Observation : Le 19 mai à La Petite Camargue (68) lors d’une sortie Anab
Classification : Les dolomèdes font partie de la classe des Arachnides et de l’ordre des Araneae, les araignées, qui comprend près de 50 000 espèces dans le monde.
Les Arachnides constituent une classe composée de 11 ordres dont 5 sont présents en France :
l’ordre des Scorpions*, des Pseudoscorpions*, des Acariens* (cfr les tiques porteuses de la borréliose de Lyme ou le Varroa destructor, parasite des abeilles ), des Opilions * ( les faucheux ) et des Araignées*.
Ces dernières sont toutes (à l’exception de Bagheera kipling ) des invertébrés prédateurs à 8 pattes, 6 à 8 yeux simples.
Contrairement aux insectes, elles n’ont ni yeux composés, ni ailes, ni antennes, ni pièces masticatrices et non pas 6 mais 8 pattes.
Ce sont aussi les seules Arachnides possédant des filières, productrices de soie.
Les araignées sont assez homogènes au niveau aspect.
On les reconnait à leur corps clairement divisé en deux parties, reliées par un étroit pédicule.
Leur mode de vie est en revanche très diversifié et fascinant à l’exemple de ces araignées errantes qui chassent en se déplaçant ou à l’affût.
Certaines n’ont pas de toile fixe. L’araignée gladiateur tisse une toile entre des branchages puis s’en saisit et la projette sur sa proie telle un gladiateur romain. Ce sont des araignées de type rétiaires, voir notre article à leur sujet.
Elles peuvent être diurnes, nocturnes, cavernicoles, terrestres et même aquatiques ( Argyronetra aquatiqua ).
Notre Dolomède des marais appartient à la famille des Pisauridae.
Cette famille se caractérise par l’absence de toile de capture.
Ce sont des araignées errantes chassant à la course dans les zones herbeuses.
Les femelles portent leur cocon au moyen de leurs chélicères.
Leur détermination se fait entre autre par leur aspect général, leur taille et la disposition de leurs yeux.
Elles existaient déjà voici 20 millions d’années et peuplent tous les continents .
Le mâle capture une proie qu’il enveloppe dans un cocon et offre à sa dulcinée en cadeau de mariage.
Le genre Dolomedes est riche de 102 espèces.
Dimensions: 14 à 22 mm pour la femelle et 10 à 17 mm pour le mâle
Le mâle est donc bien plus petit.
Ce n’est pas énorme à côté de la différence entre la femelle de la Veuve noire d’Australie, Latrodectus hasselti et son partenaire.
Celui-ci ne pèse que 2 % du poids de sa bien- aimée.
Période d’observation : mai à septembre
Description :
Son corps, très allongé est divisé en deux parties :
- la partie avant est le prosoma (ou céphalothorax).
Sa section céphalique porte 8 yeux simples dont la forme et la disposition sont des critères importants d’identification.
Chez Dolomedes, les yeux sont disposés sur deux lignes, ceux situés sur la ligne postérieure sont au moins aussi gros sinon plus gros que ceux de la ligne avant.
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Le prosoma possède également six paires d’appendices articulés :
* les chélicères, armes mortelles pour les proies. Ce sont les mains de l’araignée pour porter le cocon ou les proies, sécuriser le mâle durant l’accouplement…
* les palpes et autres pièces buccales : les palpes ne servent pas à la locomotion mais sont utilisées comme organe de préhension lors de la capture des proies. La « bouche « n’est qu’un orifice prolongé par le pharynx agissant comme une pompe puissante.
* les pattes, au nombre de 8, sont longues, 1 à 1.5 fois la longueur du corps et portent des soies hydrofuges qui permettent la marche sur l’eau.
Les pattes sont couvertes d’une multitude d’organes sensitifs, tels que poils, épines et trichobothries ( longues soies fines servant à la perception des vibrations).
- la partie arrière, l’opistosoma est allongée et correspond à l’abdomen chez les insectes.
Elle contient les poumons, les organes sexuels, les filières à soies et la tâche cardiaque où par transparence, on peut à la loupe binoculaire et sur l’araignée vivante, percevoir les pulsions du muscle cardiaque sous-jacent.
Le trait le plus caractéristique de la Dolomedes est une longue ligne latérale de couleur claire, jaune ou orangée qui parcourt tout le brun du corps .
Attention, les Dolomédes peuvent occasionner des morsures douloureuses !
A noter qu’il n’est pas possible de distinguer à l’œil nu les deux Dolomedes vivant en France, Dolomedes fimbriatus et Dolomedes plantarius .
La distinction entre ces 2 espèces se fait par l’examen des organes sexuels externes ( bulbe copulatoire et épigyne ).
Dolomedes plantarius est très rare et préfère l’eau libre sans arbre.
Notre observation étant une mare entourée d’arbres, nous sommes restés à l’identification D. fimbriatus.
Biologie et toile
Il est en principe possible d’identifier les familles d’araignées d’après leurs toiles mais ici ce n’est pas le cas.
Les Pisaures n’ont pas de toile mais chassent à l’affût pour attraper leurs proies.
Elles sont capables de marcher sur l’eau comme d’autres araignées.
et en cas de danger, peuvent rester plus d’une heure sous l’eau grâce à l’air emmagasiné dans leurs soies.
Reproduction:
Les adultes qui ont survécu à l’hiver se rencontrent après que le mâle ait effectué une parade amoureuse. Avant de partir à la recherche d’une femelle, le mâle va construire une petite toile de qq mm carrés. Il charge et remplit par capillarité avec une goutte de sperme ses bulbes copulatoires.
Quand il rencontre une femelle, il exécute des mouvements des pattes avant plus ou moins rapides. Des messages chimiques sont transmis par les pattes et perceptibles par la femelle. Ils sont très importants pour une rencontre.
Après la parade du mâle et l’acceptation de la femelle, l’accouplement en tant que tel se produit. Le mâle insère ses bulbes copulatoires dans l’ouverture génitale de la femelle qui présente un organe sclérifié complexe, l’épigyne.
La structure de ces organes est utilisée pour une identification sûre et précise de l’espèce.
Ces organes sont à ce point complexes qu’ils fonctionnent sur le principe de la clé et de la serrure, les hybridations sont ainsi très rares.
Il va pour s’accoupler imbriquer ses chélicères, ses appendices mobiles qui possèdent un crochet venimeux dans ceux de la femelle.
Ceci lui évite d’être dévoré à ce moment-là.
Ponte : la ponte a lieu 3 ou 4 semaines après. La mère épuise toutes ses réserves avec la ponte et tisse un cocon, une toile incubatrice, pour protéger les œufs. Elle le transporte dans ses chélicères. L’éclosion se fait sous la surveillance maternelle intensive qui dure 3 à 7 jours. Ensuite les jeunes se dispersent d’abord dans la végétation haute puis par la suite dans les milieux aquatiques.
Les araignées subissent 5 à 10 mues et ne sont matures sexuellement qu’à la dernière mue.
Le cycle est long et la maturité sexuelle atteinte après deux ans.
Après la dernière mue, le mâle présente au niveau des palpes, une structure spécifique qui sont les bulbes copulatoires.
La structure de ces organes est utilisée pour une identification sûre et précise de l’espèce.
Nourriture des adultes : la Dolomède des marais se cache sur des pierres, des morceaux de bois ou de végétaux.
Elle détecte ses proies à la vue mais surtout grâce aux soies sensibles aux stimuli chimiques et mécaniques de ses pattes.
Comme nous l’avons vu, elle possède aussi des poils sensibles aux vibrations ou trichobothries.
Ils renseignent l’araignée sur la présence de mouvements d’air très fins comme le battement d’ailes d’une mouche à 40 cm.
Elle peut donc chasser à l’affût, sur terre, cachée dans les herbes ou plus souvent en restant immobile sur la surface de l’eau.
Au besoin, elle plonge pour attraper des insectes, mouches ou moustiques, mais aussi des têtards, des petits poissons comme les gobies ou des tritons de petite taille, toutes proies souvent plus grandes qu’elle.
Les proies saisies sont immédiatement transpercées par les chélicères à l’air libre ou sous l’eau afin d’injecter un poison paralysant et des enzymes digestives. En quelques minutes une mouche est paralysée.
Après avoir dévoré leurs proies, les dolomèdes se nettoient en commençant par les pédipalpes. Ils sont utilisés pour nettoyer le prosoma et les pattes.
Ce nettoyage est sans doute une remise à zéro et à neuf du système tactile des soies. C’est un peu comme un passage d'un véhicule au garage où on vérifie que tous les capteurs de sécurité sont opérationnels, en état de marche et qu’aucun obstacle ne perturbe leur fonctionnement.
Habitat : Elle affectionne les terrains humides, près de l’eau où les populations peuvent être importantes.
Prédateurs: Mantes, lézards, chauve- souris, oiseaux, mammifères, amphibiens mais aussi leurs propres congénères et des insectes parasites ou parasitoïdes comme des diptères, des névroptères ou des hyménoptères, pompiles ou sphex.
Protection:
Les araignées, à l’instar d’autres groupes d’arthropodes ( carabes, criquets, papillons ) sont reconnues comme de très bons indicateurs biologiques.
La Dolomède des marais est déclarée disparue de la région Nord-Pas-de-Calais et vulnérable en région Picardie.
Elle est classée Znieff dans cette région ainsi que dans les régions de Lorraine, Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais (même disparue…) et Provence- Alpes- Côte d’Azur.
Sa raréfaction est liée à la disparition de nombreuses zones humides suite à leur artificialisation par les zones commerciales, routes et lotissements.
Texte, bibliographie, Martine Devondel et Roland Gissinger (Anab)
Identification Martine photos Roland
Article de référence et bibliographie :
Pour nous simplifier la vie et ne pas devoir créer une nouvelle rubrique, nous avons rangé sur ce blog, cette araignée et les autres dans la rubrique "insectes". Chers aranéologues, veuillez nous en excuser.
Clé de détermination des principales araignées de Belgique S. Renson Cercle des Naturalistes de Belgique (si lien ne marche pas allez sur la "boutique" du CNB) CNB
Article étoffé sur le genre Dolomedes en allemand de wikipedia.de